Près d’une semaine après les premières déclarations de la présidence de la République, c’est toujours la bouteille à l’encre.
C’est le sujet de conversation du moment, l’information de l’heure. Dans les chaumières et lieux de sociabilisation, chacun y va de son commentaire. Partout à travers le pays, des confidences supposées s’échangent. De prétendues indiscrétions aussi. Près d’une semaine après les premières déclarations de la présidence de la République, une ambiance surréaliste prévaut. Malgré les dénégations du Premier ministre, la rumeur enfle de plus belle. Pourquoi ? Échaudée par les expériences historiques de 1967 et 2009, l’opinion est gagnée par une sorte de circonspection. Or, entre propos hasardeux et attitudes désinvoltes, les différents intervenants ont multiplié des erreurs de débutant. De toute évidence, la communication a été mal gérée, pas du tout maitrisée.
À l’ère des réseaux sociaux
Tout est parti d’un tweet ravageur de Siobhan A’Fraidy. Le 25 octobre dernier, la journaliste du Washington post disait avoir entendu des rumeurs faisant état du décès du président de la République à Riyad en Arabie Saoudite. Elle affirmait avoir interrogé l’ambassadeur du Gabon aux USA à ce sujet. Elle assurait avoir reçu un démenti, évoquant de simples soucis de santé (lire «Ali Bongo hospitalisé en Arabie Saoudite»). N’empêche, la Toile s’enflamma aussitôt. Le lendemain, le porte-parole de la présidence de la République donna un point-presse. Ayant choisi d’axer son propos sur le second tour des législatives, il n’évoqua nullement la question. Comme il fallait le redouter, cette omission volontaire alimenta tous les soupçons. Deux jours plus tard, Ike Ngouoni Aïla Oyouomi revint à la charge. Cette fois-ci, il mit l’accent sur un nécessaire repos consécutif à une «fatigue passagère». Le lendemain, il en remit une couche, parlant plutôt de «fatigue sévère». Depuis lors, c’est l’emballement total. En somme, la bouteille à l’encre.
Comment décrypter une telle situation ? À la fois science et technique, la communication repose sur des principes. Dans sa dimension institutionnelle, elle joue sur l’image. Poursuivant des objectifs préalablement définis, elle se décline en stratégies et plans. En période crise, elle aide à circonscrire les événements. Elle permet aussi d’en minimiser les impacts. À l’ère des réseaux sociaux, cet exercice n’est pas toujours aisé, l’information circulant à la vitesse de l’éclair. Eu égard à la tendance des internautes à rechercher le buzz, tout repose sur l’anticipation. Ainsi, les communicants de la présidence de la République auraient dû commencer par réfléchir aux conséquences politiques et institutionnelles de la situation présente. Ils auraient gagné à employer les mots justes, à ne pas se risquer à décrire des symptômes ou établir des diagnostics. À entendre les quolibets lancés çà et là, leur opération a fait chou blanc. Révélateurs d’une perte de crédibilité de la parole officielle, calembours et blagues diverses se multiplient. Expression d’une intime conviction solidement ancrée, les interprétations de la Constitution vont bon train.
Providence ou méthode Coué
Pourtant, cet emballement médiatique aurait pu être maîtrisé. Comme disent les spécialistes en communication de crise, pour éviter le «feuilletonnage» c’est-à-dire la succession de révélations, il faut agir vite. Surtout, il faut apporter la preuve de sa bonne foi. Pour ce faire, les actes doivent accompagner la parole. Concrètement, l’annonce de ce malaise n’aurait jamais dû être l’affaire de la presse internationale. Les différents diagnostics lus ou entendus çà et là aussi. En prenant leur responsabilité, les communicants de la présidence de la République auraient devancé tout le monde. En s’attachant les conseils d’un médecin, ils se seraient donné une chance de parler juste. Auraient-ils, pour autant, réussi à canaliser l’information ? Peut-être. Pour l’heure, tout leur échappe. Au fil du temps, ils laissent même le sentiment de subir les événements, d’être à la traîne des médias étrangers.
Dans la communication de crise, la proactivité est une qualité essentielle. Au lieu de jouer les victimes ou de tenter la dissimulation, il faut prendre l’initiative. En l’espèce, il ne fallait ni céder au voyeurisme ni divulguer des informations couvertes par le secret médical. Il fallait simplement se donner les moyens de composer avec les réalités de l’époque. Et pour cause : au-delà des considérations éthiques ou morales, les gouvernants doivent des comptes aux gouvernés. Sous la pression d’Internet, cette exigence démocratique progresse. Toujours un peu plus pesante, elle s’ancre dans les mentalités. Sur les fora de discussion animés par des compatriotes, des documents à l’authenticité douteuse comme des dépêches de presse circulent. C’est dire si le bal des novices se poursuit. À moins de croire en la providence ou de pratiquer la méthode Coué, des communicants ne peuvent s’en contenter.
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