Connu pour sa plume critique quant à peindre des «gabonismes» débridés et les réalités de la société gabonaise à travers les maux qui rongent et retardent son développement, le roi du polar gabonais, Janis Otsiemi, s’offre un exercice de description de ceux qui selon lui composent la nouvelle oligarchie gabonaise en lien avec le pouvoir politique d’Ali Bongo Ondimba.
Au-delà de sa passion et de son inclination à critiquer, dans ses romans policiers, le système politique gabonais ainsi que le quotidien de sa population, notamment, la corruption, les détournements des deniers publics, le népotisme ou les intrigues urbaines, Janis Otsiemi nourrit un intérêt pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication à travers lesquelles il partage certains de ses points de vue.
Le dernier de ses avis sur le régime gabonais est un listing de ces hommes et femmes du pouvoir qui composent l’oligarchie «made in Gabon». Les concernés de cercle restreint de patrons, hommes d’affaires et chefs d’entreprises, listés par le natif de Franceville dans la province du Haut-Ogooué, reconnaitront, dans la description qu’en fait l’auteur de polars, une compilation et une réécriture de ce que la presse a déjà écrit sur eux. On note ainsi que «dans l’empyrée d’hommes d’affaires proches du président Ali Bongo Ondimba, Henri-Claude Oyima tient sans nul doute la palme d’or du peloton. Il mérite bien son titre de « banquier de la famille Bongo ». Il dirige depuis plus de 25 ans la BGFIBANK qui compte parmi ses actionnaires : la Compagnie du Komo (25,01%), Delta Synergie (9,01%) qui regroupe aussi des intérêts de la famille, BGD (10%), Onouviet, le groupe Carlo Tassara (9,5%) de Romain Zaleski – présent aussi dans Comilog/Eramet.»
Que «Christian Kerangall est un homme qui cultive habilement son image d’Epinal. Il donne l’impression ce qu’il a l’air d’être : compétent et obstiné, convaincu et déterminé, mesuré mais immuable, courtois mais autoritaire. Il peut être jovial ou courroucé, amical ou emporté. Il est loyal et susceptible, réfléchi et réaliste. Et ce n’est guère pour rien qu’il passe pour un homme discret, parfois trop discret, au point de donner l’impression de cacher des casseroles bien tonitruantes.»
Qu’«en moins de quatre ans, Seydou Kane s’est taillé au grand dam de ses rivaux et concurrents l’envieux titre de « Monsieur BTP » d’Ali Bongo Ondimba, élu président de la république en octobre 2009. Mais ce titre, Seydou Kane ne l’a pas obtenu d’un coup de baguette magique. Homme de réseaux officieux et officiels, l’homme d’affaires malien a été présenté par le Béninois Maixent Accrombessi au président gabonais, lorsque ce dernier n’était encore que ministre de la Défense nationale. A cette époque, Seydou Kane avait financé la construction du gymnase et de l’internat du Prytanée militaire de Libreville.»
Que «Jean-Claude Baloche a un sens inné de l’opportunisme. Sa filiation avec Omar Bongo dont il fut le beau fils en épousant sa fille lui a permis de capter plusieurs marchés de l’Etat dans le domaine du BTP à travers la société de construction de bâtiment-entreprise de dragages et de travaux publics de la Lowé (SOCOBA-EDTPL) dont il est le président-directeur général depuis 1982. Beau-frère d’Ali Bongo Ondimba qui a été élu président de la République en octobre 2009, Jean-Claude Baloche a, plus que par le passé, de beaux jours devant lui.»
Que «Maixent Accrombessi a révélé une autre de ses multiples facettes, celle d’un boulimique de la pierre. Il aura été ces derniers mois sous les feux des projecteurs de la presse française après l’achat à 100 millions d’euros, soit environ 65 milliards de francs de la résidence Pozzo di Borgo située rue de l’université dans le 7e arrondissement de Paris. Mieux encore. Maixent Accrombessi a été épinglé dans l’acquisition de la propriété du défunt sénateur américain Ted Kenny à Washington pour plus de 6,5 millions de dollars.»
Des lieux communs sinon des secrets de polichinelle, parfois mal assemblés par l’auteur qui se révèle comme un bloggeur de petite stature, loin derrière les maîtres gabonais du genre, à l’instar de Telesphore Obame Ngomo, Petit-Lambert Ovono, Michel Ogandaga ou, plus récemment apparu dans le genre, Marcel Djabio.
La liste des oligarques de Janis Otsiemi (consultable ici) est longue puisqu’elle compte 19 membres dont 2 femmes.
Avec plusieurs romans, poèmes et essais publiés au Gabon, Janis Otsiemi a reçu en 2001 le Prix du premier roman gabonais pour «Tous les chemins mènent à l’autre». Dans un ton à la fois piquant, cru et inventif, il alignera ensuite titre après titre tout en restant fidèle à son éditeur français, Jigal. Au titre de ces romans, il y a «La bouche qui mange ne parle pas», «La vie est un sale boulot», «African tabloïd» et «Le chasseur de lucioles», son dernier-né qui se trame dans l’univers des prostituées, communément appelées «tuées-tuées» au Gabon.