Résolument dans la même veine, le Dr Séraphin Moundounga revient, à travers la tribune libre ci-après, sur la révision constitutionnelle envisagée au Gabon. S’appuyant visiblement sur les cas d’Etienne Ngoubou et Magloire Ngambia, anciens ministres jugés comme simples citoyens, l’ancien Garde des Sceaux dissèque certains articles projetés donnant trop de pouvoir à la Cour constitutionnelle «qui s’invite à tous les repas en étendant, chaque fois, son champ d’action dans le chef des prérogatives de tous les pouvoirs», en vue de «neutraliser toute initiative visant à mettre en accusation, pour destitution, un Président de la République sortant qui porte lourdement des allégations importantes de violation de son serment depuis le 31 Août 2016».
Le monde entier le sait, et les rapports d’observation électorale l’attestent unanimement. Le Gabon est en situation de déstabilisation de l’ordre constitutionnel, depuis la nuit du 31 Août 2016.
Défiant une deuxième fois la communauté internationale et le peuple gabonais, le pouvoir sortant, de Libreville, au Gabon, vient de lancer une révision constitutionnelle par un Parlement dont la représentation nationale, l’Assemblée Nationale, est en période intérimaire, suite au report des législatives qui auraient eu lieu depuis un an, en décembre 2016.
Les dispositions soumises à révision, anticipent la débâcle électorale, du pouvoir sortant, aux législatives, pour dépouiller le Gouvernement et le Parlement des prérogatives garantes d’une démocratie effective, au profit d’un Président de la République davantage rendu tyran, notamment en matière de définition de la politique de la Nation et de désignation des principaux acteurs du concert interinstitutionnel du Gabon.
Cette révision ignore toutes les demandes de l’Union européenne dans le cadre de la procédure du dialogue politique intensifié, visant donner suite au rapport de la Mission d’observation électorale de l’UE. Elle porte atteinte à la Charte africaine de la démocratie, viole la Convention de l’ONU sur le droit des traités et viole la conditionnalité politique de l’Accord de Cotonou ACP-UE.
La révision constitutionnelle, en cours au Gabon, si elle n’est pas interrompue, est un grave recul démocratique (I) s’ajoutant à la déstabilisation de l’ordre constitutionnel d’août 2016 et en pleine crise de vérité électorale du dialogue politique intensifié et de procès en impartialité de l’observation internationale d’élections, enclenché par le pouvoir sortant, un nouveau défi lancé au peuple gabonais et à la communauté internationale(I).
Dans une grille d’analyse présentée en 4 cycles de lecture, le Dr Séraphin Moundounga, ancien Vice-Premier Ministre, Garde des sceaux et Président de l’ONG UNITÉ, démontre que la révision constitutionnelle envisagée au Gabon est :
– un recul démocratique et de l’Etat de droit, sectirisant la République ;
– une atteinte à la Charte africaine de la démocratie ;
– une violation du droit international ;
– une violation de la conditionnalité politique de Cotonou en plein dialogue politique avec l’UE ;
– un nouveau défi aux citoyens gabonais en passe de devenir des sujets du roi.
Cycle 2 : Une révision constitutionnelle pour un Etat de non droit.
S’il est expliqué que c’est pour mettre un terme à l’hybridité de la Haute Cour de Justice (HCJ), partagée entre assemblée de destitution du Président de la République et juridiction judiciaire des membres du Gouvernement et autres, qu’on a plagié le modèle français, force est de constater qu’on fait moins que la France et qu’on porte atteinte à l’Etat de droit.
En effet, s’il est justifié d’évincer le juge judiciaire de la HCJ, pour qu’il se concentre sur la Cour de Justice de la République (CJR) (1) l’omniprésence de la Cour Constitutionnelle, dans toutes les sphères de pouvoir, est une confusion des pouvoirs qui porte atteinte au principe central de l’Etat de droit, l’indépendance de la justice et son équité (2).
1 – Une éviction justifiée du juge judiciaire de la HCJ au profit de la CJR.
La Haute Cour de Justice ayant perdu sa compétence juridictionnelle d’application de la législation pénale dont le juge judiciaire est spécialement formé (a), son affectation à la Cour de Justice de la République (CJR) s’en trouve justifiée même si l’objectif est de légaliser la jurisprudence inique et anticonstitutionnelle d’une cour constitutionnelle qui prend la liberté de légiférer (b).
a -) La sortie de la matière pénale de la Haute Cour de Justice, justifie celle du juge judiciaire.
En prenant le modèle français des juridictions d’exception chargées de la mise en œuvre des privilèges de juridiction, le Gabon envisage confier à la Haute Cour de Justice la compétence unique et exclusive de connaître tout cas de violation du serment dont s’oblige le Président de la République.
Les compétences pénales dont elle est desservie sont alors transférées à la CJR, en même temps que le juge judiciaire qui en est spécialement formé.
En effet, conformément aux dispositions de l’article 67 de la Constitution gabonaise, en vigueur, la justice est rendue, au Gabon, par 4 ordres de juridictions, à savoir :
– l’ordre constitutionnel composé uniquement de la Cour Constitutionnelle, saisissable par voie d’action, par voie d’exception ou pour interprétation ; – l’ordre judiciaire se démembrant en Cour de cassation, en Cours d’appel judiciaires et en Tribunaux de Première instance, pour connaître des affaires civiles, commerciales, pénales et des requêtes ;
– l’ordre administratif, déployé en Conseil d’Etat, en Cour administrative d’appel et en Tribunaux administratifs, pour connaître des litiges portés vers cet ordre par des particuliers contre l’Etat et les autres personnes publiques, le CE étant, par ailleurs conseiller juridique du Gouvernement ainsi qu’interprète des textes législatifs et règlementaires ;
– l’ordre financier, qui, en plus d’être conseiller du Gouvernement et du Parlement, en matière des finances publiques, est le juge des comptes publics (comptes administratifs et comptes de gestion) et peut à ce titre, juste mettre en débet des agents publics fautifs ; le côté pénal étant réservé au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles et compétent pour limiter leur l’exercice desdites libertés. Cet ordre financier est composé de la Cour des comptes et des chambres provinciales des comptes.
Si le juge constitutionnel n’a pas une école de formation qui lui est consacrée pour lui enseigner comment dire le droit constitutionnel et le droit électoral, chacun des 3 autres ordres a des magistrats spécialisés, exclusivement pour la branche, par une formation métier, à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM), pour dire, chacun, dans sa juridiction :
– à l’ordre judiciaire, essentiellement, le droit civil, le droit commercial, le droit social, le droit pénal et, plus ou moins, le droit des finances publiques ;
– à l’ordre administratif, le droit administratif ;
– à l’ordre financier, les finances publiques.
Cette formation, à l’école, lorsqu’elle était initialement mixte, permettait aux anciens magistrats, pour la plupart à la retraite ou en voie de l’être, de servir aisément dans chacun de ces ordres.
Mais depuis la spécialisation, chaque Magistrat doit rester dans sa sphère de compétence, pour être efficace.
Ainsi, il demeure, que ce double transfert, des Magistrats professionnels et de la matière pénale, vers et pour la CJR, est une perfidie visant légaliser la jurisprudence inique de la Cour Constitutionnelle qui a rendu compétent le juge de droit commun pour connaître des affaires relevant d’une juridiction d’exception.
b -) Un transfert, des matières pénales et du juge professionnel, à la Cour de Justice de la République, légalisant une jurisprudence inique.
Si la Haute Cour de Justice, en vertu de l’article 79 de la Constitution en vigueur, n’est tenue, des incriminations criminelles et délictuelles ainsi que des peines applicables, contenues dans la législation pénale nationale, que pour les affaires ne concernant pas le Président de la République1, car le Président de la République n’est pas pénalement responsable, l’argument est suffisant, pour justifier le transfert du juge judiciaire et de cette compétence à la Cour de Justice de la République, par les préconisations de l’alinéa 2 de l’article 81 nouveau du projet de révision constitutionnelle2.
Mais, en réalité, l’article 81 nouveau vise régulariser l’imbroglio politico-juridique qui accable le monde politico-judiciaire gabonais, suite à la traduction, devant des juridictions de droit commun, pour des allégations relevant de l’exercice de leurs fonctions, d’un ancien membre du Gouvernement et d’un autre, sorti, à dessein, du Gouvernement et leurs collaborateurs arrêtés, au choix, pour en faire, avec eux, des boucs émissaires suffisamment publicisés, aux fins d’oublier, en vain, le conflit post électoral et le carnage humain et atrocités commencés depuis le 31 août 2016.
En effet, en vertu de l’article 78 alinéa 5 de la Constitution3, les membres du Gouvernement, comme les Présidents et Vice-présidents des institutions et le V.P.R., « sont pénalement responsables devant la Haute Cour de Justice, des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions » si ces actes sont « qualifiés de crime ou délits » en précisant « au moment où ils ont été commis».
Le dernier membre de phrase de cet alinéa 5 de l’article 78 ajoute que la compétence de la HCJ, en pareilles circonstances, s’étend à « leurs complices et co-auteurs en cas d’atteinte à la sûreté de l’Etat » 4.
Mais, comment réunir la Haute Cour de Justice, sans risques, étant donné que sa composition, en plus des 7 Magistrats professionnels désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature, sur 13 membres, comprend 7 Parlementaires choisis « au prorata des effectifs des groupes parlementaires » en vertu de l’article 80 5.
Premier risque, si du côté de l’Assemblée Nationale, c’est une chambre monocolore, au Sénat, l’opposition étant fortement représentée, des Sénateurs de l’opposition seraient présents au sein de la juridiction d’exception et, découvriraient les vrais auteurs du marasme multiforme et scandaleux, du pays, lorsque les 2 anciens Ministres, leurs collaborateurs et leurs avocats, dénonceraient les vrais responsables et démontraient leur innocence. Le complot se retournerait alors contre les instigateurs de cette désignation des boucs émissaires qui tentent, heureusement en vain, de calmer la tempête post-électorale.
Deuxième risque, comment réunir une Haute Cour de Justice, sans la discréditer, si elle ne se penche que sur des cas choisis, sans aller chercher ceux qui seraient dénoncés durant le procès, ni remonter jusqu’au sommet de la pyramide des déviances, quand on sait que l’adage dit : « c’est en prospectant la tête d’un poisson qu’on veut acquérir ou d’un serpent que l’on veut consommer, qu’on s’assure de la fraîcheur ou du degré de putréfaction d’un tel approvisionnement »?
Enfin, troisième risque, comment s’assurer, dans un contexte de contestation généralisée et/ou explosive et permanente, de la gouvernance des autorités sortantes, sous la coupe réglée des Agences placées sous l’autorité directe du Chef de l’Etat, que les Députés et les Sénateurs du PDG et alliés, accepteraient, tous, de cautionner, à la Haute Cour de Justice, ce complot de la technique antique du bouc émissaire ?
C’est pour contourner tous ces risques que les juridictions de droit commun sont rendues compétentes, pour connaître ces affaires, par la décision de la Cour Constitutionnelle qui est, pourtant, bien consciente d’avoir violé la Constitution, étant donné qu’elle est nourrie, éclairée, par la jurisprudence française, s’agissant du jugement des anciens membres du Gouvernement, et leurs collaborateurs, en France, par la CJR française, dans l’affaire du sang contaminé6 et celle de l’arbitrage Bernard Tapie7.
C’est donc pour légaliser cette jurisprudence inique, que si l’alinéa 2 de l’article 81 nouveau de la révision, envisage conférer à la CJR, la compétence de juger le VPR, les Présidents et Vice-présidents d’Institutions ainsi que les membres du Gouvernement et ceux de la Cour Constitutionnelle8, il est immédiatement rectifié, à l’alinéa 3 du même article 81 nouveau, que la CJR n’est pas compétente pour juger, ces personnalités, pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, dès l’instant qu’elles cessent d’exercer de telles fonctions9.
Cette disposition, fait ainsi perdre, à la loi, son caractère général et son caractère impersonnel, puisqu’elle vise un cas ad ‘hoc, des affaires pendantes devant les juridictions.
Et, comme les lois d’organisation judiciaire rétroagissent, au même titre que les lois pénales de forme et les lois de procédure, il en résulte que les dispositions organisationnelles portant sur la HCJ et la CJR ainsi que l’article 81 nouveau, alinéa 3, seraient d’applicabilité rétroactive si la révision constitutionnelle n’est pas endiguée, pour que la manipulation du pouvoir judiciaire cesse et, surtout, que l’Etat de droit ne soit affecté, davantage, notamment par une Cour Constitutionnelle qui s’invite à tous les repas en étendant, chaque fois, son champ d’action dans le chef des prérogatives de tous les pouvoirs, à un rythme effréné.
2 – Une présence effrénée de la Cour Constitutionnelle dans les compétences de tous les pouvoirs et qui affecte l’Etat de droit:
La présence envisagée de la Cour Constitutionnelle à la Haute Cour de Justice, est un nouvel empiètement du champ d’intervention du Parlement pour empêcher, toute destitution du Président de la République pour violation de son serment, depuis le 31 août 2016, en instituant un quasi-déni de justice total (b) en dépit d’une atteinte notoire à l’indépendance et l’impartialité de la justice (a)?
a –) L’impartialité et l’indépendance de la Justice menacées par l’entrée de la Cour Constitutionnelle à la HCJ.
Si le recours par voie d’exception n’est ouvert, aux justiciables, pour demander au juge de saisir la Cour Constitutionnelle, d’une exception d’inconstitutionnalité, que lorsqu’une affaire est pendante devant un tribunal ordinaire, au sens des dispositions de l’article 86 de la Constitution, il demeure que l’article 88 de la Constitution en vigueur, ouvre un droit de saisir la Cour Constitutionnelle, pour interprétation de la Constitution et d’autres textes à valeur constitutionnelle, à tout moment, au Président de la République, au Premier Ministre, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale et à 1/10e des Députés ou à 1/10e des Sénateurs.
Dans le silence de la loi, est-ce que le Président de la République, une fois mis en accusation devant la Haute Cour de Justice, peut saisir la Cour Constitutionnelle pour contester une lecture de la Constitution ou d’un autre texte à valeur constitutionnelle ayant un lien avec l’affaire en cours ?
Si l’on répond par l’affirmative, que feront alors les membres de la Cour Constitutionnelle qu’on veut affecter à la Haute Cour de Justice?
Si la Cour Constitutionnelle n’examine pas la saisine en interprétation, on sera là en présence d’un déni de justice en violation du principe d’Etat de droit édictant que tout justiciable doit avoir accès à la justice.
Si tous les membres de la Cour Constitutionnelle se retirent, un moment, même une heure, des heures ou des jours, de la Haute Cour de Justice en suspendant ses travaux pour aller à son siège examiner et délibérer sur la saisine en interprétation, avant de revenir siéger à la Haute Cour de Justice, celle-là fera figure hybride de juge et partie ou de confusion de juridiction, en violation du principe du droit à un procès équitable, par une justice impartiale et indépendante.
Dans tous les cas de figure, si l’on peut trouver un stratagème pour suspendre pendant le procès, le droit de saisine ouvert au Président en cause, en violation , cette fois-ci, du principe de la présomption d’innocence, le Premier Ministre, les Président du Sénat et de l’Assemblée Nationale, comme les Députés et les Sénateurs, peuvent le faire pour l’affaire pendante ; ce qui place la Cour Constitutionnelle devant la même dilemme de juge et partie, comme elle l’est déjà s’agissant des élections politiques, avec le pouvoir de nommer le Président de la Commission électorale tout en étant le juge du travail électoral du Président de la CENAP, avec les résultats et les conséquences que l’on sait ; la confusion et le chaos généralisés dans lesquels sont plongés le pays et le peuple depuis la présidentielle du 27 Août 2016 ; chaos qui a placé le Gabon, de façon inédite, au centre des crises en débat, à l’international, à Abidjan, en côte d’Ivoire, en fin novembre 2017.
Si déjà la Cour Constitutionnelle peine à justifier son existence en même temps qu’elle est devenue la cause du chaos gabonais, vouloir l’imposer aux Parlementaires dans le cadre d’une Haute Cour de Justice dont la compétence serait circonscrite à connaître tout cas de violation du serment présidentiel, cette initiative ne vise-t-elle pas paralyser cette institution quand on sait que là où on est allé copier le modèle, la Haute Cour de Justice française est exclusivement composée des Parlementaires et sa Présidence assurée par le Président de l’Assemblée Nationale ?
b -) Une intrusion de la Cour Constitutionnelle à la HCJ pour prévenir la destitution du Président de la République par les Parlementaires ?
Le Président de la République, en vertu de l’article 12 de la Constitution, en vigueur, s’engage, par son serment, entre autres, d’œuvrer « au bien du peuple gabonais » pour :
– « assurer son bien-être » ; 10
– « le préserver de tout dommage ».11
La violation de ce serment ouvre droit, au Parlement, d’engager la procédure de mise en accusation du Président de la République, devant la Haute Cour de Justice, en application de l’alinéa 3 de l’article 78 de la Constitution en vigueur.
Cette possibilité offerte par le Constituant, de traduire, devant la Haute Cour de Justice, le Président de la République, est une compensation de son irresponsabilité civile et pénale pour les actes d’exercice de ses fonctions.
En effet, en cas de carence notoire de sa part à œuvrer pour le bien du peuple et pour le bien-être de celui-ci ou en cas où il mettrait ce peuple en péril ou si son action, son inaction ou son omission, causerait, à tout ou partie du peuple, des dommages corporels, mentaux ou moraux ainsi la dégradation ou la destruction des biens de ce peuple, le pouvoir conféré aux Parlementaires, représentants du peuple, de destituer un tel Chef d’Etat, est une garantie protégeant le peuple en même temps qu’il protège la prévalence de l’Etat de droit.
Sans cette possibilité de procédure de destitution, le principe d’Etat de droit serait gravement affecté et le peuple lourdement exposé puisque l’irresponsabilité pénale et civile d’un Chef d’Etat le met hors de porté de toute application, à son encontre, de la loi pénale et de la législation civile ainsi que de toute possibilité de le traduire devant une juridiction de droit commun, qu’elle soit civile ou pénale.
Pour engager la procédure de destitution du Président de la République, il faut d’abord une mise en accusation par un vote de Parlementaires, à la majorité des 2/3, au scrutin public, en application de l’alinéa 3 de l’article 78.12
Une majorité des 2/3 est un gage de l’existence d’un consensus national quant à la violation du serment et à l’impérieuse nécessité de sanctionner et/ou de faire cesser cette violation.
Quant au scrutin voulu public, il s’agit d’une séance plénière ouverte au public, avec possibilité de médiatisation à l’attention du peuple et de l’opinion internationale, et non pas une réunion à huis clos, entre Parlementaires.
Quelle est alors la composition de la Haute Cour de Justice ?
Puisqu’elle est, jusqu’à nouvelle révision, compétente pour appliquer la législation pénale à l’encontre des personnalités autres que le Président de la République, tout en étant compétent pour destituer ce dernier, en vertu de l’article 7913, la Haute Cour de Justice du Gabon compte, en son sein, et aux côtés de 6 Parlementaires, 7 Magistrats professionnels dont 2 d’entre eux assurent sa présidence et sa vice-présidence.
Si dans le Projet de révision constitutionnelle, il est envisagé que les Magistrats professionnels soient transférés, ainsi que le contentieux pénal, à la Cour de Justice de la République (CJR) et que cela est justifiable, leur remplacement, par les 9 membres de la Cour Constitutionnelle, ne peut être justifié, à la HCJ.
En effet, il est déjà indiqué au point (a) ci-dessus, qu’en cas de demande en interprétation de la Constitution ou d’un autre texte à valeur constitutionnelle, la Cour Constitutionnelle serait juge et partie et cette situation affecterait, ainsi, l’impartialité de la Haute Cour de Justice.
En plus, comment une institution participant au processus électoral et proclamant les résultats électoraux dans une posture politico-judiciaire, peut-elle venir s’infiltrer dans une assemblée d’élus du peuple, peuple devant lequel ils sont responsables, parce que tenus de rendre compte, alors que la Cour Constitutionnelle, quoique rendant justice au nom du peuple gabonais, n’est ni représentante du peuple et n’a aucun compte à rendre au peuple ?
L’arrivée intrusive et massive de la Cour Constitutionnelle à la Haute Cour de Justice est-elle alors une anticipation des changements des majorités au sein des Chambres du Parlement pour neutraliser toute initiative visant à mettre en accusation, pour destitution , un Président de la République sortant qui porte lourdement des allégations importantes de violation de son serment depuis le 31 Août 2016 ?
Sinon, comment expliquer cette volonté effrénée d’une Cour Constitutionnelle qui s’invite à toutes les sauces ?
Elle nomme le Président de la CENAP et contrôle et juge le travail de cette CENAP (supra).
Elle s’invite à la Haute Cour de Justice par l’article 79 nouveau (supra).
Elle demande à l’article 12 nouveau que les Parlementaires soient exclus de la réception du serment présidentiel, pour en faire des simples figurants dont, seulement, la présence est requise, comme témoin de mariage sans droit de paraphe, tel que préconisé à l’article 12 nouveau ; un tripatouillage qui, non seulement voit le pouvoir judiciaire impacter gravement le pouvoir législatif au point de vouloir le remplacer, interroge l’avenir du pays.
En plus, l’article 12 en vigueur confère la réception du serment présidentiel, non seulement au Parlement et à la Cour Constitutionnelle, mais hiérarchise cette réception duale, par une priorisation qui cite, chronologiquement, celui-là avant celle-ci, en ses termes : « Lors de son entrée en fonctions, le Président de la République prête […] serment devant le Parlement et la Cour Constitutionnelle ».14
Voilà que celle qui était classée deuxième, par le Constituant, cherche non seulement à devenir première mais aussi à évincer purement et simplement le premier, les représentants du peuple, dans le cadre d’un serment qui n’est pas professionnel car le serment présidentiel est un engagement l’obligeant à être au service du peuple.
Il y a comme un arbre qui cache la forêt. Cet arbre qui cacherait la forêt serait-il qu’on redouterait un cas de figure où à l’issue d’une présidentielle anticipée tripatouillée comme celle de 2016, un Parlement à majorité tenu par l’opposition et qui ne cautionnerait pas une élection manipulée, refuserait d’aller recevoir, très prochainement, le serment d’un tel Président ?
Dans de telles circonstances, l’article 12 nouveau permettrait d’ignorer le Parlement sans que l’absence des parlementaires n’entache la légalité, la validité du serment ; ce que ne permet pas l’article 12 actuellement en vigueur.
La marche à reculons démocratique et de piétinement de l’Etat de droit est, ainsi, un défi lancé à l’Union africaine porteuse de la Charte africaine de la démocratie ; à l’ONU gardienne du droit des traités ; à l’UE liée aux États ACP, par l’Accord de Cotonou dont la conditionnalité politique ou démocratique engage à réaliser, chaque jour, des nouveaux progrès démocratiques et interdit déviations et recul et, même le simple stationnement ; le peuple gabonais, dont l’ordre constitutionnel souverainement choisi le 27 août 2016, serait davantage assombri et traînerait encore, un peu plus, à s’établir, étant aussi défié car, un rêve, comme celui du 27 août 2016, pour qu’il se réalise, il faut que ceux qui ont fait ce rêve le réalisent parce qu’un rêve ne se réalise pas par lui-même, un rêve doit être réalisé par son ou ses auteurs et, si nécessaire, avec le concours, mérité, des bonnes volontés.
Fait ce 02 décembre 2017
Le Dr Séraphin Moundounga
Président de l’ONG UNITÉ
_______________________________________________
1 Article 79 Constitution.
2 Article 81 projet de révision constitutionnelle. Supra
3 Article 78 alinéa 5. Constitution Gabonaise. Supra
4 Ibid.
5 Article 80 supra.
6 Affaire du sang contaminé : Dans l’affaire du sang contaminé, il a été publié en avril 1991, dans « l’hebdomadaire l’Evénement du Jeudi un article » dénonçant la contamination du sida à des hémophiles, suite à des transfusions sanguines du Centre national français des transfusions sanguines (CNTS), de 1984 à 1985. Après le jugement et la condamnation de 4 médecins français, entre 1992 et 1993, les membres du gouvernement, à l’époque proches de ce dossier, mais qui n’étaient plus au gouvernement au moment de la dénonciation, doivent être jugés, en 1999. Aussi, c’est devant la CJR qu’ils vont être présentés et jugés pour homicide involontaire et non pas devant un tribunal ordinaire ou juridiction de droit commun. Il s’agit de l’ancien Premier Ministre Laurent Fabius et des anciens Ministres Georgina Dufoix et Edmond Hervé, qui ont été tous jugés non coupables. fr.m.wikipedia.org , consulté le 01/12/2017.
7 Arbitrage Bernard Tapie : Dans l’affaire arbitrage Bernard Tapie, alors que Mme Christine Lagarde est devenue Directrice générale du Fonds Monétaire international, elle doit répondre, en justice, d’une affaire de 2007, au moment où Mme Christine Lagarde était Ministre française de l’Economie, affaire relative l’arbitrage Bernard Tapie / Crédit Lyonnais, arbitrage qui a attribué 400 millions d’euros au premier cité. C’est la CJR qui a connu cette affaire, en 2016, et non pas une juridiction de droit commun. Site: mobile.lemonde.fr consulté le 01/12/2017