Depuis quelques temps, les catastrophes naturelles s’enchainent au Gabon, entrainant une cohorte de victimes parmi lesquelles ceux qui perdent tous leurs bien, mais surtout leurs proches. Dans ces circonstances, les représentants de l’Etat se rendent toujours sur le terrain pour «compatir» à la douleur des sinistrés et promettre des mesures d’urgence… sans plus. Les drames du PK6, Kinguélé, Mouila et autres interpellent plus que jamais l’opinion publique.
Ces dernières semaines ont inéluctablement donné raison aux climatologues et autres chercheurs sur les changements climatiques. De Moanda à Mouila en passant par Oyem et Libreville, le Gabon a enregistré des catastrophes, suite à des bourrasques parfois inattendues. Des pluies diluviennes en sont venues, en effet, à créer des inondations dans ces villes, lorsque ce ne sont pas les tornades qui emportent les toits des maisons ou les détruisant entièrement.
Au-delà de simples dégâts matériels, les dernières intempéries tombées sur Libreville ont été macabres, avec son lot de drames. A Kinguélé, quartier populaire, une femme enceinte a perdu la vie dans un éboulement de terrain. Le même scénario s’est produit au niveau du PK 6, dans le 3e arrondissement. Dans cette autre zone de forte concentration humaine, deux familles ont perdu six personnes.
Un drame qui a amené le Premier ministre, Daniel Ona Ondo, à descendre sur le terrain accompagné du ministre l’Intérieur, du maire de Libreville et du Commandant en chef de la police nationale. Il s’agissait pour eux de «constater et d’apporter du soutien aux familles», a-t-on entendu, sans plus. Or, sur le champ, l’on sait que d’autres averses de grande envergure causeront, au même endroit, d’autres catastrophes. Aussi, se demande-t-on à quoi joue l’Etat et par ricochet le gouvernement qui devrait mettre sur pied des politiques visant à sécuriser et à améliorer les conditions de vie de sa population, notamment dans ces zones «accidentogènes».
L’on sait que la principale fonction productive de l’État consiste à fournir aux ménages et aux entreprises des services non marchands. Des services appelés ainsi parce qu’ils ne donnent pas lieu, lors de leur consommation, à une transaction monétaire. L’entretien des routes, la signalisation urbaine, l’école publique, la protection des services de secours, la défense nationale, l’éclairage des rues, les musées publics sont quelques exemples des «services publics» que doit fournir l’Etat à la population.
Aussi est-on en droit de se demander si l’Etat gabonais peut s’estimer heureux d’avoir fait tout le possible pour éviter ces catastrophes. En octobre 2013, l’on avait enregistré des morts dans des conditions similaires à Kinguélé. A ce qui semble, et au regard des conditions dans lesquelles vivent les habitants de ce quartier, rien n’a été fait pour éviter une répétition de ce type de sinistre. Et le résultat est cette dame enceinte, qui a perdu la vie.
L’on sait également que les services non marchands peuvent relever de la responsabilité des administrations publiques centrales (justice, police, armée…) ou être assurés par les administrations publiques locales comme la région ou province, le département ou la commune (ramassage des ordures ménagères, transports publics, entretien des locaux scolaires…). Pour financer ces services non marchands, l’État prélève des impôts et des taxes. Alors, vu l’étendu des drames à répétition dues aux catastrophes naturelles, pourquoi l’Etat n’accélère-t-il pas le processus de décentralisation pour donner l’opportunité aux communes de mieux programmer leur développement ?
Ces catastrophes, il faut le souligner, sont notamment le résultat d’une urbanisation galopante et anarchique de Libreville. L’Etat à ce niveau semble n’avoir pas mesuré la gravité de cette situation d’autant plus qu’il laisse se construire sur les flans des montagnes dangereusement abruptes ou dans des zones propices aux innondations, des habitations. La question du coût du loyer est régulièrement évoquée par les populations démunies pour justifier le choix d’établir leurs logements en ces lieux dangereux. Un service public dit de l’habitat et du cadastre existe pourtant qui devrait statuer avant que quiconque ne construise, fut-ce provisoirement.
Le principe est donc, au regard de la désolation causée par ces énièmes catastrophes, d’inciter l’Etat à accélérer la mise en place de la décentralisation, d’une véritable politique de logement social. Mais plus loin, il faut arriver à «chasser» les populations des zones jugées inappropriées à l’habitation, quitte à créer Libreville II, comme le souhaitent de nombreuses personnes, tout comme il faut parvenir à mettre sur pied de véritables politiques d’urbanisation. Voilà à quel prix un pays peut aspirer à l’émergence. Car, il est impossible de faire de l’omelette sans casser des œufs.