La remise de l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo «à son administration d’origine», le ministère de la Défense, où il n’ira plus jamais, font douter qu’il s’agit d’une initiative du président de la République. Celui-ci risque, par ailleurs et par voie de conséquence, d’être lui-même éclaboussé si le nouveau chef coutumier au Bénin venait à être interpellé en Europe dans le cadre d’affaires pendantes.
Il figurait en 2013 dans les pages spéciales de Jeune Afrique «Les 50 qui font le Gabon». L’hebdomadaire le présentait alors comme «l’homme qui a un œil sur tout, qui contrôle tout, qui a une confiance quasi aveugle du chef de l’État» et qui, surtout, est le «véritable gardien du Palais du bord de mer». Sorti de celui-ci par la maladie – un AVC – un peu avant la présidentielle de 2016, Maixent Accrombessi était signalé au Maroc alors qu’Ali Bongo y était en convalescence après avoir été lui aussi victime d’un AVC. Pour les nouveaux directeurs du casting au Gabon, cette similitude de destin sanitaire ne traduit nullement ce que nombreux présentaient comme une amitié fusionnelle. Aussi, l’ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat, qui occupait toujours le poste de Haut représentant personnel du chef de l’État, a-t-il été démis de ses fonctions, le 29 mars lors du dernier Conseil des ministres.
Coup d’éponge sur les marqueurs du magistère d’Ali Bongo
Après Steed Rey, Liban Soleman et Park Sang-chul, la mise au ban de l’ancien «alter ego» d’Ali Bongo est l’ultime coup d’éponge, et le plus significatif, sur les marqueurs de la gouvernance d’Ali Bongo. Pour bien d’observateurs, elle est la preuve que le président de la république n’est pas à l’initiative du démontage de son dernier carré.
Certains soutiennent que la toute dernière éjection est la conséquence d’une mauvaise interprétation de l’intronisation, au Bénin, d’Accrombessi comme «Dah», une fonction coutumière et spirituelle qu’il hérite de son père. Nombreux, chauvins tout de même, s’en réjouissent. Peu déduisent que le concerné peut désormais rompre toute attache avec le Gabon, ne plus jamais y revenir ou brûler son passeport gabonais, s’il veut. Peu de personnes pensent, par voie de conséquence, qu’il pourrait ne plus être justiciable au Gabon pour quoi que ce soit (notamment pour sa faramineuse et légendaire prédation des deniers publics). D’ailleurs, l’homme s’appelait Accrombessi Nani avant de devenir Accrombessi Nkani après la prise de pouvoir d’Ali Bongo en 2009. Il va nécessairement recouvrer non nom originel, Nkani n’ayant finalement été qu’un nom de scène au Gabon qu’il ne portera plus ou sous lequel il ne pourra sans doute plus être judiciairement inquiété.
Forum de Libération, Affaire Marck, chausse-trape contre Ali Bongo
L’homme avait sans doute déjà envisagé son départ du Gabon, vu qu’à la faveur d’un voyage à Libreville en septembre 2018, il avait initié la vente de ses biens immobiliers dans la capitale gabonaise. Notamment un triplex et une maison située à la Sablière, une maison à la Pointe Denis et une autre propriété à Libreville. L’opération n’aurait pas eu de succès, mais Accrombessi n’avait-il pas toujours besoin d’un Etat pouvant lui délivrer, à souhait, des ordres de missions devant le couvrir lors de ses voyages en Europe ?
Cité dans l’affaire encore pendante du forum de Libération à Libreville, Accrombessi est toujours poursuivi par ailleurs pour l’affaire Marck dans le cadre de laquelle il avait été interpellé et placé en garde à vue, en août 2015 en France.
Dans ce contexte, un ancien enseignant de droit pense que «la véritable raison du limogeage nocturne d’Accrombessi est une nouvelle affaire judiciaire, preuve supplémentaire qu’Ali n’est pas là ou ne contrôle plus rien. Car, avec ce limogeage Maixent perd toute immunité diplomatique. Ce qui l’expose aux mandats d’arrêt internationaux et demandes d’extradition quel que soit le pays de résidence. En cas de voyage, il est désormais prenable dans un pays de transit ou de destination.» Dans un tel scenario, estime l’enseignant, «le feu toucherait tous ceux qui étaient proches du dossier». Or, ceux-ci appartiennent ou ont été dans les hautes sphères politiques du pays. Mais surtout l’un d’eux, et pas des moindres, était ministre de la Défense au moment des faits… qui concernaient l’achat d’uniformes militaires. «Une telle évolution étant de nature à polluer le reste de son mandat, Ali Bongo n’accepterait pas de lâcher Maixent», déduit le juriste, estimant que la rupture avec Maixent Accrombessi est une peau de banane lancée à Ali Bongo par «ceux qui se préparent à lui succéder».