Zacharie Myboto suggère aux «autorités compétentes» d’aller au-delà des intérêts personnels. L’application de la loi peut remettre les choses en ordre en marche et ouvrir des perspectives nouvelles aux uns et aux autres.
En son nom propre et avec pertinence, Zacharie Myboto a pris la parole («Un appel au sursaut patriotique»). Son propos peut ne pas plaire à tout le monde. Il peut même susciter des remarques perfides ou des critiques stériles. Mais, il rejoint, en plusieurs points, la préoccupation d’une bonne partie de l’opinion. Les détenteurs de l’autorité publique auraient forcément tort de ne pas y prêter une oreille attentive. Et pour cause : l’homme n’est un inconnu pour personne. Vieux baroudeur de la vie politique nationale, il a été secrétaire administratif du Parti démocratique gabonais (PDG) sous le parti unique. Ministre sans discontinuer pendant un plus de deux décennies, il a librement démissionné du gouvernement et du PDG, il y a un peu plus de 10 ans, sous le règne d’un Omar Bongo omnipotent. Fondateur de la défunte Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD), il fit alliance avec André Mba Obame au lendemain de la présidentielle anticipée d’août 2009. Depuis lors, il donne un peu de lui-même pour parvenir à l’alternance. De la Coalition des partis et personnalités de l’opposition (CPPA) à la désignation de Jean Ping comme candidat unique, il a été au centre voire à l’origine de toutes les initiatives.
Culture républicaine
En demandant aux «autorités compétentes» de déclarer la vacance du pouvoir, Zacharie Myboto leur suggère d’aller au-delà des intérêts personnels. Plus prosaïquement, il leur recommande de défendre l’unité du pays et les valeurs de la République. On peut toujours lui rappeler certains précédents. On a tout le loisir de gloser sur le mutisme de l’ancien Premier ministre suite à une requête allant dans le même sens et formulée conjointement avec Guy Nzouba-Ndama et Alexandre Barro-Chambrier (lire «Issozé-Ngondet interpelé par l’opposition»). Mais, on ne peut lui reprocher de chercher à mettre un terme au capharnaüm actuel. Dans des conditions douteuses, un nouveau Premier ministre a été nommé. Dans des circonstances tout aussi floues, un gouvernement a été mis en place. En violation flagrante de l’article 20 de la Constitution, le cabinet du président de la République a été reprofilé et des nominations à certaines fonctions effectuées.
Même si l’opinion publique doute de l’authenticité des décrets rendus publics ces derniers temps, le pouvoir continue de faire comme si de rien n’était, comme si la situation était normale. A moins de se complaire dans un raisonnement à court terme, on ne peut se poser des questions sur la régularité de certains actes et leurs conséquences à venir. Sauf à privilégier les intérêts personnels et partisans, on ne peut ne pas s’inquiéter d’une déliquescence progressive de l’appareil d’Etat. Pour garantir le fonctionnement d’un Etat, il faut d’abord parvenir à un consensus institutionnel minimal. Pour souder une nation, il faut défendre des valeurs communes. Pour préserver le vivre ensemble, le choc des ambitions doit céder le pas au choc des idées. S’appuyant sur un président de la République installé et jouissant de toutes les prérogatives attachées à sa fonction, les institutions ont toujours fait fi de tous ces préceptes. Dans le contexte trouble né des ennuis de santé d’Ali Bongo, elles ne peuvent plus continuer sur cette lancée. Elles doivent faire preuve de davantage de culture républicaine. Au lieu de demander au reste de la société de subir leur diktat, elles doivent se résoudre à faire appliquer les lois.
Article 13 de la Constitution
Les bricolages juridiques ou les allers retours Libreville-Rabat ne peuvent constituer un mode de fonctionnement durable. Si les premiers sont source de dysfonctionnement, les seconds relèvent d’une grave atteinte à la souveraineté nationale. En conséquence, il y a lieu d’y mettre un terme. En un mot comme en mille, une double urgence s’impose à tous : l’expertise médicale et la réinstallation du siège du pouvoir politique à Libreville, seule capitale du Gabon. Au-delà des aspects juridiques et institutionnels, la situation actuelle ouvre la porte à l’inconnu. Tout le monde peut s’interroger sur la viabilité de tels choix. Dans le passé, particulièrement en 2009, on a vu comment un tel flottement institutionnel a été mis à profit par certains, au mépris de l’intérêt général. Pourquoi devrait-on se condamner à revivre les mêmes errements ? Pourtant, l’application de la loi peut remettre les choses en ordre de marche et ouvrir des perspectives nouvelles aux uns et aux autres. Dans l’intérêt du pays, des populations et de leurs dirigeants, les institutions gagneraient à appliquer la Constitution, particulièrement son article 13.