Nommé le 24 janvier dernier, Daniel Ona Ondo qui a formé son équipe le 28 du même mois, vient de franchir le cap des cent jours au 2-Décembre. Annoncée comme le gouvernement des ambitions sociales, son équipe démarre son action sous le flot des critiques des fonctionnaires, des syndicats, bref de l’opinion… Ces cent premiers jours ont été également marqués par une prestation quelconque de certains membres du gouvernement à l’Assemblée nationale lors de leur interpellation.
La mise en place la Prime d’Incitation à la Performance (PIP) dans l’administration est résolument une décision sociale majeure. Pour la première fois dans l’histoire du Gabon, tous les agents de l’Etat vont avoir, à la fin de chaque trimestre, un pécule qu’on pourrait qualifier d’important. 100 milliards de francs CFA, selon le ministre du Budget et des Comptes Publics, vont être consacrés, chaque année, au paiement de cette prime. Ils proviendront, en fait, a précisé le ministre des Relations avec les Institutions Constitutionnelles, Porte-parole du gouvernement, des entrées parafiscales de l’Etat recueillies notamment par les services douaniers, dont une partie servira à payer la PIP. L’idée du chef de l’Etat de créer cette prime à verser à tous les fonctionnaires qui ne percevaient jusque-là aucun supplément salarial est consécutive à l’enquête sur la pauvreté et la précarité menée par le cabinet McKinsey. Les questions du social, de pouvoir d’achat, se règlent généralement par la mise à disposition de ressources financières…
Budget – Economie ou l’art de dévoyer une bonne décision du chef de l’Etat
Mais, problème… la décision du président Ali Bongo a été dévoyée par des techniciens des ministères de l’Economie et du Budget. Le Premier ministre ayant, à l’issue de la signature d’un protocole d’accord avec les syndicats des régies financières, mis en place un comité ad hoc constitué exclusivement des secrétaires généraux et autres responsables du ministère de l’Economie et de la Prospective et de celui du Budget et des Comptes Publics. Et, comme à leur habitude, ils se sont encore octroyé les plus belles parts du gâteau. Egoïsme, égocentrisme, avarice, partialité blâmable, unilatéralisme… Mais le problème, c’est que leur égoïsme et leur partialité sont à l’origine de toute la grogne sociale autour de cette PIP. Que ce soit au ministère de l’Agriculture, de la Fonction Publique, de la Forêt et ailleurs, l’incompréhension est totale. «Comment Jean-Philippe Ndong Biyogho de l’Economie et Yolande Nyonda du Budget ont-ils voulu que nous restions sans réaction après la redistribution qu’ils ont fait de cette prime ?», s’interroge un membre du syndicat des agents de l’agriculture. «Presque tout pour eux, les mêmes, et pas grand-chose pour les autres», s’insurge un syndicaliste de la Fonction Publique. «Ils ont créé des problèmes, il faut qu’ils les résolvent», renchérit un fonctionnaire du ministère de la Fonction Publique, très amer.
La PIP va-t-elle «tuer» le gouvernement Ona Ondo ?
Autant la décision du président Ali Bongo était bonne et bien accueillie dans l’opinion concernant ce partage et cette redistribution des richesses du pays, autant sa mise en œuvre ouvre la voie à la contestation. Une vraie bourde. Il est à espérer que cette contestation observée aujourd’hui moins dans d’une huitaine de ministères ne va pas se généraliser et rendre le gouvernement impopulaire.
En réalité, si Ndong Biyogho et Nyonda avaient voulu être plus justes, ils auraient demandé une rallonge de cinq ou dix milliards de francs CFA pour porter la PIP à 105 ou 110 milliards CFA. Car, même les agents publics qui ne sont pas en grève sont en colère, estimant s’être fait «gruger leur du». Car dans le document initial envoyé, dès la fin-mars aux membres du gouvernement par le Premier ministre, la prime octroyée à un directeur général d’administration centrale par exemple s’élevait à 3 millions de francs, celle d’un directeur général adjoint à 2,4 millions francs. Or, qu’ont fait Ndong Biyogho et Nyonda ? Ils ont décidé de ramener à 1,950 million francs CFA la prime du directeur général, soit une «perte» de plus d’un million de francs, et celle d’un directeur général adjoint à 1,650 million francs, soit une «perte» de près de huit cent mille francs. Dans le même temps, ils augmentaient les primes de leurs DG qui étaient déjà, dans le document initial, à 5,250 millions francs ! Ali Bongo va-t-il réagir ?
Un passage décevant des membres du gouvernement à l’Assemblée nationale
Interpellés au Palais Léon-Mba, siège de l’Assemblée nationale, certains membres du gouvernement, dont Fidèle Mengue m’Engwang, ministre de la Santé, Serge Maurice Mabiala, ministre de la Fonction Publique, de la Réforme administrative et de la Modernisation des cadres juridiques et institutionnels, Christian Magnagna, ministre du Budget et des Comptes Publics, et Paulette Mengue m’Owono, ministre des Transports, ne se sont pas montrés à la hauteur. Pourtant, il s’agit d’hommes et femme bien formés et qui ont été pour certains de très hauts fonctionnaires rompus à la tâche avant d’atterrir au gouvernement.
Si le professeur agrégé de droit, lui, est toujours mal à l’aise devant les caméras, et on perçoit toujours très vite sa timidité, la mauvaise prestation de Serge Maurice Mabiala, inspecteur central des Impôts, de Paulette Mengue m’Owono, magistrate de haut rang, a, en revanche, surpris. Cent jours après leur arrivée au Boulevard Triomphal Omar Bongo et à l’Immeuble Interministériel, ils ne donnent pas l’impression de bien connaître leurs dossiers, à défaut de les maîtriser. Pourtant, sur d’autres champs, dans d’autres sphères, ils ont souvent paru très à l’aise. Quant à Christian Magnagna, aucun commentaire ne sera émis sur cet ancien-nouveau ministre. En tout cas, la nouvelle équipe gouvernementale qui ne devait montrer aucune faille semble être à l’apprentissage. Se rappellent-ils seulement que le chef de l’Etat leur a dit : «vous n’aurez pas d’état de grâce ni de ma part, ni de la part de l’opinion» ? Ali Bongo va-t-il être obligé de composer une nouvelle équipe après les Sénatoriales prévues dans huit mois, en janvier 2015 ?
Quelques bonnes intentions
Pour ces cent premiers jours, une bonne nouvelle est tout de même arrivée du ministère du Budget : un audit (?) du Trésor Public a permis de sauvegarder, face à des surfacturations établies sur la période 2006-2011, une somme de 654 milliards CFA. Selon Christian Magnagna, une partie de cet argent, 100 milliards CFA, va permettre de payer la dette intérieure, des impayés dus aux entreprises et aux fournisseurs de l’Etat. Le décaissement devait démarrer dès la semaine du 28 avril 2014. Ce démarrage a-t-il eu lieu ? Parce que, jusque-là, même des factures de 400.000 francs CFA attendaient d’être payées au Trésor Public… Payer la dette intérieure est aussi, faut-il le dire, lutter contre le désemploi, les licenciements économiques ou techniques, et, il faut oser le dire, c’est lutter aussi contre la pauvreté et la précarité. Pour les prochaines semaines, l’agenda du gouvernement semble, à ce qu’ont laissé entendre certains de ses membres, surbooké. Beaucoup de choses vont être faites après la «nécessaire période de prise de marques».