Un des principaux lieutenants de Jean Eyeghe Ndong, lui-même très proche de Jean Ping, le chef de file de l’opposition gabonaise, s’en est pris aujourd’hui sur les réseaux sociaux de manière très virulente à l’« appel à agir » lancé hier par un collectif de dix opposants. Explication.
C’est un appel qui décidément ne passe pas. Hier, un collectif de dix opposants a rendu public un pamphlet demandant à ce que la vacance du pouvoir présidentiel soit constaté en raison des ennuis de santé d’Ali Bongo Ondimba (lire notre analyse à ce sujet). Les signataires y exhortent les Gabonais à un « sursaut patriotique ».
A peine diffusé, cet appel a aussitôt suscité les commentaires les plus négatifs. Parmi les principaux griefs qui lui ont été renvoyés, on peut citer le fait qu’il s’agisse du énième appel du genre (près d’une cinquantaine ont déjà été diffusés depuis le début du mois de novembre sans qu’aucun d’entre eux n’ait eu le moindre effet) ; que celui-ci, en particulier, intervient au moment où le président Ali Bongo Ondimba a recouvré ses pleines capacités ; qu’il témoigne du fait que l’opposition, devenue subitement mono-maniaque, n’a décidément plus rien à proposer : elle ne parle plus que de la vacance présidentielle, passant par perte et profit les sujets réellement dignes d’intérêt pour les Gabonais.
En outre, nombreux ont été ceux à pointer du doigt l’absence de représentativité de ces dix signataires, qu’un certain nombre d’entre eux ont été sèchement éliminé au premier tour des législatives (Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Nicolas Nguema…) ou encore le fait qu’un seul d’entre eux soit une femme (Elza Ritchuelle Boukandou). « A l’heure de la décennie de la femme au Gabon et de la parité, ce texte mérite un zéro pointé », écrit sur sa page Facebook Coralie, jeune cadre dans le secteur bancaire travaillant à Libreville, qui s’affiche comme militante du droit des femmes.
Nouvelle salve de critiques aujourd’hui
Aujourd’hui encore, c’est une nouvelle salve de critiques qui s’est abattue sur les signataires de cet appel à agir. Et le coup est d’autant plus rude qu’il provient du même camp, celui de l’opposition.
Sur son compte Facebook, Ngomo Privat, l’un des principaux lieutenants de Jean Eyeghe Ndong, lui-même très proche de Jean Ping, considéré comme le chef de fil de l’opposition gabonaise, a lâché ses coups contre les auteurs de cet appel à agir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y va pas de main morte.
Dans un post aux accents vengeurs, Ngomo Privat reproche tout d’abord aux auteurs de l’appel leur attitude « schyzophène », voire leur « duplicité politique ». La plupart des signataires (à l’instar de Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Nicolas Nguema, Anges Kevin Nzigou…) ont en effet accepté de se présenter lors des élections générales d’octobre dernier pourtant organisés par un pouvoir qu’ils disent ne pas reconnaître. C’est cette contradiction que le lieutenant de Jean Eyeghe Ndong, partisan à l’époque du boycott – tout comme Jean Ping – de ces scrutins, pointe du doigt.
Autre critique formulée : celle du jeunisme. Ngomo Privat reproche en effet aux signataires d’avoir cru ou fait mine de croire qu’en participant aux élections, ils obtiendraient la majorité. Ils sont « naïfs », écrit-il.
Manifestement, la vieille garde de l’opposition (Jean Ping, Jean Eyeghe Ndong, etc.) n’a guère apprécié de se voir ainsi ignorer, et peut être pris de haut, par ceux qui s’affichent comme une nouvelle génération d’opposants. « Leur seul fait d’armes est d’avoir été battu à plate couture lors des dernières élections », fait observer, grinçant, l’un des proches d’un autre vétéran de l’opposition, Guy Nzouba Ndama, qui se targue lui d’avoir envoyé douze députés à l’Assemblée nationale.
Nombreux sont également ceux à fustiger le fait que ce collectif de signataires, qu’ils considèrent comme non-représentatifs, a été noyauté par le PLC, un parti politique créé en mai dernier, qu’il soupçonne de vouloir bousculer les subtiles équilibres au sein de l’opposition. Parmi les signataires, on retrouve en effet plusieurs dirigeants de cette nouvelle formation, dont Nicolas Nguema, Anges Kevin Nzigou, Elza Ritchuelle Boukandou….
Alors que cet appel était censé mettre le feu du côté de la majorité, il a eu, semble-t-il, l’effet inverse. Désormais, le torchon brûle, et de plus en plus, au sein de l’opposition gabonaise qui ne cesse d’afficher ses divisions en public et de régler ses comptes par réseaux sociaux interposés.