De passage sur les écrans de la télévision Africa24 pour la promotion de sa dernière publication «Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadhafi ?» l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping a encore gagné en virulence et a laissé entrevoir quelle est sa stratégie actuelle.
Au fil des jours, la population gabonaise en particulier et le monde entier en général apprend à partager les confidences du néo-opposant Jean Ping. Mais également à pénétrer le ressentiment qui l’habite actuellement à l’égard d’Ali Bongo Ondimba et de sa gestion du Gabon. En effet, lors de son passage à l’émission «Le Talk» de la chaîne de panafricaine Africa24, Jean Ping s’est encore livré à un nouvel étalage des déterminismes de sa nouvelle posture.
Pour l’ancien ministre gabonais des Affaires étrangères, le fait d‘avoir permis ou aidé Ali Bongo Ondimba d’accéder au pouvoir qu’«il voulait à tout prix», se révèle aujourd’hui aux yeux de ceux qui lui ont facilitée l’équation, comme erreur dramatique qu’il faut absolument corriger. D’où sa décision de rompre toute relation avec le régime en place. «Lorsque vous voyez votre pays sombrer, aller à la dérive économique, à la dérive politique et nous orienter même vers la guerre civile, je pèse mes mots, qu’est-ce qu’il faut faire ? Vous regardez ou vous dites holà !», a déclaré Ping.
Ironisant sur les attaques dont il a été l’objet depuis sa sortie du bois, Jean Ping a laissé entendre : «Si comme ils l’ont dit au départ, que ma déclaration était un épiphénomène, pourquoi déclencher la troisième guerre mondiale ? Pourquoi m’insultent-ils tant ? Pourquoi veulent-ils me tuer ? Pourquoi envoient-ils de Libreville à Bruxelles, des gens dont des casseurs pour venir perturber une réunion qui se passe à l’Union européenne ? Et le chef qui dirigeait ça, c’est l’ancien maire du 3e arrondissement, celui qui a délivré un faux acte de naissance au président».
En acceptant de porter sa part de responsabilité de la situation de crise dans laquelle le Gabon est plongé depuis plus de quatre ans déjà selon l’estimation du dissident PDG, celui-ci a indiqué sa responsabilité de changer ce système à travers une stratégie qui reste à définir avec l’ensemble de l’opposition gabonaise, reposant entre autres sur la «consultation et la fédération» de ses acteurs autour d’un combat commun : celui de sauver le Gabon. «J’ai décidé dans un premier temps de dire non je m’en vais, dans un deuxième temps, j’ai consulté et je continue à consulter toute l’opposition pour d’abord les fédérer, et pour qu’on ait une visibilité vis-à-vis de l’opinion publique gabonaise et internationale. Il faut fédérer l’opposition, le reste devient secondaire. Vous comprenez qu’on ne se lève pas comme ça un matin avec un drapeau en main en disant je suis Zorro, suivez-moi et les gens vont vous suivre. Il est nécessaire de discuter avec les gens, ceux du pouvoir comme ceux de l’opposition pour savoir comment nous pouvons sauver notre pays qui va à la dérive. Et à partir de ce moment-là, vous voyez avec l’opposition, vous vous concertez de manière à établir un programme commun, décidez de la vision que vous allez donner à notre pays et voir quelle constitution, quelle méthode pour arriver au pouvoir. On ne cherche pas à remplacer un dictateur, un tyran par un autre tyran», indique Ping dans son interview.
Ping laisse donc entrevoir comment l’opposition pourra aborder la prochaine présidentielle gabonaise, tout en ne se faisant pas d’illusion quant aux stratégies du régime en place. L’homme a déjà sa petite idée de 2016. «Nous savons déjà comment le régime va procéder, comme il a procédé précédemment, il fera encore mieux. »
S’il a laissé entendre qu’au Gabon «le budget de l’État est considéré comme une affaire personnelle», le quasi gendre d’Omar Bongo indique un peu quel dispositif il entend suggérer à l’opposition d’employer : «Pour cela, il nous faut d’abord des observateurs, internationaux en nombre suffisant qui ne viendront pas seulement surveiller un ou trois bureaux, mais qui couvriront tout l’espace national. Il nous faudra des observateurs africains, les observateurs français et européens, il faut qu’on assure la transparence des élections, la transmission des données des élections, c’est-à-dire le résultat obtenu dans chaque bureau de vote doit être instantanément connu à la radio ou à la télévision pour que chacun puisse connaître les résultats. Ça limite les fraudes mais ne les empêche pas complètement», a-t-il conclu.
Une stratégie qui nécessitera absolument d’énormes moyens humains et financiers et qui semble oublier, ainsi qu’on l’a vu en 2009, qu’au Gabon les entreprises de télécommunication peuvent être mises à contribution pour, justement, entraver la diffusion instantanée des résultats pour chaque bureau de vote. A moins que Jean Ping ne lance là qu’une FBI (Fausse bonne idée) censée brouiller les pistes.