L’entrée au gouvernement de Michel Menga et Jean de Dieu Moukagni-Iwangou est lourde de sens. Elle met en lumière les doutes et craintes de nombreux membres de la Coalition pour la nouvelle République.
La Coalition pour la nouvelle République (CNR) est-elle encore un bloc soudé ? Suscite-t-elle toujours attrait et espoir parmi ses membres ? Pourra-t-elle parvenir à ses fins ? Au vu des derniers développements de l’actualité, ces questions méritent d’être posées (lire «Le nouveau gouvernement»). Même si l’histoire est truffée d’exemples de ténors de l’opposition ralliant la majorité avec armes et bagages, la politique demeure un sport collectif, un jeu de groupe (lire «Michel Menga suspendu de RHM»). Quand bien même l’engagement est individuel, il y a des raisons de s’interroger (lire «L’US évoque un sursaut républicain»). Après tout, la désignation d’un candidat unique à la dernière présidentielle a créé un contexte inédit. Comme jamais auparavant, la nécessité de maintenir l’unité et la cohésion de l’opposition ne se discute plus.
Des difficultés artificiellement entretenues
Pour la CNR, l’entrée au gouvernement de Michel Menga et Jean de Dieu Moukagni-Iwangou est un carton jaune. Elle oblige à interroger ses dynamiques internes. Elle rend inévitable l’analyse de son fonctionnement. Sur les objectifs, les actions, les moyens, les ressources, la répartition des tâches ou les solidarités intérieures, tant de choses peuvent être découvertes. Au-delà des considérations personnelles, ces défections procèdent d’une absence de lisibilité ou de stratégie de groupe. Par-delà les questions éthiques et morales, elles mettent en lumière des doutes et craintes. Pour tout dire, les deux néo-ministres ne croyaient plus en une alternance à court ou moyen terme. Jean Ping à la présidence de la République ? Une chimère, à leurs yeux. Une victoire de l’opposition aux prochaines législatives ? Une utopie, selon eux. Comment en est-on arrivé là ? La CNR ne fait-elle plus rêver ?
En réalité, la coalition dirigée par Jean Ping peine à arrêter une stratégie consensuelle et comprise par tous. Entre la posture protestataire des uns et l’option pragmatique des autres, elle n’arrive pas à clarifier les choses. Entre la personnalisation du débat public et sa conceptualisation, elle ne parvient pas à trancher. Entre les «soutiens de la première heure» et les «alliés du 15 août», elle se heurte à des luttes de positionnement. Entre les chantres de la «revendication de la victoire du 27 août» et les tenants d’une participation aux législatives, elle se retrouve écartelée. Confrontée à des difficultés artificiellement entretenues, elle a du mal à impulser une dynamique politique consensuelle. Du coup, chacun de ses membres croit pouvoir en imposer aux autres, ouvrant la voie aux querelles d’égo et conflits de leadership. Systématiquement comparée au défunt Front de l’opposition pour l’alternance, la CNR semble promise au même destin. En tout cas, de nombreux observateurs n’hésitent plus à en prendre le pari.
Le silence complice des uns
Au fond, la gouvernance de la CNR n’a pas toujours été de nature à rassurer ou à resserrer les liens. Une communication brouillonne et trop régulièrement dirigée contre certains alliés, une structuration peu aboutie, une reddition des comptes inexistante : toute l’organisation interne a contribué à laisser à de nombreux membres le sentiment d’être frappés d’ostracisme ou d’être devenus indésirables. Affirmant œuvrer à la «restauration de la victoire», de nombreux activistes n’ont pas hésité à agonir d’injures les partisans d’une participation aux législatives, les accusant même de collusion avec le pouvoir sans en apporter la moindre preuve. Casimir Oyé Mba, Guy Nzouba-Ndama, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, Alexandre Barro Chambrier et Zacharie Myboto ont ainsi été traités de tous les noms d’oiseau dans l’indifférence de leurs alliés. Le Secrétaire exécutif de l’Union nationale (UN) n’a-t-il pas récemment dénoncé le «silence complice des uns» ? N’a-t-il pas mis à l’index une «cabale sur les réseaux sociaux, alimentée par des procès d’intention» (lire «Invectives de la diaspora contre Myboto») ? On ne reviendra pas sur les attaques ad hominem et la violente campagne menée sous couvert de sensibilisation en faveur du boycott. La vice-présidente de l’Union pour le progrès et la liberté (UPL) n’a-t-elle pas récemment accusé Michel Menga de n’avoir rien fait pour le département de la Noya ? On passera sur les rumeurs relatives au versement d’argent en contrepartie du désistement d’autres candidats. Même s’ils clament agir en toute indépendance, «Résistants», «soutiens de la première heure» et internautes n’ont pas toujours aidé à créer un climat de confiance et de sérénité. Bien au contraire, ils ont suscité méfiance et suspicion au sein de la CNR.
Comment prévenir de futures défections ? Chacun étant encore libre de ses choix, tout peut arriver. Dans ces cas-là, il y aura toujours des fiers-à-bras pour lancer des anathèmes et minimiser l’apport des autres à la dernière présidentielle. Il se trouvera encore des procureurs du dimanche pour prononcer des excommunications ou jouer aux pères la vertu. N’empêche, exiger davantage de transparence, de responsabilité, de respect mutuel, de sincérité et de solidarité n’a rien d’illégitime. Surtout en cette période d’exception où la Constitution est unilatéralement complétée, au gré des intérêts du pouvoir (lire «Une décision politique et non juridique»). En août 2016, il fallut toute la force de persuasion de Zacharie Myboto et toute l’abnégation de Guy Nzouba-Ndama et Casimir Oyé Mba pour parvenir à une candidature unique, prélude à la CNR. La crise institutionnelle actuelle (lire «Un capharnaüm indescriptible») ne mérite-t-elle pas de tels sacrifices ?