La cérémonie marquant la 23e Rentrée solennelle du Barreau du Gabon, le 15 février dernier, a été marquée par le discours poignant du Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Maître Lubin Ntoutoume. Il s’est appesanti sur les différents maux qui minent la justice gabonaise, notamment la nécessité de procéder au désengorgement des prisons et le renforcement de l’indépendance du juge.
La cérémonie de la 23e Rentrée solennelle du Barreau du Gabon a été l’occasion pour Maître Lubin Ntoutoume, Bâtonnier de l’Ordre des avocats, de mettre en exergue les conditions et autres réalités, qui ne concourent pas à l’exercice, par les professionnels du droit, d’une meilleure justice en République Gabonaise. On peut citer, entre autres, les insuffisances observées en milieu carcéral, les effectifs pléthoriques, les conditions de garde à vue, l’indépendance des juges, la formation des magistrats au Gabon.
Pour lui, le prisonnier ne perd pas ses droits fondamentaux parce qu’étant incarcéré. Le Bâtonnier a expliqué que la prison centrale de Libreville, construite pour 400 personnes, compterait aujourd’hui plusieurs milliers de détenus. Une situation intolérable, insoutenable et qualifiée d’inacceptable, selon lui.
Il a fait la proposition au ministre d’Etat en charge de la Justice, de visiter le pénitencier de Gros-Bouquet afin de rencontrer «le peuple de Gros-Bouquet», «la population de Sans Famille», pour toucher du doigt la misère, l’horreur, le bonheur oublié de ce lieu.
Le peuple de cet endroit, a-t-il poursuivi, réclame le minimum vital, la liberté d’avoir de l’eau, de l’électricité, des lits, des aires de jeux, des ateliers d’apprentissage, un centre de santé digne de ce nom, de la nourriture.
Emettant le souhait de voir les autorités compétentes désengorger la prison, faire avancer les procédures et les enquêtes, et faire juger les affaires, Me Lubin Ntoutoume souhaite que les délais de garde à vue soient respectés en tout lieu, et qu’aussitôt placée en garde à vue, toute personne puisse communiquer avec son avocat dans les conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien au lieu de le faire sous le regard «amusé» de l’enquêteur.
Il a relevé la question de l’indépendance du juge, qui est d’une nécessité inflexible, il n’a pas manqué de dénoncer l’ambition démesurée des pouvoirs politiques à politiser la justice.
Comment les solutions aux litiges tiendraient sur les fondements et la règle de droit, si au Gabon, le juge est nommé en Conseil Supérieur de la Magistrature, présidé par la plus haute autorité de l’Etat et co-présidé par le ministre de la Justice, véritable administrateur des avancements, des promotions, des carrières des magistrats, s’est-il interrogé.
Une situation qui démontre, selon lui, que le juge est donc sous l’emprise des autorités politiques, et même s’il voulait s’en affranchir, il ne le pourrait pas, en tout cas, il lui serait difficile de le faire. ‘’Libérez les juges’’, a-t-il lancé à l’endroit des autorités.