Paru officiellement le 3 avril ainsi que l’atteste la Fnac , le livre de Jean Ping, «Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadhafi ?» laisse déjà entrevoir son contenu. Vraisemblablement, le Gabon n’y figure pas ou alors il devrait y occuper une place modique. Notes de lecture et synthèse de ce qui se dit autour de cet ouvrage qui s’annonce comme le «grand déballage de Jean Ping».
Annoncé depuis un bon moment, le livre «Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadhafi ?» de Jean Ping, est un essai qui, selon certains critiques, «déballe tout» sur les années pendant lesquelles l’auteur, ancien ministre gabonais des Affaires étrangères (1999-2008), a été témoin privilégié de l’histoire de l’Union Africaine (UA), notamment en tant de président de la Commission. Les thèmes abordés sont vastes. On part du panafricanisme, des faiblesses de l’UA, de l’intérêt des Chinois pour l’Afrique, entre autres, pour aboutir à la guerre en Lybie avec sa grande question «fallait-il tuer Khadafi ?». Autrement dit, cette guerre a-t-elle été nécessaire face à la négociation et au dialogue ?
Edité par les éditions Michalon, cet ouvrage, selon la présentation de l’éditeur, est «un essai aussi accessible que percutant qui nous fait prendre conscience de la situation problématique d’une Afrique pétrie d’espérances nourries par une indépendance et une dignité qu’elle a cru définitivement acquises, et qui se retrouve, quelques décennies plus tard, divisée en son sein, bousculée à l’extérieur, et presque revenue à la case départ».
L’ouvrage dont la sortie officielle devrait s’effectuer avant la fin du mois en cours, soulève, selon les critiques, les analystes et observateurs, de nombreuses questions concernant le fonctionnement de l’Afrique actuelle. Il s’agit singulièrement de ses Etats, des hommes qui la dirigent, mais aussi et surtout de ses institutions qui peinent à s’affirmer, de même de ses relations avec le reste du monde. Le conflit, ouvert en Lybie par l’Organisation du Traité nord atlantique (Otan) et qui ne cesse de se propager vers le reste du continent (Mali, Centrafrique,…) et qui a entrainé la mort de Mouammar Kadhafi, en est, à leurs yeux, la preuve patente.
Jetant un regard sur l’Union africaine, Jean Ping, selon ceux qui ont accédé au manuscrit, estime qu’elle n’est pas une organisation supranationale. Pour lui, au sommet de l’édifice se trouvent des chefs d’Etats qui tiennent tous à leur souveraineté et ne veulent en aucun cas en faire la moindre cession. Jean Ping aurait d’ailleurs proposé à la communauté internationale une démarche diplomatique pour régler la crise en Lybie qui n’aurait presque pas eu de soutien de la part de ces dirigeants.
C’est l’un des éléments qui impliquerait qu’il ne soit pas tendre à leur endroit d’autant qu’il les accuse de ne pas être, dans leur majorité, de «véritables panafricanistes». Le cas de Kadhafi est vite remis sur la table dans le sens où il relève que, contrairement à ces chefs d’Etats du continent, le chef de la Jamahiriya libyenne faisait avancer le panafricanisme, même si souvent c’était avec des moyens douteux.
Jean Ping brode autour de cette affaire et raconte les frasques de celui qui se présentait comme le «Roi des Rois d’Afrique». Mais il n’oblitère pas le fait que cela, ni les prises de position, ni même les décisions parfois incomprises de Mouammar Kadhafi n’auraient été synonymes de son arrêt de mort. «A l’ère des idéaux de justice internationale et d’actions humanitaires, il est impératif d’empêcher les atrocités de masse et de s’opposer aux idéologies tyranniques. Mais, pour y parvenir, la solution n’est-elle que militaire, le salut ne passe-t-il que par de lointaines expéditions punitives et des guerres humanitaires?», lit-on dans le résumé de l’Editeur qui explique par ailleurs que «Eclipse sur l’Afrique illustre avec force d’exemples comment le monde occidental veut imposer la supériorité de son modèle aux plus faibles et particulièrement à l’Afrique. Une doctrine de la canonnière préférée à la palabre, les armes à la négociation».
Le Livre s’étale longuement sur la période où son auteur occupait les fonctions de président de la Commission de l’UA. Jean Ping dira que l’occident a commis une erreur en «liquidant» Kadhafi car, à ses yeux, c’est bel et bien ce qui s’est passé : « il a été exécuté sans jugement. ». Pour aller plus loin, il dira que cette opération rappelle «les escadrons de la mort». Or, l’«objectif final était d’établir la démocratie en Libye».
Ping a eu à cohabiter avec le «guide». Il a participé à la médiation entre l’Otan et le régime de Tripoli. Et sans ambiguïté, il se demande si malgré tout, l’Otan devait-il lancer ses raids aériens alors que l’UA était sur le point de trouver un compromis dans le conflit libyen ? «Combien de morts sous Kadhafi, combien de morts sous les bombes occidentales ?» Cette stratégie à courte vue avec pour premier objectif la fin du leader libyen a déstabilisé l’ensemble du monde sahélien voire au-delà», note-t-on.
Au demeurant le livre de Jean Ping oriente vers des horizons où l’Otan aurait déjà pu intervenir puisque le cas de Kadhafi a été fondé sur une affaire de 300 morts. Or, il y a aujourd’hui l’Ukraine et la Syrie qui s’enlise. On parle d’ailleurs pour ce dernier de plus de 130.000 morts sans que personne n’ait entrepris une intervention militaire pour «faire le grand nettoyage». Le mot «néocolonialisme», a donc fait surface puisque rien ne prouve la seule bonne intention de l’Occident.
Les investissements chinois en Afrique semblent également déranger l’Occident et à ce niveau, l’on peut remarquer ce qui paraît comme un étonnement. Les occidentaux s’inquiètent alors qu’ils bénéficient des investissements chinois deux ou trois fois plus importants que ceux qui sont faits sur le continent. Le livre de Jean Ping, comme il le dit lui-même, envisage de rendre la vérité à l’histoire. Pour lui, in fine, le rôle de l’Union Africaine, de l’Afrique a été occulté.