Surfant sur la dernière tribune de l’écrivain Janis Ontsiemi dénonçant un «Bongo-bashing» depuis la crise sanitaire d’Ali Bongo, l’auteur de la présente tribune revient, entre autres, sur «les caricatures virulentes moquant la motricité de Marc Ona», la dérision, par le camp du pouvoir, d’André Mba Obame sur un fauteuil roulant, mais aussi les «cafards» de Jean Ping… pour démontrer que l’escalade de la haine actuellement observée n’est pas le fait d’un seul bord politique»
Dans une tribune parue dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, l’écrivain gabonais Janis Otsiemi, dénonce le «Bongo-bashing», dont est victime le Chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba, au lendemain de ses ennuis de santé à Riyad, en Arabie saoudite, à la suite d’un accident cardio-vasculaire le 24 octobre 2018. Simple omission ou partialité ? Nous n’osons pas douter de la bonne foi du maître du polar gabonais. Si cette tribune a le mérite de dénoncer le Ali Bongo-bashing, car peu importe nos divergences, on ne se réjouit pas du malheur de son prochain. Mieux, on ne souhaite pas la mort à autrui, fut-il votre pire ennemi. Allons plus loin, même en zone de conflit armée, on ne tire pas sur une ambulance. Le comportement que Janis Ontsiemi condamne dans sa tribune n’est pas le fait d’un seul bord politique, comme il le décrit en pointant du doigt l’opposition. Non. Majorité et Opposition sont responsables en grande partie du climat délétère de la Nation.
La situation qui prévaut actuellement au Gabon est la cause de ces deux camps, arrivés aux extrêmes en plus d’être minoritaires, qui ne cessent de diviser le pays et d’instrumentaliser les populations. Cela, en érigeant la haine, la violence, le mensonge, le dénigrement, la xénophobie, le rejet de l’autre, comme discours politiques. Les uns pour s’accrocher aux pouvoir, les autres pour en déloger ceux qui y sont installés.
Quid des photos méconnaissables de Mba Obame malade et cloué sur une chaise roulante à Rome, gaiement publiées sur les réseaux sociaux ? Jusqu’à sa mort, l’ancien leader de l’opposition était moqué pour sa maladie par les partisans du pouvoir. Qui a oublié à la veille du décès du secrétaire général de l’UN, le discours un brin moqueur et provocateur du Chef de l’Etat, tout à son aise, suffisant, au faîte de sa gloire, à Rio, le fameux «J’y suis, j’y reste» spécialement adressé aux partisans et à la famille politique d’André Mba Obame. Qui a oublié le terme “cafard” employé par Jean Ping pour juger le camp d’en face ? Qui a oublié l’attaque du domicile de Jean Ping, par des gamins instrumentalisés par des proches du pouvoir ? Quid des morts du quartier général de Jean Ping, que chacun des deux camps exploitent de façon inhumaine ? Au grand dam des victimes et de leurs proches. Comme s’il était juste question de données statiques d’un centre de laboratoire. Le nombre de victimes des violences post-présidentielle de 2016, raillés et minorés par le pouvoir, quand l’opposition fait dans l’extrapolation du nombre de décès et de blessés enregistrés. Les deux camps oubliant même qu’il est question encore une fois de vie humaine : un mort c’est une victime de trop, un blessé s’en est un de trop aussi.
Quid du non-respect de la vie privée et du respect de la dignité humaine mainte fois foulés par les leaders tous bords politiques confondus, via la presse écrite ? Dans la presse, on garde en mémoire les caricatures virulentes moquant la motricité de Marc Ona, les insultes à l’égard de la mère du chef de l’État, les propos xénophobes lancés aux collaborateurs d’Ali Bongo. Qui a oublié l’attaque à la mitrailleuse des locaux de TV+, l’incendie partielle de la Radio télévision Nazareth en 2016 ? Le «Tout sauf Fang», au plus haut sommet de l’Etat en 2009 ? Quid de l’agression par la diaspora de l’ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat à New York, Martin Boguikouma, puis de Édouard-Pierre Valentin, beau-père d’Ali Bongo à Paris ?
Qui a oublié les menaces terroristes ubuesques d’un certain Laurent Aba Minko ? Les exemples sont légion démontrant malheureusement qu’il y a belle lurette que nous avons touché le fond. Aucune des deux parties n’est jamais montée au créneau pour condamner ces dérapages, sauf pour jouer la carte de la victimisation. Un silence complice qui en dit long sur la volonté des deux camps à installer la chienlit pourvue que l’ennemi juré tombe.
Depuis le retour du multipartisme en 1990, nous avons oublié d’intégrer le fait qu’en politique nous sommes des adversaires et non des ennemis, peu importe nos divergences, ceux au-delà des inimitiés, des luttes de pouvoir. L’arène politique est un espace où on débat de l’avenir du pays et non un lieu de débat de personnes. En Côte d’Ivoire, Houphouët-Boigny avait laissé un pays en paix. Mais, par la faute de ses dauphins, ce pays a connu une grave crise politique, puis une guerre civile. À l’origine, ces dauphins avaient décidé de ramener le débat politique, l’avenir du pays, à un débat de personne, favorisant peu à peu les germes d’une partition du pays et d’une guerre civile. La suite nous la connaissons.
Depuis le décès d’Omar Bongo, le Gabon ne cesse de se rapprocher du chaos, d’un renversement des institutions voir d’une guerre civile. En 2009, puis en 2016, nous avons frôlé l’abîme. La faute aux acteurs politiques. Pour se remémorer une telle crispation politique, il faut remonter à l’époque de Léon Mba où le conflit larvé avec ses adversaires de l’opposition, notamment jean Hilaire Aubame, avait conduit à la tentative de coup d’Etat de 1964. À quand un véritable coup de frein à cette escalade de la violence ? Pour le moment, la plupart des personnalités politiques qui sonnent le holà, pensant avoir flairer le bon filon, le font dans le dessein inavoué d’obtenir un strapontin au gouvernement, flirtant entre transhumance politique et entrepreneuriat politique.
Arnaud Mbeng Edou
Communicant, fondateur de l’agence de Relations presse Stratégie Globale d’Influence