Après plus de deux ans passés à refuser de discuter avec son principal adversaire, parce que réclamant à cor et à cri sa victoire supposée à la présidentielle d’août 2016, le leader de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) place désormais la déclaration de la vacance du pouvoir au sommet de l’État au-dessus de sa revendication liée à l’hypothétique reprise du vote dans le 2e arrondissement de Libreville. Ce faisant, il reconnaît implicitement Ali Bongo comme seul président de la République, et partant l’échec de sa propre stratégie.
Un aveu d’échec ! C’est la conclusion à laquelle sont parvenus plusieurs observateurs de la vie politique gabonaise, mercredi 10 avril, au terme de l’allocution de Jean Ping. L’ayant à peine évoqué ces derniers mois, alors qu’une grande partie de l’opposition et de la société civile l’ont exigée presque aussitôt après l’annonce de l’AVC d’Ali Bongo, le leader de la CNR est tombé pieds joints dans le sujet de la vacance du pouvoir au sommet de l’État.
Après avoir tenté de l’éviter pour ne pas faire de la récupération, l’ancien candidat à la présidentielle d’août 2016 invite désormais les tenants du pouvoir à «prendre [leurs] responsabilités devant Dieu et devant l’Histoire, pour la déclaration de la vacance du pouvoir dans l’esprit de la Constitution». Simple soutien à l’initiative de la plateforme «l’Appel à agir», qui l’a rencontré en mars dernier, ou résultat d’un examen de conscience ? Certains penchent pour la seconde option et perçoivent dans le nouveau positionnement de Jean Ping la reconnaissance de ce que la stratégie adoptée ces deux dernières années n’a pas conduit au résultat escompté.
En effet, depuis la dernière présidentielle, l’ancien candidat consensuel de l’opposition n’a pas cessé de réclamer sa victoire supposée. Il a refusé jusqu’à lors tout ce qui avait trait au régime en place, notamment le dialogue d’Angondjé et les dernières élections législatives et locales auxquelles sa coalition et lui-même ont refusé de prendre part, «pour ne pas légitimer le pouvoir d’Ali Bongo». Aujourd’hui pourtant, il semble reconnaître le pouvoir de celui dont il nie la victoire au soir du 31 août 2016.
Jean Ping, un «profito-situationniste» ?
Pour certains, l’appel de Jean Ping à déclarer la vacance du pouvoir au sommet de l’État est sans conteste une façon implicite de reconnaître Ali Bongo comme le véritable président de la République gabonaise. L’ancien candidat à la dernière présidentielle s’y était fermement refusé jusque-là. Son combat, jusqu’à son allocution de mars dernier, avait été de faire accepter à la Cour constitutionnelle la reprise du scrutin de la présidentielle annulé dans la vingtaine des bureaux de vote du 2e arrondissement de Libreville ou la confrontation des procès-verbaux de la province du Haut-Ogooué. Une volonté de revenir dans le passé qui avait clairement montré que sa stratégie s’était essoufflée.
En appelant aujourd’hui à la constatation de la vacance du pouvoir, le chef de file de la CNR tente de profiter de la faiblesse physique d’Ali Bongo, malade depuis plus de cinq mois. Tel un «profito-situationniste» (expression prisée par l’un de ses alliés, Alexandre Barro Chambrier), Jean Ping tente, selon certains observateurs, d’utiliser la faiblesse du chef de l’État à son profit. Au cours de sa sortie, il s’est d’ailleurs à nouveau positionné comme celui qui mettra les Gabonais «à l’abri de la peur et du besoin».