Libreville a abrité le 27 mars les travaux d’un atelier sur la contribution des zones franches au développement durable des pays africains. Organisée par l’Association africaine des zones franches (Afzo), cette rencontre a permis d’esquisser les pistes pour la montée en puissance de ces « enclaves économiques » porteuses de croissance. Dans cette interview accordée à Gabonreview, l’administrateur général de la zone économique à régime spécial de Nkok, Gabriel Ntougou, explique les enjeux de l’atelier et met en relief les avantages comparatifs d’une zone économique, en s’appuyant sur l’expérience gabonaise.
Gabonreview : Quels sont les enjeux de cet atelier ?
Gabriel Ntougou : L’enjeu pour nous les membres de l’Association africaine des zones franches (Afzo) était de se faire connaître et d’échanger nos expériences. Mais aussi, de faire connaître aux gens ce que sont les zones franches. Si à travers le monde on en parle de plus en plus, en Afrique ce n’est que maintenant que l’on constate l’essor des zones franches. Au Gabon par exemple, la toute première zone économique a été lancée en 2011. Donc c’est l’occasion pour nous de faire connaître au grand public comment ces zones contribuent au développement de l’économie.
De façon concrète, que faut-il entendre par échange d’expérience ?
Au Gabon par exemple, nous avons une loi qui crée et qui encadre le développement des zones économiques spéciales. Mais avec le rythme des activités accéléré par l’attractivité de la zone économique de Nkok, cette loi a évolué vers la loi sur les zones industrielles spéciales. C’est un peu tous ces éléments qui étaient en partage entre les participants des différents pays pour voir comment les uns et les autres peuvent tirer profit de ces différentes expériences.
Les zones économiques contribuent-elles au développement de l’Afrique ?
Le modèle de développement par les zones franches est salutaire en Afrique, parce qu’il y a beaucoup de complications en termes de climat des affaires. Donc, l’une des options offertes aux États, c’est de développer un espace avec un cadre privilégié, une administration plus restreinte, mais dédiée à des investissements. Ce qui permet de sortir de toutes les tracasseries. Quand on prend par exemple le cas de la Zone de Nkok, c’est 1100 hectares, des terrains aménagés, l’eau, le courant, les routes et l’administration. À Nkok, il y a la Douane, les Impôts, le Trésor, la DGCC, la CNSS, sur place dans un bâtiment pour faire toutes les démarches administratives. C’est vraiment un avantage et aujourd’hui, la zone de Nkok a permis de créer plus de 3600 emplois directs. Pour le développement de la zone, on a pu créer plus de 15.000 emplois indirects. Donc, c’est un aspect à travers lequel on peut apprécier la contribution des zones économiques spéciales au développement économique. À Nkok, il y a des exonérations de 25 ans pour les droits de Douane et 10 ans pour l’impôt sur les sociétés. Des avantages pour attirer plus d’investisseurs. Après, il y a des défis à relever et il faut que l’État soit rigoureux sur certains aspects comme les conditions de travail et qu’il suive avec minutie les exonérations pour que le développement soit optimal.
Parlant justement de Nkok, on estime que l’offre est plus dédiée à l’extérieur qu’au Gabon.
Oui. La croissance économique a plusieurs piliers que sont la consommation, l’investissement, le solde de la balance courante (Import/export). Donc, l’on peut contribuer à la croissance en développant les exportations. Ça fait entrer les devises dans le pays, ça fait créer des emplois, etc. Pour la plupart des pays africains, il n’est pas évident de stimuler la consommation. Les revenus sont faibles, les investissements publics sont un peu difficiles parce que les États ont besoin de lever des fonds. Alors qu’avec les zones économiques spéciales, c’est plus simple parce qu’il est possible de développer les investissements avec plusieurs partenariats. Les entreprises privées s’installent et développent leurs activités. Or, ces entreprises ont besoin de vendre. Dans un pays comme le Gabon où la structure de marché est très faible, deux entreprises de Nkok dépassent déjà le marché du Gabon. Donc, elles gagnent beaucoup plus d’argent en exportant. Mais l’État gagne aussi en faisant entrer des devises. C’est dire que l’exportation est la meilleure option. Néanmoins, à Nkok nous avons prévu une brèche pour le marché local. Les entreprises installées dans la zone doivent non seulement exporter au minimum 75% de leur production, mais elles peuvent verser 25% de leurs produits sur le marché local. Et là, les consommateurs locaux peuvent y avoir accès. Et c’est d’autant plus intéressant parce que c’est le bois du Gabon qui est transformé en produit fini. Il serait d’ailleurs bien que le Gabonais puisse avoir chez lui des meubles fabriqués au Gabon avec du bois du Gabon. À Nkok, c’est déjà ouvert. Il y a un showroom où les gens peuvent venir voir ce qui se fait en matière de meubles et faire des commandes.
Quelles sont les statistiques pour l’exercice 2018 ?
En termes de volumes d’exportation, avec le développement aujourd’hui de la zone de Nkok, on fait 600 containers par mois. Ça fait 34% des exportations du pays. Ce qui a complètement changé la structure des exportations de notre pays. Il y a 88 entreprises qui opèrent dans la zone et tout dernièrement, il y a de nouvelles entreprises qui sont entrées en production, permettant 400 emplois supplémentaires. Ce qui fait environ 4000 emplois désormais.
Quelles sont les retombées en termes de recettes fiscales ?
Il y a beaucoup d’exonérations. Donc on ne peut pas espérer de grosses retombées fiscales. Le but du jeu c’est de diminuer les recettes fiscales pour attirer les investisseurs. Mais les entreprises payent la patente et autres contributions.