A bientôt un mois d’absence d’Ali Bongo au Gabon pour raison de santé, l’ambassadeur du Gabon en France a assuré que le chef de l’Etat est toujours à la barre du bateau Gabon. Dans cette interview accordée au journal Afrique sur TV5MONDE, le 21 novembre, Flavien Enongoué revient essentiellement sur la communication autour de l’état de santé d’Ali Bongo, non sans occulter la récente modification polémique de la Constitution.
TV5MONDE : Pouvez-vous nous dire où se trouve Ali Bongo au moment où l’hebdomadaire Jeune Afrique évoque une arrivée prochaine à Londres, alors que La lettre du continent parle du Maroc ?
Flavien Enongoué : C’est le temps médiatique. Toujours est-il que le président de la République est hospitalisé en Arabie Saoudite, à Ryad.
Il reste en Arabie Saoudite, pas de convalescence en Europe ou en Afrique ?
L’on ne peut pas se prononcer sur la suite. Dans le temps médical, il y a trois séquences. La première est celle de la maladie elle-même. Et comme chacun de nous a pu l’expérimenter, lorsque nous sortons de séquence de la maladie, il y a ensuite celle de la convalescence pour aborder ensuite la séquence de la guérison.
Comment va le président Ali Bongo ?
Il va mieux !
Avez-vous des nouvelles précises sur son état de santé ?
Il va mieux ! Lorsque je parlais du temps médical, il y a deux acteurs à ce niveau. Il y a le patient, en l’occurrence le président de la République, et l’équipe médicale. Je ne comprends pas que les injonctions soient faites aux autorités politiques ou alors aux médias pour qu’on puisse s’exprimer, alors que ceux qui sont habilités à le faire sont l’équipe médicale et les autorités politiques.
Pourquoi les autorités ne communiquent-elle pas ?
Cela se fait ! Si vous l’avez suivi, le porte-parole de la présidence de la République a récemment lu les derniers extraits du bulletin médical du chef de l’Etat. Lorsque l’équipe médicale jugera utile de communiquer pour un autre bulletin médical, les autorités politiques interviendront pour donner la bonne information.
Le pouvoir avait évoqué la «fatigue», un «malaise»… le président Ali Bongo a-t-il été victime d’un accident vasculaire cérébral comme plusieurs médias l’on écrit ?
Je ne pense pas que je sois venu ici pour répondre de façon injonctive à ces questions. Cela a déjà été dit par le porte-parole de la présidence de la République : le président de la République est hospitalisé à Ryad !
Qu’en est-il des capacités intellectuelles d’Ali Bongo, au moment où la présidence de la République annonce le recouvrement de la plénitude de ses facultés physiques ?
Comme je l’ai expliqué et ce schéma reste valable, il y a la séquence de la maladie elle-même. Le moment venu, président de la République en sortira lorsque l’équipe médicale le jugera nécessaire, pour entrer dans la séquence de la convalescence avant celle de la guérison. Voilà les trois séquences du temps de la maladie.
Trois séquences, deux communiqués vagues en un mois, peu d’informations officielles… cela peut quand même générer un climat de suspicion chez les Gabonais ?
C’est très difficile de se prononcer à la place des Gabonais à partir de Paris. La seule chose que je puis vous dire c’est qu’il y a les informations. Mais celles-ci ne peuvent pas suivre le rythme du temps médiatique qui est celui de l’urgence de l’information. Le rythme du temps médical n’est pas celui du temps médiatique, qui n’est pas non plus celui du temps politico-institutionnel. Et la confusion vient du fait que les journalistes et les acteurs politiques veulent superposer ces trois temps.
Y a-t-il une date limite de fin de l’indisponibilité temporaire d’Ali Bongo ?
L’indisponibilité temporaire est le constat qui a été fait par la Cour constitutionnelle, selon lequel ce terme ne figure pas dans l’article 13 de notre Constitution qui prévoit plutôt deux cas : la vacance du pouvoir et l’empêchement définitif.
Quelle est la différence entre vacance du pouvoir et indisponibilité temporaire ?
Il y a une énorme différence. Lorsque vous avez la vacance du pouvoir, il y a un processus qui donne lieu à une démarche irréversible de transition (…) Or, l’indisponibilité temporaire, comme son nom l’indique, est que le président de la République est dans une situation où il n’est pas libre de ces mouvements du fait de la maladie. Mais, il n’est pas appelé à demeurer éternellement dans cet état. C’est pour éviter l’injustice de décréter l’empêchement définitif ou la vacance du pouvoir, sans preuves, que l’on parle d’indisponibilité temporaire. Mais je comprends les hommes politiques qui veulent déjà entrer dans le temps électoral
Pourquoi avoir modifié la constitution sans modifier le Parlement ?
Là aussi, le torrent déversé sur la Cour constitutionnelle est injuste. Tout simplement parce que les gens s’expriment soit pour des raisons politiques, soit par ignorance. Il faut bien expliquer de quoi il en retourne. Cela s’appelle l’interférence, une norme dont le juge est l’auteur. Il y a deux types d’interférence : celle qui donne la ligne directrice, qui est permissive, et celle dite prescriptive. Le dernier cas donne la possibilité au juge constitutionnelle d’édicter une norme provisoire, le temps que le Parlement s’en saisisse pour en faire une norme définitive. Et ça, c’est une fonction législative reconnue au juge constitutionnelle, depuis que ce dernier a pris une place importante dans les démocraties représentatives. S’il y a un tollé, c’est parce que dans la tradition française, nous n’avons pas souvent cette réalité d’une interférence prescriptive. C’est pourtant très fréquent dans des certains pays européens comme l’Allemagne ou la Belgique.
L’opposition parle pourtant d’un coup d’Etat constitutionnel en une seule nuit…
Je pense qu’à un moment donné il faut être un tout petit peu sérieux. La Cour constitutionnelle a délibéré sur la base d’une requête du Premier ministre faite dans la journée. Et comme vous le savez, lorsque la Cour constitutionnelle délibère, elle prend tout son temps. Elle peut commencer à travailler toute la journée et terminer la nuit. Et ce n’est pas parce que cela c’est passé la nuit que cela pose un problème au fait selon lequel, l’interférence est la norme dont le juge est l’auteur.
Qui dirige aujourd’hui le Gabon ?
Le Gabon est dirigé par le président Ali Bongo, qui est dépositaire de la légitimité qui lui a été accordée en 2016. Mais il se trouve qu’il a une indisponibilité temporaire. Et en l’absence du président, il y a un gouvernement, qui gère le pays et la question ne se pose même pas. L’administration de la présidence de la République est au service du président et les autres institutions fonctionnent normalement.
Concrètement, qui s’occupe des affaires courantes du pays aujourd’hui ?
C’est le gouvernement !
Ne craignez-vous pas que l’absence d’Ali Bongo laisse éclater des luttes de succession ?
Je ne pense pas que le problème soit à ce niveau. Vous savez, il est dans la nature des hommes politiques de toujours chercher des plans de carrière, que le président soit là ou pas. Par ailleurs, ce n’est pas une création gabonaise. Dans tous les cas, cela ne pose aucun problème particulier de savoir qu’il y a des gens qui voudrait bien profiter de cette situation pour se voir khalife à la place du khalife. Et encore davantage dans l’opposition.