Quatre des principaux partis de la CNR ont affirmé leur intention de prendre part aux législatives à venir. Malgré la campagne menée par certains de leurs amis et en dépit des incertitudes sur la place ou le rôle de Jean, ils prétendent œuvrer au déploiement d’une stratégie inédite.
Quatre des principaux partis de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) ont déjà affirmé leur intention de prendre part aux législatives à venir (lire «Nzouba-Ndama-partant» et «RHM partant»). Affirmant ne pas vouloir laisser au PDG une quelconque liberté de mouvement, ils se disent déterminées à y aller dans la cohésion, le soutien mutuel et la discipline de groupe. Contrairement aux anathèmes et commentaires peu amènes entendus çà et là, ils affirment demeurer fidèle à l’esprit de la dernière présidentielle. Autrement dit, malgré la campagne menée par certains de leurs amis (lire «Neuf partis de la CNR non partants»), en dépit des incertitudes sur la place ou le rôle de Jean Ping (lire «Le statut du commandeur»), ils prétendent œuvrer au déploiement d’une stratégie inédite. N’empêche, ils doivent compter avec le travail de sape des tenants du non. Peu importe la pertinence de leurs arguments, ces derniers n’en démordent pas : les législatives à venir ne seront en rien différentes des précédentes.
Lecture émotive et superficielle de l’histoire
Si elle peut se soutenir, cette assertion peut facilement être invalidée. Après les expériences de 90, 96, 2001, 2006 et 2011, l’on dispose d’assez d’éléments factuels pour une analyse circonstanciée. D’emblée, deux constats s’imposent : autant l’opposition n’a jamais abordé les législatives en rangs serrés, autant elle n’a jamais eu des prétentions sur la totalité des sièges. Loin de vouloir absoudre le Parti démocratique gabonais (PDG) de ses fautes, il y a lieu de rappeler une vérité historique : les principaux partis de l’opposition se sont toujours livrés une farouche concurrence. Dans bien des cas, ils ont fait montre de naïveté voire de duplicité : en 1990, sur les 48 sièges restés en jeu sur la dernière ligne droite, le PDG en gagna 10 sans combattre, grâce au boycott initié par le Morena des Bûcherons. Même si d’aucuns cherchent désormais à en minimiser l’impact, cela lui permit d’obtenir une majorité de 63 sièges. Or, si les ambitions sont allées decrescendo au fil des scrutins, les collusions sont devenues plus pernicieuses. Faut-il raviver le souvenir du jeu de cache-cache du Rassemblement pour le Gabon (RPG) aux législatives de 96 ? Doit-on évoquer son basculement dans la majorité à compter de 98 ? Est-il nécessaire de revenir sur le boycott de l’UPG en 2011 ? Est-il utile de rappeler l’effondrement continu du PGP à partir de 96 ? Si la création de l’UGDD apporta du nouveau, ce parti présenta 72 candidats aux législatives de 2006, loin devant l’UPG, pourtant dirigée par le leader de l’opposition.
En absence de données concrètes, le débat est forcément biaisé. Or, des demi-vérités ne peuvent soutenir une position politique. Pour une meilleure appréciation, il faut se pencher sur les dynamiques internes à l’opposition et la distribution de ses candidats. Avant d’asséner leurs certitudes, les tenants du boycott gagneraient à relire l’histoire. Au lieu de s’adonner à une lecture superficielle des événements, ils devraient décortiquer les précédents scrutins. Même s’il est plus commode de jouer sur les émotions, on ne saurait gagner en crédibilité en débitant approximations et contrevérités. Jouer les Cassandre en prédisant une Bérézina à l’opposition revient à faire comme si, dans le passé, elle a pu présenter 120 candidats uniques sur l’ensemble du pays. Se poser en apprentis sorciers en appelant à un boycott passif équivaut à refuser de tirer les leçons des précédentes élections, notamment celles de 2011.
Investir 143 candidats uniques
Aux législatives, le montage du meccano n’est pas de tout repos. Sur chaque siège, il faut trouver un candidat rassembleur, stratège et crédible. Sans faux fuyant, il faut bien admettre la complexité de cette tâche. Grâce à ses liaisons incestueuses avec l’appareil d’Etat, seul le PDG y est parvenu à ce jour. Dans un tel contexte, une seule voie s’offre à l’opposition : la mutualisation des forces. Les Démocrates, le Rassemblement Héritage et Modernité, l’Union nationale et l’Union et Solidarité semblent l’avoir compris. Faut-il les blâmer ? Doit-on les dissuader ? Quand bien même la fraude et la partialité des institutions ne peuvent être minimisées, les victoires du PDG se sont aussi construites sur les insuffisances de ses adversaires. A bien des égards, elles ont été rendues possibles par des jeux de dupes, querelles de clochers et lutte d’influence au sein des forces du changement.
Convaincus de la nécessité de rompre avec les errements du passé, Guy Nzouba-Ndama, Alexandre Barro Chambrier, Zacharie Myboto et Jean de Dieu Moukagni-Iwangou misent désormais sur la dynamique unitaire. Se voulant pragmatiques, ils ont mis en place un groupe de travail dédié (lire «L’esprit du 15 août»). Désireux de se donner une chance de parvenir à l’alternance, ils espèrent investir 143 candidats uniques sur autant de sièges à pourvoir. En tous points, leur stratégie est une innovation de taille, une première en 26 ans. Conscients du caractère novateur de cette option, les chantres du boycott espèrent la voir faire long feu. D’où les anathèmes et excommunications lancés à tout-va. Jusqu’à quand ? Ne faut-il pas en finir avec les demi-mensonges ? Peut-être le moment de remettre les pendules à l’heure.