24 octobre 2018, 04 février 2019, voilà exactement trois mois et 11 jours que le président de la République, Ali Bongo Ondimba, est condamné à l’étranger, suite à un accident vasculaire cérébral violent qui le cloue dans un fauteuil roulant. Situation qui jette le doute et les incertitudes sur l’avenir du pays, puisqu’en attendant les résultats de sa rééducation au Maroc, à Libreville, l’authenticité même de ses décisions, ses décrets et contre-décrets est désormais contestée. Les conseils de ministres ne se tenant plus, tout est comme bloqué.
Malgré les assurances de ses collaborateurs, les inquiétudes demeurent tenaces quant à l’avenir du pays. Inquiétudes essentiellement alimentées par une évidence désormais, celle des capacités physiques et intellectuelles d’Ali Bongo à assumer encore les charges de sa fonction présidentielle. Surtout que les rares images parvenues aux populations n’ont pas jusqu’ici convaincu sur la force du numéro 1 gabonais à tenir encore le pays. Signe de cette incapacité, désormais tant redoutée, le conseil des ministres qui devait se tenir en marge de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres le 15 janvier dernier, a été annulé le même jour, sans plus de précisions. Depuis le 24 octobre, le pays n’en a connu qu’un seul. Lequel avait été présidé par le vice-président, Pierre Claver Maganga Moussavou, en mi-novembre dernier, après modification par la Cour constitutionnelle de l’article 13 de la Constitution.
Or, le conseil des ministres étant une instance où sont discutés les projets de lois, de décrets et autres ordonnances engageant la vie du pays, tout semble à l’arrêt depuis plus de trois mois. La machine étatique est grippée, alors que sur le front social, les grèvent se multiplient partout, avec des revendications qui, pour l’essentiel ne tournent qu’autour des salaires et des primes dues aux travailleurs. Certains syndicats comme Dynamique unitaire exigent désormais ouvertement la constatation de la vacance du pouvoir, estimant qu’Ali Bongo est soit mort soit incapable de diriger le Gabon.
Quid des décrets présidentiels ?
Pour rajouter à la suspicion et aux inquiétudes, le coup de théâtre intervenu le 30 janvier dernier à l’occasion du remaniement du gouvernement Nkoghe Bekale, a jeté le doute sur l’authenticité même du décret présidentiel à la base de ce réaménagement, 18 jours seulement après la formation dudit gouvernement. Même au sein du pouvoir, certains ne croient pas que ce soit Ali Bongo qui ait signé lui-même un décret limogeant son ministre de la Défense, qu’il a nommé deux semaines plutôt. Surtout dans une période de flottement, alors qu’il se sait malade à l’étranger. Toutes les suspicions convergent donc vers l’entourage du président de la république, lequel entourage est suspecté de prendre unilatéralement des décisions pour régler ses comptes à ses ennemis dans le sérail et d’en attribuer ensuite la paternité à Ali Bongo, qui ne servirait plus que de « faire-valoir ».
Pour l’avoir compris, certains leaders de la majorité présidentielle comme Guy Christian Mavioga du BDC se sont même moqué de la composition du nouveau gouvernement. D’autres comme Jean Boniface Assélé exigent des explications aux collaborateurs de Bongo. Au fond, tout le désordre dénoncé au palais, selon certaines langues qui se délient, n’a qu’un arrière plan stratégique, le dilettantisme manifeste et le pourrissement de la situation pour forcer jusqu’en 2023. Dans cette logique, il faut mettre hors d’état de nuire, tous ceux qui, au sein du pouvoir, peuvent jouer un rôle embarrassant. A mesure qu’elle perdure et s’enlise, l’absence du Gabon d’Ali Bongo Ondimba donne lieu à une pagaille politique considérable avec, à l’horizon, des conséquences incalculables. Ce qui demeure une source d’inquiétudes pour le pays.