La convention de partenariat signée au terme des Assises sociales des 25 et 26 avril dernier pour l’insertion professionnelle des jeunes dans le secteur pétrolier, ne serait qu’un leurre électoral. Les compagnies pétrolières n’ont l’obligation de préserver les emplois créés que jusqu’à la présidentielle 2016, ainsi que l’a insinué Africa Energy Intelligence et que cela se comprend aisément en compulsant la fameuse convention.
Début avril 2014, alors que se mijotaient les Assises sociales du 25 au 26 avril, Etienne Ngoubou, le ministre gabonais du Pétrole et des Hydrocarbures, a convoqué les décideurs des compagnies pétrolières en vue de «leur imposer une singulière stratégie de recrutement», selon l’expression de la lettre d’information confidentielle, Africa Energy Intelligence. Hormis les représentants des sociétés pétrolières, Jacqueline Bignoumba, présidente de présidente de l’Union pétrolière gabonaise (Upega), le syndicat du patronat pétrolier, et Arnauld Engandji, conseiller à la présidence pour les questions pétrolières et ancienne figure de l’Organisation nationale des employés du pétrole (ONEP), étaient présents à cette réunion.
Spécialisé sur les secteurs du pétrole, du gaz et de l’électricité en Afrique, ce média sur abonnement laisse entendre que dans la perspective de l’élection présidentielle de 2016, Etienne Ngoubou souhaiterait «ardemment que les compagnies pétrolières embauchent, dès cette année, un millier de jeunes sans diplôme». Un désir qui semble d’ailleurs s’être matérialisé, puisque la signature d’une convention de partenariat pour l’insertion professionnelle des jeunes a marqué la fin des assises sociales sus citées. Ali Bongo n’ayant pas manqué d’indiquer, dans son allocution de clôture : «J’ai décidé de l’instauration sans délai d’un contrat d’apprentissage jeunesse obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés d’une part et comme critère d’accès aux marchés publics, d’autre part».
S’il ne s’était agi que de trouver de l’emploi à une jeunesse en mal d’occupation et surtout d’insertion professionnelle, le fait serait fort louable. On déplore cependant que, selon la source susmentionnée, «ces jeunes auraient un contrat de deux ans, période après laquelle les compagnies pétrolières pourraient s’en séparer». Si la convention signée le 26 avril lors des assises sociales court sur une période de quatre ans, la période d’insertion indiquée par le texte n’est en effet que de deux ans. Ce qui amène à se rendre à l’évidence que deux ans ne constituent que le temps qui sépare le Gabon de la prochaine élection présidentielle. Africa Energy Intelligence n’aurait donc pas eu tort de titrer : «Ngoubou déjà dans l’élection».
Et l’idée se conforte à l’examen de la «Convention de partenariat relative à l’insertion professionnelle des jeunes diplômés», officiellement signé le 26 avril par Jean Oscar Nzoutsi Diosse, représentant le directeur général de l’Office national de l’emploi (ONE), Jacqueline Bignoumba Ilogué, présidente de l’Upega, Etienne Dieudonné Ngoubou, ministre du Pétrole et des Hydrocarbures, et Simon Ntoutoume Emane, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. L’arrangement semble en effet ne viser que l’année électorale 2016, puisqu’en son article 1.3 il est stipulé que «la durée de chaque contrat d’aide à l’insertion s’étale sur une période allant de six mois à deux ans (2) ans maximum non renouvelable».
Un peu plus loin, dans l’article 1.4 de la même convention, on peut lire que «l’entreprise pourra mettre fin, à tout moment sur simple notification adressée au jeune, à l’UPEGA et à l’ONE, au contrat d’aide à l’insertion professionnelle d’un jeune, quelle que soit sa forme, en cas de problèmes disciplinaires…». De plus, cette rupture de contrat «ne peut donner lieu au versement d’une indemnité quelconque, sauf si le contenu du contrat le prévoit…».
On imagine bien qu’avec une telle latitude, les compagnies pétrolières ne vont pas se faire prier pour élaborer des contrats n’offrant aucun droit à un jeune qu’elles auront été presqu’obligées de recruter. Les articles suivants de la convention indiquent d’ailleurs fort bien que ces jeunes «ne peuvent prétendre aux bénéfices des avantages salariaux accordés au personnel», que «l’Etat s’engage à (…) ne pas imposer à l’entreprise une obligation de recrutement au terme de la période d’insertion». Les entreprises pétrolières peuvent d’ailleurs s’en remettre à leur fantaisie puisque «L’Etat garantit l’entreprise contre tout recours d’où qu’il provienne et qui serait la conséquence d’une faute ou d’une négligence de sa part dans l’application de la présente convention ou qui trouverait sa source dans l’une des obligations mises à la charge de l’entreprise.»
Un millier de jeunes vont ainsi être livrés, deux ans durant, à l’illusion d’avoir un travail. Et le temps de passer l’élection présidentielle de 2016, ils pourraient en grande majorité se retrouver à nouveau dans l’oisiveté. Les compagnies pétrolières ne vont en tout cas pas se gêner quant à faire des économies sur la masse salariale. «Selon les propres mots du ministre, ces jeunes auraient un contrat de deux ans, période après laquelle les compagnies pétrolières pourraient s’en séparer», relève Africa Energy Intelligence. Du machiavélisme pur ne visant à qu’à obtenir un chiffre sur la création d’emplois à brandir durant la campagne électorale de 2016. Est-il donc juste de ne pas placer l’homme au centre des stratégies élaborées et de ne cogiter que sur les arguments électoraux ? Doit-on ainsi jouer avec l’avenir des jeunes, même si un grand nombre d’entre eux devrait sortir de cette expérience avec quelque chose pour le CV ? N’affirme-t-on pas ainsi que le peuple n’est rien d’autre que du bétail électoral ? Est-ce donc ainsi qu’on matérialise « l’avenir en confiance » promise lors de la précédente présidentielle ? Quel type de citoyens veut-on formater avec de tels stratagèmes ? Questions pour l’avenir…