Appliquant un raisonnement critique à la situation politique du pays, le président du parti Les Démocrates a solennellement annoncé son intention de prendre part aux prochaines élections. Du coup, il a désinhibé les uns et les autres.
«La meilleure défense, c’est l’attaque», disent les experts en stratégie. Eprouvé en sport, en guerre ou en finance, cet aphorisme populaire vaut aussi en politique. Autrement dit, pour maximiser ses chances de succès, un leader politique se doit d’être proactif. Il doit avoir la faculté d’anticiper sur les événements. Longtemps à l’avance, il doit prévoir les réponses à apporter aux questions. N’ayant jamais fait mystère de sa volonté de prendre part aux prochaines élections législatives (lire «Nzouba-Ndama partant»), le président du parti Les Démocrates a toujours plaidé le réalisme. Ayant réitéré sa position le 10 janvier dernier, il a cherché à y ajouter une dose d’optimisme et une pincée de patriotisme. Peu importent les divergences d’appréciation, son plaidoyer a au moins eu un mérite : sortir le débat des chaumières et cercles fermés.
Stratégie réaliste
Depuis bientôt trois semaines, les prochaines législatives polluent l’atmosphère au sein de l’opposition. Dans l’entourage immédiat de Jean Ping, au sein de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) ou sur les réseaux sociaux, l’opportunité d’une participation est l’objet de toutes les analyses. Entre arguments d’autorité, lieux communs, erreurs fines ou approximations, tous les artifices rhétoriques de l’imposture y passent. Entre arguments d’ignorance, faux dilemmes, fausses analogies, rasoirs d’Ockham ou rasoirs d’Hanlon, les affirmations gratuites pleuvent. À fleurets mouchetés ou au bazooka, les échanges sont toujours passionnés. À mots à peine couverts ou de façon frontale, ils laissent entrevoir une animosité naissante. De nombreux observateurs en arrivent même maintenant à se demander comment tout cela se terminera-t-il ou comment Jean Ping fera-t-il pour réconcilier les positions (lire «Querelles byzantines»).
À l’évidence, l’enchaînement des événements a rendu nécessaire la prise de parole d’un des principaux leaders de la CNR. Avec calme et méthode, Guy Nzouba Ndama s’y est plié. Avec rigueur et froideur, il a solennellement annoncé son intention de prendre part aux prochaines législatives. Fondant son discours sur les faits, il a essayé d’appliquer un raisonnement critique à la situation politique du pays. Quand bien même certains s’efforcent d’analyser sa sortie à l’aune de son histoire personnelle, il n’a manqué ni de lucidité ni de perspicacité. Même si d’autres ont tendance à réduire son initiative à une volonté de défendre des intérêts personnels, son point de vue se comprend et se soutient aisément. Sauf à faire preuve de mauvaise foi, personne ne peut nier la «situation de stagnation et de déprime actuelle». Au risque de se complaire dans une cécité préjudiciable, nul ne peut faire fi de l’effectivité du pouvoir, actuellement détenue par Ali Bongo. À moins d’opter pour des voies extraconstitutionnelles, pas grand monde ne peut faire l’impasse sur des législatives. Implicitement, le président du parti Les Démocrates a fait siennes ces assertions. En réponse, ses alliés de l’opposition lui doivent une stratégie claire, réaliste et partagée.
Clarification
Avec son coming out, Guy Nzouba Ndama a incontestablement donné un coup d’accélérateur au débat sur les législatives. Bon gré mal gré, il a fait bouger les lignes. Sur le fondement de confidences glanées çà et là, on peut s’attendre à voir d’autres leaders de la CNR lui emboîter le pas. L’activité politique de ces derniers temps conforte, du reste, cette impression (lire «On s’active à l’Union nationale» ou «RHM en campagne d’implantation»). Reste à savoir si les partisans de l’opposition accepteront de reprendre le chemin des urnes. Reste aussi la question essentielle : l’attitude de Jean Ping. Déjà, la teneur de son récent échange avec le président des Démocrates alimente bien des supputations. Si certains sectateurs n’hésitent plus à parler de «traîtrise», les événements incitent à la prudence. N’en déplaise aux adeptes d’épithètes, les principales forces de l’opposition semblent disposées à prendre part aux prochaines législatives. Malgré le manichéisme des tenants du messianisme, elles paraissent déterminées à y aller en rangs serrés, dans l’esprit du 27 août 2016. Après tout, n’ont-elles pas toujours proclamé leur détermination à parvenir à l’alternance par des voies démocratiques ?
Un peu plus d’un an après la présidentielle d’août 2016, le débat sur la participation aux législatives va sans nul doute permettre à l’opposition de clarifier sa stratégie. Faute d’en avoir pris l’initiative, Jean Ping se retrouve pris entre deux feux. Tout son art résidera désormais dans sa capacité à concilier des lectures divergentes. Pour avoir laissé croire en l’imminence de la prise du pouvoir, il ne peut militer pour une participation sans froisser certains de ses soutiens de la première heure. Or, ses alliés du 16 août 2016 prendront vraisemblablement part à ces élections. Du coup, il se retrouve confronté à un dilemme cornélien. Autrement dit, il est condamné à un choix difficile. Si cette clarification ne se fera pas sans déception, elle est essentielle à un examen de conscience. A maints égards, elle apparait comme le préalable indispensable pour sauvegarder sa stature. Peut-être une occasion de sortir de la posture politicienne pour entrer, enfin, dans la stratégie politique.