Les compagnies d’assurance préparent le lancement d’un produit destiné à assurer les risques politiques au Gabon. Mais à quoi renvoie ce produit ? Qui sont les potentiels clients ? Quel est l’engagement de l’État face aux risques politiques ? Quelle perspective de croissance pour le marché de ce nouveau produit ? Dans cette interview accordée à Gabonreview, le directeur général adjoint de la Société commerciale gabonaise de réassurance (SCG-Ré), Mawi Judicaël, répond à ces interrogations.
La violence politique est un concept complexe, pouvez-vous dire à quoi il renvoie exactement?
L’idée est d’apprécier le concept dans son aspect assuranciel. La violence politique peut être abordée sous différents aspects. Le premier, c’est l’aspect dommage. Aujourd’hui les risques de violences politiques qui parfois étaient apparentés essentiellement chez nous aux risques grèves, émeutes, et mouvements populaires, étaient couverts par une clause particulière prise au niveau de l’association des sociétés d’assurance de droit national africain (Fanaf). Ces clauses sont au nombre de deux. Ces clauses couvraient ces risques. Mais aujourd’hui, avec la montée du terrorisme, ces couvertures n’étaient plus suffisantes, surtout, qu’elles étaient pendantes des contrats d’assurance incident. Ce n’était pas des couvertures à part entière.
Face à la montée du terrorisme, il était essentiel d’avoir des couvertures spécifiques pour les risques de violences politiques et terrorismes. La vocation de ce nouveau produit est donc de couvrir ce vide et de couvrir de façon juste l’assuré.
Qui sont les clients concernés par ce produit d’assurance relatif à la violence politique?
Essentiellement d’abord, les opérateurs économiques qui peuvent avoir leurs biens détruits à l’occasion des mouvements populaires dus à des évènements politiques. Mais aussi les administrations couvertes par l’État.
L’État est le garant de la sécurité des personnes et des biens, c’est à lui de garantir la sécurité à tous les citoyens, tout en prévenant les violences de nature politique. Est-ce à l’État de couvrir ces dommages?
Il y a deux cas. En assurance, aujourd’hui, il y a une couverture qui n’est pas très usitée sur le marché, chez nous en Afrique, c’est celle qu’on appelle couverture catastrophe naturelle (Catnat). En Occident, précisément en France, les Catnat sont gérées directement par un réassureur dédié. Mais, le réassureur, c’est lui qui va indemniser. Il travaillera derrière les assureurs. Et c’est l’État qui doit légalement déclarer que l’évènement qui est survenu est un évènement de catastrophe naturel, quand quelqu’un ne l’a pas déclaré, l’assureur ou le réassureur n’agira pas.
Les violences de nature politique sont définies sur une nature. Mais l’État est d’abord son propre assureur pour ce qui est de ses propres biens. Mais pour ce qui est des acteurs privés, en attendant éventuellement que l’État dise que dans le cas de ces évènements, nous indemniserons tel et tel, les assureurs traditionnels viennent eux tout de suite couvrir ces assurés, pour leur permettre de redémarrer très rapidement leur exploitation, donc réduire la perte à laquelle ils font face. Parce que, s’il faut qu’ils attendent l’État, cela peut prendre un certain temps. Ils peuvent mettront la clé sous le paillasson en attendant l’intervention de l’Etat, car n’ayant plus les entrées dont ils ont besoin. Or, les assureurs traditionnels viennent tout de suite au secours de l’opérateur économique, dès que les choses sont clairement établies.
C’est un formidable marché pour les assureurs, à combien de milliards évaluez-vous ce marché?
Je ne saurais pas le dire pour une raison très simple. Il faut pouvoir susciter le besoin. C’est d’abord à l’assureur de comprendre la nécessité de souscrire. Ce marché aujourd’hui est assez faible, parce qu’on a un pic de souscription qu’à l’approche des périodes électorales. Malheureusement, très souvent, on avait des produits qui étaient présentés aux clients, qui ne répondaient peut-être pas, globalement aux attentes des clients par rapport à notre marché.
Ce type de rencontre permet de présenter de façon globale le produit aux clients. Elle permet aux acteurs d’acquérir les rudiments et de les appliquer, ou de les adapter aux besoins du marché, afin de répondre aux attentes des clients et donc de susciter chez eux le besoin et de l’entretenir. C’est un marché vaste effectivement, mais il ne sera que ce que les acteurs en feront.
Un message à l’endroit de ceux qui pensent qu’il faut toujours attendre la période électorale pour se couvrir ?
Aujourd’hui, le risque de mouvements populaires dus à la politique ou au terrorisme est de 35% au Gabon. Aux Etats-Unis, ces risques sont évalués à 85%. Et nul besoin de demander à un opérateur économique américain si c’est nécessaire de se couvrir contre les risques de violence politique. Pour lui, c’est automatique. Mais pour nous, cela ne paraît pas évident. L’idée est de dire aux clients qu’en période pré électorale, vous avez besoin de cette couverture. Mais attention, en cette période, vous aurez une garantie qui vous coûtera très chère, parce qu’elle n’est pas souscrite de façon permanente. Les acteurs qui la vendent, la vendront en sachant que l’année prochaine, elle ne sera pas souscrite de nouveau, lorsque l’évènement électoral sera passé.
Notre message aux futurs clients est simple, il faut qu’ils souscrivent sur le long-terme pour baisser les coûts de ces couvertures. Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, l’idéal serait qu’ils soient couverts, parce que pour ces évènements-là, il n’y a pas de risque zéro. On ne sait jamais à quel moment, ils peuvent avoir lieu.