Généralement en matière judiciaire, deux types de procédures peuvent être soulevés pour faire la lumière sur une affaire. Soit la procédure inquisitoire, le juge pose les questions, les parties répondent et le juge tranche, soit la procédure dite accusatoire. Dans ce cas, les parties avancent leurs arguments, et à la fin le juge rend sa décision. Dans l’affaire des 25 milliards de Fcfa alloués pour la construction de l’hôtel des Impôts de Libreville, cette dernière procédure devrait servir de canevas pour lever le voile sur le chemin pris par ce montant faramineux qui est au centre de toutes les discussions et nourrit bien des fantasmes.
Disons-le tout net ! Cette désormais affaire de l’hôtel des Impôts « non construit » met en lumière un fait terriblement inquiétant : la légèreté avec laquelle sont utilisés les fonds publics. Du coup, l’affaire est sur toutes les lèvres, car en dépit des tentatives de réponse apportées ces derniers jours par les proches de Joël Ogouma, sur la supposée restitution des fameux 25 milliards dans les comptes du Trésor public, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Ce qui, pourrait amener les autorités judiciaires, notamment la Cour des comptes et la Cour criminelle spéciale, à interpeller les différents responsables de l’administration fiscale de l’époque.
Dans cette veine, pour comprendre l’imbroglio régnant autour de cette affaire, un magistrat de la Cour des comptes – ayant requis l’anonymat – relève que la première erreur commise par les anciens responsables de la direction générale des Impôts, en l’occurrence Michel Mpega et Joël Ogouma, serait l’ouverture d’un compte bancaire et le dépôt de cet argent dans un établissement bancaire privé en violation des dispositions du décret n°15/PR/MINECOFIN du 6 janvier 1976 portant règlement général sur la comptabilité publique qui précise, en son article 21, que « les fonds publics sont obligatoirement déposés au Trésor, sauf dérogations autorisées par le ministre de l’Economie et des finances. Ils ne sont pas générateurs d’intérêt et ils sont insaisissables ».
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En violant ce principe d’orthodoxie financière qui implique une gestion prudente des fonds publics et le respect scrupuleux des règles établies, les deux anciens Directeurs généraux des Impôts ont soulevé de nombreux questionnements sur la gestion effective et transparente de ces 25 milliards de Fcfa. Michel Mpega qui s’était dédouané en accusant implicitement son successeur, avait mis dos au mur Joël Ogouma qui, depuis le déclenchement de l’affaire, s’est muré dans un silence assourdissant. « Qui ne dit mot consent », serait-on tenté d’avancer.
Pour respecter le principe de la charge de la preuve énoncé à l’article 1353 du Code civil ancien qui dispose que celle-ci incombe à « celui qui réclame l’exécution d’une obligation » mais aussi à celui qui se prétend libéré « doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation », Joël Ogouma à qui revenait la responsabilité de la gestion desdits 25 milliards de Fcfa doit rapidement apporter des réponses et des preuves irréfragables sur l’utilisation détaillée de ce montant pour être définitivement disculpé dans cette affaire.
Pour le moment, ce sont ses proches qui sont montés au créneau pour, non seulement confirmer l’existence des 25 milliards de Fcfa au moment de sa prise de fonction, mais également tenter d’expliquer que cet argent aurait servi à la fois au fonctionnement de la direction générale des Impôts et à d’autres projets d’investissement. Mais quid du budget de fonctionnement alloué par l’Etat ? Contacté par notre rédaction, un inspecteur central des Impôts autrefois proche de Joël Ogouma nous fait remarquer : « Michel Mpega a réussi à recouvrer 25 milliards de Fcfa issus des pénalités et autres amendes infligées aux contribuables par la DGI. Après son départ, les activités de la DGI se sont-elles arrêtées au point de justifier la disparition des 25 milliards au titre, entre autres, du fonctionnement de cette administration ? ».
Au-delà de cet aspect, il y a à la base, une inconnue : rien ni personne ne sait avec exactitude le montant consacré à l’origine à la construction de l’hôtel des Impôts et prétendument reversé au Trésor. Par ailleurs, selon des sources concordantes, à l’époque des faits, les recettes pétrolières étaient tellement élevées que l’on a du mal à s’expliquer l’abandon de ce projet. Une raison supplémentaire pour que celui dont le nom est abondamment cité dans cette affaire, c’est-à-dire l’actuel gouverneur du Woleu-Ntem, Joël Ogouma, justifie de la trace comptable du virement de BGFI vers le Trésor, et qu’il produise les documents attestant du bon usage des ressources destinées au fonctionnement de la DGI. Car, rappelons-le, il s’agit d’argent public.