Vendredi dernier, alors que Faustin Boukoubi devenait président de l’Assemblée nationale, tard dans la nuit, Julien Nkoghe Bekale a lui aussi été nommé Premier Ministre par Ali Bongo Ondimba depuis le Maroc où il poursuit sa convalescence suite à un AVC, le 24 octobre dernier en Arabie Saoudite. Il n’aura fallu donc au nouveau Premier Ministre que quelques 24 heures pour former son gouvernement de concert avec le Chef de l’Etat. Mais le choix des deux personnalités est très vite vu comme le retour en force des anciens, accusés de bloquer le développement du pays.
38 membres y compris le premier ministre contre 41 pour l’équipe précédente. C’est le nombre des ministres qui composent le gouvernement de Julien Nkoghe Bekale, alors que l’ancien premier ministre, Emmanuel Issoze-Ngondet, envoyé paître dans l’anonymat à la médiature de la République n’a pu remettre son tablier en mains propres au Président de la République, en plein convalescence à Rabat au Maroc. Manifestement, la grande bourrasque annoncée n’aura pas eu lieu. Tout comme la réduction de la taille du gouvernement que nombreux subodoraient à une vingtaine de ministres, en raison de la cure d’austérité adoptée par le gouvernement Issoze-Ngondet III, qui disait réduire la masse salariale qui obère considérablement les politiques d’investissements. Rien de tout cela ne s’est donc produit.
Excepté un petit jeu de chaises musicales entre quelques ministres, et quelques nouvelles entrées, dans l’ensemble rien n’a véritablement changé. Normal ! Puisque le choix du premier ministre est en lui-même très loin d’inspirer une nouveauté notable car Julien Nkoghe Bekale, ancien membre du gouvernement à la traîne n’est pas un inconnu des arcanes de l’administration. Rappelé dans le gouvernement Issoze-Ngondet suite au remaniement du 4 mai dernier, il ne doit en grande partie son choix que par la logique géopolitique qui voudrait qu’un premier ministre soit toujours un fang de l’Estuaire. Alors qu’on avait cru ce critère géo-ethnique définitivement banni avec la nomination en 2016 d’Issoze-Ngondet, originaire de l’Ogooué Ivindo, on est comme revenu à la case de départ. Ne dit-on pas qu’à force de chasser le naturel, il revient au galop ?
Quid de Faustin Boukoubi ?
Le naturel au galop, c’est aussi ce qui semble avoir guidé le choix du désormais président de l’Assemblée Nationale, Faustin Boukoubi, originaire de l’Ogooué Lolo, après les 19 ans de règne emblématique de Guy Nzouba Ndama de la même localité. Voilà qui fait penser à certains Gabonais, la règle non-écrite du titre foncier de certaines institutions qui ne peuvent être dirigées que par des ressortissants d’une province localisée. Au fond, il y a comme une force irrésistible de la reculade et du sur place qui tient prisonniers les gouvernants, malgré les bonnes intentions du changement.
Car si du côté du palais, les choix de Boukoubi et de Nkoghe Bekale peuvent être expliqués par la richesse de leur expérience, au sein de l’opinion, tout cela est interprété comme une volonté de confisquer les mêmes chances aux autres générations ou personnalités, qui peuvent, elles aussi faire valoir leurs aptitudes à ces postes. Tout cela avec l’idée que le pouvoir est une affaire de castes qui tournent en rond et se relaient entre elles. Puisqu’à force de vouloir faire du neuf coute-que-coute avec les vieux, on finit par établir la gérontocratie en règle de gouvernance, qui bloque l’éclosion de nouvelles énergies et donc de nouvelles chances. Bref, avec le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale, il y a comme un retour triomphal des anciens.