Comme chaque fois après les élections législatives, l’on réfléchit au sommet de l’État à la désignation d’un chef du gouvernement. Les think tanks travaillant autour de cette question affirment être amenés à penser qu’après le Woleu-Ntem qui a donné deux Premiers ministres à la République, et après l’Ogooué-Ivindo dont est issu l’actuel Premier ministre, l’Ogooué-Lolo pourrait bien être la prochaine province à voir un de ses fils accéder au «2-Décembre» ? D’ailleurs, l’entourage d’un membre du gouvernement ne fait plus mystère du prochain déménagement de celui-ci pour la Primature !
Héritage politique d’un Gabon construit sur une distribution des rôles se basant sur les origines de ses enfants appelés à occuper des fonctions éminentes dans la République, la géopolitique a encore de beaux jours devant elle. Aucune loi n’a jamais pris le dessus sur ces considérations purement provincialistes et ethniques. Aucune loi n’a jamais écarté les convictions subjectives de la décision politique. Fait notable : certains think tank au sommet de l’Etat avancent que l’Ogooué-Lolo devrait aujourd’hui hériter de la Primature après l’Estuaire (Biyoghé Mba), le Woleu-Ntem (Daniel Ona Ondo, Raymond Ndong Sima) et l’Ogooué-Ivindo (Emmanuel Issozé Ngondet). Dans cette optique, deux noms seraient avancés : Régis Immongault et Faustin Boukoubi.
Régis Immongault ou Faustin Boukoubi ? L’actuel ministre d’Etat ou l’ex-Secrétaire général du PDG ? Le fonceur ou le modéré ? Le Mogabo ou le «cacique» ? Une autre question se pose : va-t-on vraiment constituer un triangle Haut-Ogooué (présidence de la République) + Ogooué-Lolo (Primature) + Ogooué-Ivindo (Présidence de l’Assemblée nationale) ? Rien n’est moins sûr, mais l’hypothèse est actuellement évoquée.
Considérations géopolitiques
Il reste que cette hypothèse pourrait rencontrer des écueils, en ceci que le parti au pouvoir est actuellement dirigé par un ressortissant de l’Ogooué-Lolo : Eric Dodo Bounguendza. Une donnée brandie par certains analystes pour avancer que «dans ce pays, on n’a jamais cumulé Primature et direction du PDG». À quoi, il faudrait ajouter une certaine frilosité dans l’opinion. «La constitution de ce triangle donnerait à penser que le PDG ne compte que sur trois provinces, et le message ainsi envoyé ne serait pas du plus bel effet», note un sociologue enseignant à l’Université Omar Bongo.
Il est temps, dit-on dans certains salons feutrés, de voir arriver la Nyanga ou l’Ogooué-Maritime aux premières loges des centres de décision, sans toutefois citer des noms. D’aucuns pensent que l’Estuaire mériterait de revenir au 2-Décembre, après sept ans d’éclipse, tandis que d’autres encore suggèrent que l’on y désigne un ressortissant du Moyen-Ogooué. Il reste qu’au sujet de cette province, seuls deux noms sont avancés ces derniers temps : Denise Mekam’ne Edzidzi et Madeleine Rogombé-Berre, éclipsant ainsi Richard Auguste Onouviet que nombreux perçoivent pourtant comme un «Primaturable» de bon calibre, son CV et ses états de services étant à ce jour imbattables dans la province.
Mais, Denise Mekam’ne Edzidzi pourra-t-elle «renaître» des cendres de la mairie de Ndjolé ? Indirectement ou non, elle est éclaboussée par cette affaire. A Ndjolé, beaucoup verraient bien l’indépendant Daltry Nang Eko ayant officiellement obtenu 9 élus contre 10 pour le PDG entrer au gouvernement en lieu et place de l’actuel ministre d’Etat chargé de la Santé. Car, disent-ils, en réalité Daltry Nang Eko n’est pas contre le PDG, il est contre la personnalité de Denise Mekam’ne.
À Lambaréné, à ceux qui martèlent le nom de Madeleine Rogombé Berre, qui a certainement un solide pedigree et provient du secteur privé, il est répondu que son vécu politique est trop infime pour en faire un chef de gouvernement. Elle doit encore étoffer son expérience et elle gagnerait à être encore plus «tueuse» en politique. «Qu’elle se fasse encore les dents !», souligne un ancien ministre originaire de la province. «Madeleine, c’est pas encore du lourd», ajoute-t-il. «Si on la nomme maintenant à la Primature, elle pourrait vite se retrouver, à 52 ans, hors circuit ; or, en politique, on est là pour durer», conclut-il.
«En définitive, Ali Bongo est le seul maître du jeu ; il désignera la personnalité qui lui paraîtra la plus en phase avec sa pensée et sa vision, et non forcément quelqu’un que lui proposent les think tank de la majorité», affirme un universitaire.