19 ans au plus et au moins 12/20 de moyenne à l’examen. C’est désormais la norme pour avoir une bourse d’études après le baccalauréat au Gabon. Si le gouvernement derrière cette réforme vise l’excellence en cherchant tout aussi à faire des économies, l’opinion estime une fois de plus que la charrue a été mise avant les bœufs et les élèves refusent de s’y plier. Le 8 avril, ils étaient nombreux sur l’ensemble du territoire national à investir les rues pour dire non aux nouveaux critères.
Après deux semaines de repos, les élèves gabonais ont repris le chemin de l’école le 8 avril. Irrités par les dernières mesures gouvernementales prises alors qu’ils étaient en vacance de fin du 2e trimestre, ils ont investi les rues dans plusieurs villes du pays, pour dire «Non aux nouveaux critères d’attribution des bourses». En effet, le Conseil des ministres du 29 mars a adopté de nouvelles modalités de délivrance du baccalauréat (Bac) et de nouvelles conditions d’attribution de bourses après cet examen. Il a été décidé que l’âge de l’élève est fixé désormais à 19 ans au plus au moment de la demande et que l’attribution de la bourse est conditionnée par l’obtention du Bac ou d’un diplôme équivalent reconnu par l’État gabonais, avec une moyenne générale supérieure ou égale à 12/20 à l’examen.
Si le communiqué final du Conseil des ministres précisait que ces conditions d’attribution des bourses sont conformes aux «évolutions économiques actuelles», le ministre de l’Enseignement supérieur Jean de Dieu Moukagni Iwangoua justifie cette mesure par «l’encouragement au mérite». Selon lui en 2018, sur 65.641 candidats au Bac, 37.723 ont obtenu une mention passable, soit moins de 12/20, 798 ont obtenu une mention “assez bien“, soit 12/20, et 28 mentions “Bien“, soit 14/20 et plus, tandis que le plus jeune au Bac âgé de 15 ans, «a obtenu son sésame avec plus de 14». Mais pour l’opinion, de tels chiffrent ne justifient pas la prise des nouvelles mesures tant dans le public, les conditions ne sont pas réunies. «Nul n’est réfractaire à la culture de l’excellence. Mais avant de l’imposer, prenez d’abord le soin d’analyser tous les paramètres nécessaires à sa matérialisation», a exprimé un enseignant au lendemain de la prise de cette mesure.
Une opinion à laquelle adhèrent d’ailleurs les élèves qui ont investi la rue le 8 avril. À Libreville, le ton a été donné par les élèves du Lycée Paul Indjendjet Gondjout. Ces derniers sont partis de leur établissement pour le Lycée national Léon Mba où ils ont sortis leurs camarades des classes pour se diriger au ministère de l’Éducation nationale. Cependant arrivés, au niveau des résidences Floria, ils ont été arrêtés par les policiers qui ont barré la route leur empêchant d’avancer. «Si vous avancez, on va vous gazer !», a lancé l’un d’eux pour dissuader les élèves déterminés. Les élèves ont donc rebroussé chemin pour retourner au Lycée national Léon Mba où ils ont emprunté «un pivot» pour sortir au quartier Kalikak. De là, ils se sont dirigés au Bas de Gué-Gué pour sortir des classes leurs camarades du Lycée Ba Oumar. «Ce combat nous concerne tous. Plus nous serons nombreux, plus on a des chances d’être pris en considération», a déclaré un élève.
Ceux du Lycée de Nzeng-Ayong sont également sortis de leur établissement afin de sortir leurs camarades des autres établissements secondaires privés à proximité de leur établissement. Bien que ces établissements voisins du Lycée de Nzeng-Ayong sont privés, les élèves ont estimé que le problème auquel ils veulent une solution probante dépasse le cadre du statut des établissements. «Qu’on soit au privé ou au public, les critères nous concernent tous», a lancé l’un d’eux. Leur idée était de rallier le Lycée Paul Indjendjet Gondjout «pour prendre du renfort», mais ceux de là-bas étaient déjà montés à l’assaut. Au fur et à mesure, la mayonnaise a continué de prendre à Libreville, mais les élèves ont été dissuadés par les Forces de l’ordre. «Une chose est sûre, nous marcherons jusqu’à ce que le gouvernement annule sa décision», a déclaré un élève qui a assuré que ces marches sont légitimes et pacifiques.
À Makokou, à Port-Gentil et d’autres villes de l’intérieur du pays, le scénario était le même. Entre effectifs pléthoriques, manque crucial d’établissements scolaires et bien plus, aucune amélioration dans le système éducatif gabonais n’a été observée depuis plus d’une décennie. L’opinion estime qu’il aurait été judicieux pour le gouvernement de régler ces problèmes avant de prendre des décisions qui pénalisent la plupart des élèves.