Une pluie de réactions s’est abattue sur la décision n°219/CC de la Cour constitutionnelle, ayant donné mandat express au vice-président de la République de présider un conseil des ministres. Bien que tardive mais toujours d’actualité, la réaction de Tokyo Yabangoye, observateur de la politique gabonaise et pigiste chez Gabonreview, décortique les tenants et aboutissants dudit conseil des ministres.
L’article 20 de la Constitution dispose en deux alinéas que : «Le président de la République nomme, en Conseil des Ministres, aux emplois supérieurs, civils et militaires de l’État, en particulier, les Ambassadeurs et les envoyés extraordinaires ainsi que les officiers supérieurs et généraux. Une loi organique définit le mode d’accès à ces emplois».
La nomination aux emplois supérieurs est donc une compétence exclusive du président de la République qu’il ne peut exercer qu’en Conseil des ministres. Et la loi organique relative à la délégation des attributions du président de la République au Vice-président de la République indique que les attributions de l’article 20 ne peuvent être déléguées.
Lors du Conseil des ministres du 16 novembre 2018, présidé par le Vice-président de la République, sur habilitation expresse de la Cour Constitutionnelle, 11 nominations qui ont été prononcées. Ces nominations sont tout simplement contraires à la Constitution. Et la Cour Constitutionnelle ne pouvait l’ignorer en approuvant les nominations parmi les points inscrits à l’ordre du jour de ce Conseil des ministres. Naturellement, les tenants du «réalisme politique» diront que les nominations ont été prononcées et les concernés ont pris leurs fonctions. Mais que répond la Cour Constitutionnelle à cette violation flagrante de la Constitution avec son autorisation formelle ?
Dans le cadre de la surprenante campagne de communication qui accompagne son action désormais politicienne, Madame Marie Madeleine MBORANTSOUO, s’exprimant sur la forme en qualité de Président de la Cour Constitutionnelle, a accordé une interview exclusive au magazine Jeune Afrique.
Nous ne reviendrons pas sur la nécessaire neutralité et l’absolue discrétion qui s’impose à certaines charges publiques. Cependant, chaque fois qu’une autorité prendra la responsabilité de se soustraire volontairement de ces obligations de neutralité et de discrétion pour exprimer son opinion et porter des jugements sur la classe politique, nous n’aurons d’autre choix que de participer à éclairer nos concitoyens.
Nous ne reviendrons pas non plus sur l’inconstitutionnalité du Conseil des ministres du 16 novembre 2018 et l’Impasse vers laquelle cette réunion conduisait. La campagne de communication pour justifier la triste décision n° 219/CC suffit à exprimer l’embarras des auteurs.
Nous aimerions néanmoins nous arrêter sur ce propos de Madame le Président de la Cour Constitutionnelle dans son interview de Jeune Afrique : «le président de la République sera bientôt capable de délivrer lui-même au vice-président les habilitations nécessaires pour assurer la continuité de l’État».
Comment sera-t-il possible d’assurer la continuité de l’État sans violer l’article 20 de la Constitution ? En d’autres termes, aucune nomination ne sera possible tant que le Chef de l’État en personne ne pourra présider le Conseil des ministres et prononcer les nominations conformément à l’article 20 de notre loi fondamentale. À moins que la Cour Constitutionnelle ne nous propose un nouvel amendement temporaire de la Constitution. Impasse pour impasse, nous y sommes.