Ancien diplomate, passé par plusieurs cabinets ministériels, diplômé de l’Ecole supérieure de Journalisme de Lille, diplômé en Communication politique, Ghislain R. Etoughet revient ici sur les 100 premiers jours de Julien Nkoghé Békalé à la Primature.
Après les élections législatives d’octobre 2018 marquées par la nette victoire du Parti démocratique gabonais (PDG), le Président de la République, Ali Bongo Ondimba, a nommé Julien Nkoghé Békalé, précédemment ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, aux fonctions de Premier ministre, Chef du Gouvernement, le 12 janvier 2019, devenant le 2ème Premier ministre du deuxième septennat d’Ali Bongo. Il y a donc tout juste 100 jours.
Ces 100 premiers jours auront été marqués par d’importants actes liés à la Constitution : la formation du Gouvernement tout d’abord. Un gouvernement tout en équilibre : onze ministres d’Etat, dix-sept ministres et huit ministres délégués. Respect des équilibres géopolitiques et ethnopolitiques, un tiers des portefeuilles ministériels attribué aux femmes, pédigrée (assez) élevé des ministres, vécu professionnel évident, diversité des métiers (magistrats, avocats, journaliste, économistes, experts financiers, douaniers, administrateurs civils, et, bien sûr, comme toujours, enseignants). Une belle cartographie du Gabon. Puis, à la suite de la prestation de serment des membres du Gouvernement devant le Président de la République le 15 janvier, et après le réaménagement technique de l’équipe gouvernementale marqué par les départs d’Etienne Massard Kabinda, Christian Magnagna et Ali Akbar Onanga y’Obéghé et les arrivées de Rose-Christiane Ossouka Raponda et d’Alexis Boutamba Mbina le 30 janvier, s’est tenu un Séminaire Gouvernemental les 15, 16 et 17 février à Dounia Park (Cap Estérias) ; ce séminaire a décliné les principales articulations de la déclaration de Politique générale. Ensuite, cette déclaration de Politique générale a été faite par le Premier ministre au Palais Léon-Mba le 26 février, dans les délais prescrits par la Loi fondamentale.
‘‘Honorables Députés, le Gabon notre pays ne peut pas ne pas être réformé’’, avait alors lancé le Chef du Gouvernement à l’Assemblée nationale après avoir indiqué la localisation des réformes, toute leur importance et surtout leur nécessité. Il soulignait que l’application des réformes allait permettre à terme au pays de retrouver des marges de manœuvre budgétaire pour financer les dépenses d’avenir.
Particulièrement ambitieux, ce programme de politique générale ne se limite pas à une simple volonté d’énumérer les projets et les objectifs, mais vise sans ambigüité la satisfaction des préoccupations prioritaires des Gabonais. Dans le même temps, le Chef du Gouvernement exaltait le vivre-ensemble, ce sentiment de ‘‘l’évidente appartenance à un même pays’’ qui doit être toujours entretenu et sans cesse renforcé. Il anticipe ainsi des problématiques ‘‘qui ne manqueraient pas d’être soulevées un jour si chacun continue de s’enfermer dans son égoïsme’’, comme l’a élégamment dit un jour un élu ouest-africain… ‘‘Une déclaration de Politique générale qui contenait autant de cohérence que de profondeur. Une déclaration et des engagements pour la vitalité économique de notre pays et la cohésion sociale du Gabon’’, avait estimé un député. Ce discours nourri et concret dans lequel le ‘‘fils d’instit’’ demande des efforts à toute la collectivité a été bien accueilli dans l’hémicycle du Palais Léon-Mba par les représentants du peuple qui l’ont adopté à une très large majorité.
Gage de sérieux et de responsabilité, le programme de politique générale du Premier ministre dessine les contours d’un pays qui veut avancer résolument vers son développement et sa transformation, malgré les énormes difficultés qui jonchent son chemin.
Objectif n°1 : apporter des réponses concrètes aux attentes des Gabonais
En fait, si on devait accoler deux ou trois mots à la déclaration de Politique générale du Premier ministre, ce serait : engagement, détermination et courage. Julien Nkoghé Békalé s’est en effet engagé pour la mise en œuvre effective des réformes par son Gouvernement. Il s’est engagé à procéder à des réformes ‘‘nécessaires, utiles et courageuses’’ trop longtemps différées, et qui doivent impérativement, à présent, être mises en œuvre. Il en est ainsi de la baisse des hauts revenus – ceux s’élevant à plus de 650.000 f. Il en est ainsi également de la réduction du train de vie de l’Etat avec notamment la baisse drastique des missions des membres du Gouvernement. Il en est ainsi de la révision des modalités d’octroi des bourses d’études post-Baccalauréat (cette réforme ne sera pas appliquée cette année). Il en est ainsi aussi de la diversification de l’économie et de l’application pleine et entière des mesures contenues dans le Plan de Relance de l’Economie (PRE).
Les engagements du Premier ministre ‘‘ont le mérite de situer avec justesse le niveau de détermination qui est le sien’’. Car il y a assurément de la détermination chez Julien Nkoghé Békalé quand on voit comment il a engagé son gouvernement à passer rapidement aux actes, parce qu’il est conscient que la pente est haute, mais qu’il faudrait la surmonter à un rythme soutenu, d’autant plus que ‘‘l’action publique que le Gouvernement se propose de conduire s’inspire, dit-il, des orientations et des hautes instructions du Président Ali Bongo Ondimba’’ qui demande l’accélération de la concrétisation des mesures. Courage parce que, sachant que rien ne sera facile ni pour son équipe, ni pour lui-même, le Chef du Gouvernement a fait montre d’un devoir de vérité et de sincérité : il ne peut pas s’engager sur tout, mais sur l’essentiel, affirme-t-il. Il ne peut s’engager que sur ‘‘ce qui est réalisable, finançable et qui impacte directement les populations dont les attentes restent bien connues de tous’’. En dépit du contexte macroéconomique exigeant et peu favorable, ‘‘le Gouvernement est instruit de satisfaire les préoccupations des Gabonais’’ en apportant des réponses concrètes aux difficultés qu’ils vivent au quotidien. Dans ce contexte donc, le Premier ministre veut optimiser les recettes et rationnaliser les dépenses, réduire de 10% les effectifs de la Fonction publique sur les trois prochaines années. Il veut ‘‘mettre en place les conditions pour des résultats durables’’. Pour le Chef du Gouvernement, même si elles soulèvent de l’inquiétude, voire une désapprobation certaine dans l’opinion comme on l’a vu ces derniers jours sur la réforme des allocations d’études, les réformes à venir vont offrir à terme des opportunités immenses au pays. ‘‘Mon Gouvernement, a-t-il tenu à réaffirmer lors du déjeuner de presse du 8 avril dernier, est un Gouvernement des Réformes’’. Aller aux réformes aujourd’hui n’est donc pas une option. ‘‘Chaque Gabonais est en mesure de constater que nos ressources propres sont en diminution, alors que nos dépenses sont en constante augmentation. Les décisions annoncées sont des décisions réfléchies, pesées et nécessaires pour la Nation. Ce sont des réformes salutaires, profitables au plus grand nombre, même si elles apparaissent aujourd’hui discriminantes. Nous ne pouvons pas faire l’économie des réformes. Nous ne pouvons pas faire autrement’’, a bien voulu insister Julien Nkoghé Békalé dont on sait qu’il n’est pas un adepte des contorsions stylistiques. Il aime le franc parler, le ‘‘parler vrai’’.
‘‘Parler vrai’’ et ‘‘jeu collectif’’
Durant ces 100 premiers jours, il a fallu, dans le même temps, poser ‘‘les fondations de l’édifice’’, et rien n’a été ménagé : six conseils interministériels et plus d’une quarantaine de réunions sectorielles -soit une réunion tous les deux jours en moyenne- avec les membres du Gouvernement aux fins de concevoir, dans la collégialité, l’architecture de la phase II des réformes préconisées par Ali Bongo Ondimba. La Primature aura abrité, comme nous le disons plus haut, plus d’une quarantaine de réunions : en plus des réunions sectorielles avec les membres de l’équipe gouvernementale –parfois deux ou trois en une journée, et en plus des six Conseils interministériels qu’il a dirigés pendant ce laps de temps, le Chef du Gouvernement a tenu des réunions quasi-quotidiennes avec ses collaborateurs, en particulier le directeur de cabinet et les Conseillers chefs de département, ‘‘véritables outils d’aide à la décision’’, et a accordé, à des personnalités étrangères ou locales, des audiences à forte tonalité économique. En outre, des responsables d’entreprises publiques et les directeurs généraux des régies financières sont également venus au rapport.
Durant ces 100 jours, tout en posant les jalons pour la phase II des réformes, le Gouvernement Nkoghé Békalé s’est activé à trouver des solutions à des cas d’urgence. C’est le cas notamment du secteur des Travaux Publics où les Gabonais peuvent constater, avec plaisir sans doute, que les voiries de Libreville font l’objet d’un début de réhabilitation et de rénovation, en plus du démarrage imminent, conformément aux instructions du chef de l’Etat, des travaux du PK12 – PK 105 sur la Route Nationale 1. C’est le ministre Arnaud Calixte Engandji-Alandji qui porte ce dossier. Concernant l’Enseignement supérieur, les chefs d’établissement ont été désignés pour entamer leur mandat de trois ans (UOB, USTM, USS, ENSET, ENS) qui devrait voir les universités et grandes écoles de l’enseignement supérieur public s’arrimer davantage aux normes académiques internationales en vigueur. Le ministre d’Etat Jean de Dieu Moukagni Iwangou tient ce dossier. Dans le secteur de la Communication, la situation, bien qu’encore fragile, se stabilise à l’Agence Gabonaise de Presse (AGP) avec une nouvelle direction générale désignée en janvier dernier, qui aura permis entre autres le retour de la sérénité dans la maison et la relance de l’hebdomadaire Gabon Matin, un des produits-phares de l’agence.
Les efforts du Gouvernement se sont poursuivis dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens, avec la préparation des Forces de police nationale à la lutte contre le terrorisme, et la poursuite de la lutte contre le grand banditisme. Le ministre d’Etat Lambert-Noël Matha, premier flic du Gabon, est au cœur de ce dossier. En ce qui concerne le secteur de l’Education nationale, l’équipe gouvernementale a lancé un audit devant déterminer, dans l’optique de la régularisation des situations administratives, le nombre exact des enseignants exerçant avec des pré-salaires, ou simplement sans poste budgétaire. Cette mission est conduite par le ministre d’Etat Michel Menga et par le ministre délégué à l’Education nationale, Gisèle Akoghet Ntoutoume Essone. Par ailleurs, toujours dans le même secteur, le Gouvernement s’emploie à procéder, depuis le mardi 9 avril, au paiement des vacations 2018. On note aussi une volonté manifeste du Gouvernement de redresser durablement les entreprises publiques du secteur Transport. Le ministre Justin Ndoundangoye est chargé de la matérialisation de ce dossier. Tous ces actes, et bien d’autres, constituent la preuve de la détermination du ‘‘Gouvernement patriotique, de courage et de combat’’ à répondre aux attentes des populations.
Pragmatisme et écoute
Connu pour son pragmatisme, Julien Nkoghé Békalé a tenu aussi à descendre sur le terrain, avec deux visites dans son fief politique, et par une tournée des marchés municipaux de Libreville. Ce fut l’occasion pour lui de ‘‘tendre l’oreille pour écouter les battements de cœur de la population’’. Ce Premier ministre ‘‘à la tâche’’ s’est ainsi mis en mode écoute pour prendre ensuite, en toute conscience, ‘‘les décisions qui donnent le ton à ce qu’il va accomplir’’ en accord avec le président de la République. Au contact des populations, il a su ainsi se préparer à ‘‘l’accueil de l’imprévu’’, comme ces journées des 8, 9 et 10 avril derniers au cours desquelles le Gouvernement a dû faire face à des marches des élèves qui protestaient, à Libreville et en province, contre les nouveaux critères d’attribution des bourses.
Maintenant que son Gouvernement a démontré sa force de caractère et ses dispositions naturelles à dialoguer avec les partenaires sociaux, et parce que l’équipe qu’il conduit n’est pas autiste, le Premier ministre a tenu, dès ce mardi 23 avril, une grande Rencontre sociale à laquelle était convié l’ensemble des syndicats et groupements syndicaux de l’Administration publique et du secteur privé. Le ministre de la Fonction Publique, de l’Innovation, du Service Public et du Travail, Madeleine Berre, est chargée de ce dossier pour lequel la création de trois groupes de travail paritaires a été annoncée pour renforcer la mise en place d’un dialogue social permanent entre Gouvernement et Partenaires sociaux. Le Premier ministre s’attaquera ensuite à d’autres dossiers tout aussi épineux auxquels la société a à faire face.
Dialogue social, Réformes, actions sociales et solidarité
Car, après la phase I des réformes –les réformes politiques issues du Dialogue politique d’Angondjé (initié par le Chef de l’Etat)- qui ont été mises en place par le Gouvernement précédent, avec l’adoption d’une nouvelle Constitution, les élections uninominales à deux tours, la réduction de moitié du nombre de Sénateurs, la révision à la hausse du nombre de députés, la transformation du CNC en HAC, le changement au CES avec l’ajout de l’Environnement parmi les missions de cette institution, la réforme de la CNLCEI, la diminution de la taille des cabinets ministériels, et le mandat unique de neuf (9) ans des membres de la Cour constitutionnelle à partir de septembre 2019, la phase II des réformes va, après les premières annonces, être amplifiée, comme on peut se l’imaginer. Il s’agit des réformes économiques, sociales et sociétales. ‘‘Les réformes les plus douloureuses en fait’’, comme les a qualifiées un ancien membre du Gouvernement aujourd’hui Sénateur. Il va s’atteler aussi, comme le lui a également prescrit le président de la République, à la prise en compte des préoccupations des Gabonais en ce qui concerne l’emploi, les voiries des grandes villes, la formation dans les filières professionnelles, la santé, l’école et un habitat qu’il veut décent, ainsi que l’effectivité du programme ‘‘eau pour tous et électricité pour tous’’. Figurent aussi dans cet ensemble d’actions sociales prioritaires, que va mener l’équipe gouvernementale, l’assistance et la solidarité de l’Etat aux accidentés de la vie afin de ne laisser personne au bord de la route.
Les membres du ‘‘Gouvernement des Réformes’’ ont reçu leurs feuilles de route ; ils seront évalués périodiquement sur les avancées des points qui y sont ‘‘ordonnancés’’. Chacun d’entre eux va avoir la gestion directe des budgets alloués au ministère dont il a la charge. En toute responsabilité et en toute confiance.
Il apparaît indéniable que Julien Nkoghé Békalé a su, en homme politique chevronné et avisé, poser les fondations de son magistère au cours de ses 100 premiers jours au ‘‘2 décembre’’, et ces fondations paraissent suffisamment solides pour amorcer la suite, pour aborder le grand virage. En lui souhaitant de réussir, aux côtés d’Ali Bongo Ondimba, ce pari pour la Nation, ce challenge pour le Gabon, et de relever ces défis qui se dressent au pays, nous voudrions lui suggérer de ne point dévier de ces trois mots qu’il exalte tant : ‘‘Gabon d’abord’’ !