Le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, Alain Claude Bilie By Nze a lu mardi dans une conférence de presse une déclaration qui cloue au pilori Veolia, le désormais ancien partenaire du Gabon dans la distribution de l’eau et de l’électricité.
Dans sa déclaration, Alain Claude Bilie By Nze attaque le groupe français qui a engagé, selon lui une communication agressive contre le Gabon, sur les dossiers des investissements ces 20 dernières années, l’épineuse question de la dette qui aurait plombée les comptes de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG, filiale gabonaise de Veolia) et enfin la pollution des rivières et lacs délibérément orchestrée par la société française sur plusieurs sites de pompage d’eau servie aux populations.
Voici l’intégralité de ce document :
Le Conseil des Ministres, en sa séance du vendredi 23 février dernier a pris acte de la présentation détaillée faite le Ministre de l’Eau et de l’Energie, Monsieur Patrick EYOGO EDZANG, au sujet de la situation de la SEEG, avec notamment la notification à Veolia :
– de la fin de la concession ;
– et de la réquisition de l’entreprise dans les formes prévues par la loi gabonaise afin de préserver l’intérêt public et assurer la continuité du service public de l’eau potable et de l’énergie électrique.
Notre prise de parole aujourd’hui vise deux principaux objectifs :
– premièrement, apporter des clarifications sur les communications des responsables de Veolia à l’endroit de l’Etat gabonais ;
– ensuite, édifier l’opinion nationale et internationale quant aux dégâts environnementaux constatés sur les sites de production de la SEEG avec un risque majeur sur la santé des populations
Clarification sur les communications des responsables de Veolia
D’abord, les responsables de Veolia disent ne pas avoir été notifiés par l’Etat. Il faut rappeler ici que ce sont les représentants de Veolia et de la SEEG qui ont quitté la table des négociations au mois d’octobre dernier.
Ensuite, ils évoquent une réquisition armée. Certes, les policiers étaient en uniforme mais pas armés. La présence des policiers relevait tout simplement de la procédure d’accompagnement d’un auxiliaire de justice, en l’occurrence, l’huissier de justice. Et aucune action ou violence physique n’a été relevé que ce soit à l’endroit des responsables de la société ou sur les employés.
S’agissant de la prétendue dette astronomique de l’Etat vis-à-vis de la SEEG, les responsables de Veolia prétendent que l’Etat est redevable à la SEEG d’une dette qui s’élèverait à 44 milliards au 31 décembre 2016. Or, dans le même temps, la dette de la SEEG vis-à-vis est, elle, estimée à 27 milliards.
Cette dette de la SEEG à l’endroit de l’Etat comprend :
– 9,6 milliards au titre des contributions spéciales en eau et en électricité ;
– 5,95 milliards au titre de l’impôt sur les sociétés ;
– 4,6 milliards de francs CFA au titre de l’achat de l’énergie auprès de la société de Patrimoine ;
– 4,1 milliards au titre de la TVA ;
– 2,8 milliards de francs CFA au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Au regard de ce qui précède, l’Etat a consenti à procéder à une compensation en cédant une partie de ses revenus. Aussi, après cette compensation et après prise en charge des intérêts, la dette de l’Etat vis-à-vis de la SEEG au 31 décembre 2016 s’élevait à 13,640 milliards.
C’est cette dette qui a donc fait l’objet de la convention d’apurement signée le 27 octobre 2017.
Durant le mois de février 2018, l’Etat a reçu de la part de la SEEG, un projet d’avenant à la convention d’apurement dans lequel la SEEG arrête le niveau des arriérés vis-à-vis de l’Etat à 24, 826 franc CFA et, curieusement, dans le même temps, la dette de l’Etat à l’endroit de la SEEG s’élève aussi à 24,826 milliard. Nous arrivons donc à une somme nulle.
Reste donc les 13 milliards de francs évoqués plus haut et qui correspondraient aux consommations de l’Etat.
Toutefois, au regard de la légèreté présentée dans la facturation des consommations de l’Etat en eau et en électricité, le gouvernement a demandé que cette dette soit auditée.
Il y a en effet, de fortes craintes que ce montant ne soit pas totalement justifié.
S’agissant de l’investissement, force est de constater que l’Etat a une fois de plus soutenu l’investissement de cette structure dont, sans être actionnaire de la SEEG, l’Etat a consenti d’importants investissements.
Ainsi :
– En 2001 : l’Etat a procédé à l’électrification dans la province de l’Ogooué Lolo à partir du réseau interconnecté de Poubara, avec près de 300 km de ligne d’interconnexion en moyenne tension et l’électrification des villages traversés par le réseau ;
– De 2002 à 2008 : l’Etat a réalisé des créations et des extensions des réseaux tant dans le secteur de l’eau que de l’électricité, dans le cadre des fêtes tournantes ;
– Depuis 2008, l’Etat à procédé au lancement des grands travaux structurants :
– du grand Poubara qui est actuellement en exploitation ;
– du projet de sécurisation du réseau électrique à Libreville ;
– de la construction des centrales électriques d’Alenakiri à Owendo et du Cap Lopez ;
– de fourniture et à la pose de canalisation de DN1200 et DN1000 ainsi que la construction des réservoirs associés.
L’ensemble de ces investissements est estimé à plus de 800 milliards de francs CFA.
Par ailleurs, l’Etat a consenti à réaliser et à faire réaliser plusieurs investissements sous forme de subvention d’équilibre accordée au concessionnaire, notamment :
– une subvention d’équilibre de 11,8 milliards en 2007 ;
– une subvention d’investissement de 13 milliard en 2009 pour la réalisation des travaux d’urgence ;
– une hausse tarifaire exceptionnelle de 14,9 %. Cette hausse tarifaire a généré tout de même depuis 2009, 160 milliards pour au départ soutenir le programme d’investissement de la SEEG, avant d’être distribuée sous forme de dividende aux actionnaires.
Au total, l’Etat a consenti à près de 1.000 milliards de francs CFA d’investissement contre à peine 340 milliards de la part de Veolia.
Aussi, en l’absence d’une réelle volonté de la part de Veolia, principal partenaire de l’Etat, en vue d’améliorer la qualité des services et des investissements, l’Etat n’avait pas souhaité renouveler le contrat de concession de Veolia, du moins pas dans la même forme et la même durée, du fait des déséquilibres constatés entre les investissements de l’Etat et ceux de Veolia, ainsi que la dégradation continue de la qualité de service et des investissements.
Du reste, la reconduction du contrat de Veolia sur cinq (05) ans avait pour objectif de faire un audit général pour examiner tous les aspects de la concession, avant de déterminer un nouveau mode de gestion.
Aussi, l’avenant n° 8 définissait les modalités de transition du modèle de gestion actuel qui est une délégation de service public de type concession à celui d’affermage. Dans ce contexte, les parties se sont engagées à négocier de bonne foi pour faire aboutir et formaliser ces négociations avant le 1er novembre 2017.
Lesdites négociations devaient conduire à l’élaboration de l’avenant n° 9 actant le réaménagement de la convention par la définition des nouveaux engagements des parties (indicateurs de performance, périmètre d’action des entités SEEG et Société de Patrimoine, redevance d’usage dues par la SEEG, etc.)
Toutefois, lors d’une réunion y afférente dans le cadre des négociations, la SEEG s’est retirée de la table des négociations arguant de la dette impayée de l’Etat et des désaccords inhérents à la gouvernance du secteur.
Au regard de l’interruption des négociations sus évoquées, et du dépassement des délais prévus dans l’avenant n° 8, l’échec des négociations a été acté par le gouvernement.
De l’aspect environnemental
L’autre aspect important, ce sont les constats faits par la mission de la Direction Générale de l’Environnement mandatée par le gouvernement en présence des responsables de la SEEG.
De ces constats, il ressort :
– le non respect de la réglementation en matière de gestion des déchets des hydrocarbures par la SEEG ;
– le non respect des déchets sur les sites où l’on observe des déversements des huiles dans la nature.
On assiste à une pollution à outrance à Lambaréné, où les hydrocarbures sont déversés directement dans l’Ogooué, à l’endroit exacte où la SEEG prélève l’eau destinée à la consommation des ménages. Il en est de même à Ndjolé où l’Ogooué sert de réceptacle des huile et gasoil évacués de la Centrale SEEG.
A Mitzic et à Oyem, les lacs et rivières sont sauvagement pollués.
Ces constats appellent à prendre des mesures urgentes dont l’application du principe de pollueur-payeur et la diligence d’une enquête.
On constate également que la SEEG ne dispose pas d’équipements appropriés pour le traitement des déchets des hydrocarbures.
Il s’agit là d’une situation très grave car, à ce stade, outre les dégâts environnementaux évidents, nul ne sait les conséquences que cette pollution a pu avoir ou peut avoir sur la santé des populations.
Des enquêtes vont donc être menées pour établir les niveaux de responsabilités d’une part, et d’autre part, les niveaux de risque et de danger pour les populations.
Outre les sanctions que prévoit la loi, et qui peuvent aller jusqu’à 500 millions de francs CFA par site pollué, l’Etat va faire appliquer le principe du pollueur/payeurs pour emmener Veolia à dépolluer les sites et à procéder aux réparations indispensables.
Cette situation concerne la quasi-totalité des sites exploités par la SEEG sur l’ensemble du territoire national.
De nombreuses questions se posent à ce stade et qui attendent des réponses claires :
– Veolia, entreprise française spécialisée entre autre, dans l’environnement, pouvait-elle se permettre de tels comportements sur des sites de production en France ?
– Les autres actionnaires de la SEEG étaient-ils au courant de cette situation ? Si oui, pourquoi n’ont-ils pas alerté les autorités ?
– Les actionnaires gabonais étaient-ils au courant de la dégradation continue du service, et de la pollution par Veolia des sites d’exploitation, y compris la pollution des lacs, rivières et de l’Ogooué à l’endroit exacte où se trouve la station de pompage des eaux destinées à la consommation des ménages ?
– Quid de la position des ONGs de défense de l’environnement ? Etaient-elles au courant ? Si oui, pourquoi ce silence ?