Alors qu’il accédait aux charges suprêmes de l’Etat en octobre 2009, Ali Bongo avait notamment déclaré qu’il y aurait dorénavant une «circulation des élites» à tous les postes de l’administration et du secteur parapublic. A 28 mois de l’élection présidentielle, cette promesse fait-elle partie de celles que le chef de l’Etat n’a pas pu tenir ? Pourtant, cette décision était bien perçue.
En plus d’Alfred Mabicka Mouyama nommé en 2006 au poste de Président directeur général de La Poste S.A, de David Joseph Ella Mintsa aux commandes de la RTG1 depuis mai 2007, et de Joël Ogouma à la tête des Impôts depuis juillet 2009, le président Ali Bongo a nommé, dès sa prise de pouvoir, Rigobert Ikambouayat à la tête de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG), Juste Valère Okologo à la Société nationale immobilière (SNI) en 2009, Félix Onkéya au Comité de Privatisation, ainsi que bien d’autres en 2009. Quant à François Oyabi, 60 ans, il a fait un aller-retour à la Compagnie nationale de navigation intérieure (CNI). Proche du ministre Magloire Ngambia, il s’apprête à prendre la présidence du groupe Gabon Transport Holding. Les propos du président Ali Bongo, ce jour-là, avaient été longuement applaudis, parce qu’ils donnaient le sentiment que «quelque chose allait enfin changer», et parce qu’il n’est jamais bon de garder le même poste pendant plus de trois ans. En tout cas, c’est l’analyse qu’avait semblé faire celui qui était alors le nouveau chef de l’Etat. Cela devait par conséquent permettre d’éviter que naissent de nouveaux «roitelets».
De nouveaux «roitelets»
Or, avec le maintien à leur poste d’un grand nombre de dirigeants d’entreprises publiques et de régies financières, l’opinion se demande si l’on n’est pas en train de revivre l’épisode des «roitelets» tant dénoncé en 2007 par le prédécesseur d’Ali Bongo. Un concept à la gabonaise qui désigne ces présidents et directeurs généraux d’entreprises publiques et assimilées qui se disent tout-puissants, qui narguent leurs ministres de tutelle et qui affirment n’avoir de comptes à rendre qu’au chef de l’Etat sont de retour.
Ils mènent un train de vie «royal», selon l’expression du collaborateur d’un directeur général d’entreprise publique, toujours en mission quinze à vingt jours par mois pour des «résultats souvent invisibles». Ils recrutent la parentèle, refusent de travailler avec des compatriotes non originaires de leur bled, rejettent des instructions ministérielles, et ignorent complètement les notes de service que leur font parvenir les secrétaires généraux des ministères qui assurent la tutelle de leur entreprise. Ces roitelets sont de retour.
La moralisation du secteur parapublic aura-t-elle lieu ?
Il peut paraître étonnant que des «roitelets» existent sous Ali Bongo qui avait promis une moralisation du secteur parapublic et une circulation des élites – tous les trois ans – à des postes sensibles. Au-delà du secteur parapublic, des directions générales comme celles des Impôts, du Budget et du Trésor devaient également connaître des «mouvements». Or, à l’exception de celle des Douanes où Michel Ondinga a succédé à Fridolin Onguinda, et, à un degré moindre, la direction générale des services du Trésor où Yolande Okoulantsogo vient de faire place à Séverin Ossoungou, la plupart des entreprises publiques et des régies financières de l’Etat n’ont pas connu des changements à leur tête. Cela est tout aussi valable pour les DGA de l’OPRAG et du Conseil gabonais des chargeurs (CGC) nommés depuis près de cinq ans !
La circulation des élites, la permutation des cadres, devait permettre de revigorer les entreprises publiques et d’éviter que ne reviennent les «vieilles habitudes». Vivement que cela se fasse enfin !