Exilés en Europe après des représailles pour avoir mis en garde leur hiérarchie sur des malversations au sein de BGFI RDC où ils étaient employés, Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere ont porté plainte à la filiale de la Banque gabonaise et française internationale (BGFI Holding Corporation). Les deux donneurs d’alertes poursuivent BGFI en réparation de préjudices subis du fait du comportement de la banque.
Anciens employés de la filiale congolaise de la Banque gabonaise et française internationale (BGFI Holding Corporation), BGFI RDC, Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere ont assigné en justice la société de services financiers basée au Gabon, le 13 février à Paris.
Les deux lanceurs d’alerte qui avaient subi des représailles après avoir signalé à leurs supérieurs des détournements de fonds publics et l’existence de comptes liés au financement du terrorisme, ont porté plainte à Paris, grâce au soutien de la Plateforme de Protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF).
Après avoir subi des représailles, les deux banquiers ont été forcés de s’exiler avec leurs familles. Ils poursuivent BGFI en réparation de tous les préjudices subis du fait du comportement de la banque. «En tant que réfugiés français, ils ont le droit de saisir les juridictions françaises. La responsabilité de la banque congolaise, en tant qu’employeur, et de la banque gabonaise en tant que maison mère, ne fait, à nos yeux, aucun doute. Le climat d’impunité régnant au sein de la banque a permis à certains dirigeants de menacer leurs employés et à recourir à des activités tout à fait immorales», ont justifié William Bourdon et Me Henri Thulliez, les avocats français des plaignants.
Jean-Jacques Lumumba était un cadre dirigeant de la branche crédit au sein de la BGFIBank RDC où il travaillait depuis 2012. Il a découvert l’existence de plusieurs transactions suspectes de dizaines de millions de dollars entre la BGFIBank RDC, dirigée par des proches de l’ancien président Joseph Kabila, et des sociétés, elles aussi contrôlées par des proches du président.
Quelques mois plus tard, il alerte en interne ses supérieurs. Menacé avec une arme à feu par le Directeur général de la banque et craignant pour sa vie, Lumumba quitte son pays avec sa famille puis révèle courageusement les agissements de la banque. «Mes alertes, je les ai déclenchées pour l’honneur de notre profession de banquier, pour le bien de notre pays. Je l’ai fait pour cette nouvelle génération de Congolais qui veulent véritablement construire l’État de droit en RDC et ne plus être pris en otage par la cupidité de ses dirigeants», a déclaré Jean-Jacques Lumumba mondafrique.com.
Travaillant depuis 2015 à BGFIBank RDC, Guylain Luwere s’assurait du contrôle de gestion. Il va révéler auprès de sa hiérarchie des dépenses effectuées par la banque en dehors des procédures légales et internes. Il va aussi mettre en garde la banque sur l’existence d’importants dépôts bancaires appartenant à des sociétés liées à un réseau d’entreprises sanctionné par le Trésor américain pour financement du terrorisme.
D’abord menacé par divers membres de sa hiérarchie, il est ensuite agressé physiquement avec sa femme dans la rue. A la suite de ces menaces, Guylain Luwere et sa femme vont s’exiler en Europe. «Jamais nous n’aurions dû être menacés, agressés, brutalisés pour avoir fait ce qu’il nous paraissait juste», a regretté Guylain Luwere. «Nous avons été contraints à l’exil, nos familles souffrent, nous méritons d’être réparés dans nos droits par notre ancien employeur», a déploré le banquier.
À Kinshasa, comme à Libreville, les responsables actuels de la filiale RDC et du groupe bancaire ont déclaré ignorer pour l’heure, l’existence de la démarche des deux lanceurs d’alerte devant la justice française. «Nous n’avons aucune connaissance de cette assignation», a déclaré le PDG de BGFIBank à Jeune Afrique. Selon l’hebdomadaire panafricain, Henri-Claude Oyima n’a pas souhaité s’exprimer sur les accusations de Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere.
C’est en septembre 2010 que la BGFI Holding a ouvert sa filiale en RDC. Selon le journal américain Bloomberg, la sœur de l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila aurait été actionnaire de la filiale congolaise à l’époque des faits. Elle y avait 40% d’actions, le reste des actions étant majoritairement détenu par la BGFI Holding. La BGFIBank RDC était dirigée par Francis Selemani Mtwale, considéré comme le frère adoptif du président Kabila.