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Au Gabon, une révolution silencieuse
Publié le lundi 4 mars 2019  |  La Libreville
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© Présidence
Conseil des ministres en présence du président Ali Bongo
Mardi 26 Février 2019. Le chef de l`État et les membres du gouvernement à l`occasion du Conseil des ministres.
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Au Gabon, depuis bientôt deux ans, de nouvelles personnalités, aux profils différents de leurs aînés, ont émergé sur la scène politique et administrative. Elles portent en germe la promesse d’une rupture radicale avec le premier septennat du président Ali Bongo Ondimba.

Libreville, mardi 26 février. Il est près de treize heures lorsque le conseil des ministres vient de s’achever. Un conseil tout sauf anodin. Non parce qu’il s’agissait du premier présidé par le chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba, depuis ses ennuis de santé survenus en octobre dernier. Mais parce que les décisions prises à cette occasion finissent de marquer une rupture radicale avec le premier septennat du président.

Lors de ce conseil des ministres en effet, de nombreux départs de proches du président, très présents à l’occasion de son premier mandat (2009-2010), sont actés. De Steed Rey (l’ex-responsable du protocole, muté comme simple conseiller du directeur général de l’ANPI), à Park Sang-Chul (l’ex-intendant personnel du chef de l’Etat admis à faire valoir cette semaine ses droits à la retraite) en passant par Liban Soleman (l’ex-chef de cabinet d’Ali Bongo, devenu coordonnateur général du PSGE, nommé ambassadeur en Arabie Saoudite), mais aussi une flopée de conseillers à la présidence (Ali Radjoumba…), ainsi qu’un tombereau de directeurs d’administration centrale (à l’instar de Nina Alida Abouna, une proche de l’ex-dircab, Maixent Accrombessi, démis de ses fonctions de DG de l’ANPI et recasée dans un poste subalterne), la liste est particulièrement longue.

Manifestement, ce mardi 26 février, dans la chaleur moite de la capitale gabonaise, Ali Bongo a décidé de tourner la page de son premier septennat. Un premier mandat gâché – c’est en tout cas ce que pense une majorité de Gabonais – par un entourage présidentiel dont l’unique préoccupation a semblé être son propre enrichissement personnel. Le phénomène avait pris une telle proportion que le chef de l’Etat avait décidé de créer une Commission de lutte contre l’enrichissement illicite et lancé l’opération Mamba, la version gabonaise de Mani Pulite.

Pendant ce temps, les Gabonais, premières victimes de cette voracité, n’ont guère vu leur quotidien s’améliorer. Aucun des projets, décidés à l’époque où le directeur de cabinet du président s’appelait Maixent Accrombessi, n’a véritablement été mené à son terme. Il a fallu attendre le discours des vœux d’Ali Bongo Ondimba, le 31 décembre 2017, pour que la parole présidentielle reçoive – enfin – un début d’exécution. Aujourd’hui, même si tout n’est pas parfait, loin de là, le passage de la parole aux actes est de plus en plus effectif. Les ambitions, elles, sont plus raisonnables (sans doute plus proches des attentes des citoyens) et les réalisations plus palpables.

C’est l’acte de décès de cet ancien monde et, avec lui, ses pratiques détestables, qu’a signé le conseil des ministres du mardi 26 février. Désormais, les proches du président, qui l’entouraient lors de son premier mandat, se comptent sur les doigts de la main. Depuis, deux ans, ils ont été remplacés, à la faveur de vagues successives de renouvellement, par des profils plus divers (on compte notamment beaucoup de femmes et de « jeunes »). A l’heure où des réformes profondes sont mises en oeuvre (réforme de l’Etat, des finances publiques, de l’éducation, etc.), Ali Bongo exige des résultats.

Désormais, il faut être réellement compétent (et travailleur) pour être nommé à la tête d’une administration, d’une entreprise publique ou d’une agence de l’Etat. Ce mouvement (que d’aucuns qualifient de « dégagisme » à la gabonaise) ne frappe de plein fouet la technocratie, n’épargne pas non plus la vie politique, comme en témoigne la composition du nouveau gouvernement ou les investitures délivrées lors des dernières élections législatives.

« La définition de la folie », disait le philosophe Nietzsche, « c’est penser qu’en faisant la même chose, on obtient des résultats différents ». Il en est de même avec les hommes. Pour obtenir des résultats différents, il faut en changer. C’est ce qu’a dû penser, à juste raison, le président Ali Bongo Ondimba. Car le chef de l’Etat le sait mieux que quiconque : on ne gouverne jamais seul un pays. Une révolution, on vous dit.
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