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Révision constitutionnelle : Craintes pour la République
Publié le jeudi 5 octobre 2017  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
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Afin de prévenir les effets néfastes d’une cohabitation, l’exécutif a initié un projet de révision constitutionnelle. A première lecture, on peut tout autant craindre un changement de la nature du régime qu’une atteinte voilée à la forme républicaine de l’Etat.

Tout le monde a encore en mémoire la comédie d’août 2016. Personne n’a oublié la tragédie du 31 du même mois. La dernière élection présidentielle a définitivement consacré le refus du pouvoir en place de se soumettre au verdict des urnes. Les subterfuges utilisés pour ne pas organiser les législatives initialement prévues pour décembre 2016 n’y changeront rien : motivés par une argumentation spécieuse, les reports successifs traduisent une volonté de se maintenir au pouvoir hors de toute considération démocratique ou républicaine. Décidés par une Cour constitutionnelle manifestement acquise à une cause, ils soulignent une tendance à placer le droit au service d’ambitions personnelles et politiciennes. Issus d’élections pas toujours régulières, les pouvoirs exécutif et législatif se démènent pour demeurer en place à tout prix. Complice de ces forfaitures et voies de fait, l’autorité judiciaire y apporte sa caution, en contrepartie d’un traitement de faveur.

Entourloupe politicienne

Gênés par les règles classiques de fonctionnement d’une république, les trois pouvoirs veulent trouver des accommodements. A l’étroit face aux exigences de la démocratie libérale, ils militent pour des arrangements au gré de leurs intérêts. A la faveur du Conseil des ministres du 28 septembre dernier, l’exécutif a abattu ses cartes. Prenant prétexte des recommandations du Dialogue politique, il a annoncé son intention d’initier une révision constitutionnelle, la 24è depuis 1960. Concrètement, il a dit devoir revisiter les dispositions relatives à l’égal accès des citoyens aux mandats électoraux, au nombre de tours pour les élections présidentielles et parlementaires et, à la durée du mandat des sénateurs et membres de la Cour constitutionnelle. Il a également affirmé vouloir revoir le contentieux des élections locales, les missions de la Haute cour de justice, le rôle du Conseil d’Etat, le statut du Conseil national de la communication (CNC) et la dénomination du Conseil économique et social (CES). Surtout, il a fait connaître sa volonté de réorganiser les rapports entre le président de la République et le gouvernement en cas de cohabitation. Dans la foulée, il a indiqué son envie de donner une dimension nouvelle aux pouvoirs de contrôle du Parlement.

En absence du texte intégral soumis à la sanction du Conseil des ministres, toute analyse peut paraître risquée. N’empêche, afin de se faire une idée des motivations de l’exécutif, on peut comparer ses propositions aux recommandations du Dialogue politique. Pourquoi la recommandation relative à «la transformation de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat en hauts corps d’Etat» n’a-t-elle pas été prise en compte ? Pourquoi la révision du mandat de la Cour constitutionnelle ne reprend-elle pas l’intégralité des recommandations des assises d’Agondjé ? Pourquoi ne pas lui retirer les compétences sur le recensement et les actes réglementaires relatifs aux libertés individuelles ? L’exécutif lui reconnait-il une compétence particulière en démographie ? Si oui, sur quels fondements ? En quoi est-elle qualifiée pour protéger les droits civils et politiques ? Pourquoi ne pas toucher au mode de désignation de ses membres ? Fallait-il donner des gages ou s’assurer du mutisme voire de la complicité du juge constitutionnel ? Fallait-il se prémunir d’un débat sur le respect des instruments internationaux et principes généraux du droit ? Sur toutes ces questions et sur d’autres encore, l’opinion attend les explications de l’exécutif. Faute de s’y résoudre, un parfum d’entourloupe politicienne planera toujours sur ce projet de révision. Surtout, au regard du libellé du communiqué final du Conseil des ministres. Fallait-il préciser «en cas de cohabitation» pour définir les rapports entre le président de la République et le gouvernement ? La concordance majoritaire est la règle, la cohabitation l’exception. Pourquoi faut-il nécessairement légiférer sur l’exception ?

Modifier l’équilibre des pouvoirs

A l’analyse, ce projet de révision vise, en réalité, à prévenir les effets d’une éventuelle cohabitation. Dès lors, même sans avoir eu accès au texte intégral, on peut en deviner les principales modifications : rôle du Premier ministre dans la composition du gouvernement, pouvoir de révocation du Premier ministre ou du gouvernement, pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale, orientation de la politique gouvernementale, signature des ordonnances et décrets, véto présidentiel, contreseing ministériel sur les décrets, nominations dans l’administration ou les forces de sécurité et, initiative des lois. Essentiels à l’équilibre des pouvoirs, ces points permettent aussi de déterminer la nature du régime. Ils clarifient les rôles, aèrent la gestion quotidienne et facilitent une respiration de la vie politique. Au final, ils portent en eux les ferments d’une gouvernance démocratique. Dans bien des cas, ils ouvrent la voie à cette alternance tant redoutée par le pouvoir. L’exécutif entend-il ouvrir un débat national sur ces questions ? Rien ne permet de l’affirmer. Est-il disposé à rendre public son projet ? On peut en douter. Bien au contraire, tout laisse croire à la mise en œuvre d’une stratégie de la dissimulation, prélude à une adoption à la hussarde.

Adopté par le Conseil des ministres, le projet de révision constitutionnelle suscite bien des remous. Déjà, chez nos confrères d’Echos du Nord, le Collectif Gabon démocratie parle de «coup d’Etat constitutionnel». Pêle-mêle, il dénonce «la mainmise constitutionnelle du président de la République sur la hiérarchie institutionnelle», «l’immunité juridictionnelle (du président de la République)», «(le renforcement) du pouvoir de sanction (du président de la République)», « (une) justice présidentielle» et, «la négation des principes (…) (contenues) dans l’Accord de Cotonou». Pendant ce temps, les propagandistes du pouvoir se murent dans un mutisme éloquent voire inquiétant. Une attitude forcément contreproductive. Dans un contexte où le gouvernement tire sa légitimité de l’Assemblée nationale, revoir ses rapports avec le président de la République revient à modifier l’équilibre des pouvoirs. En clair, cela équivaut à réorganiser les relations entre l’exécutif et le législatif. Mieux, selon l’ampleur des modifications, cela peut induire un changement de régime. Est-ce le but recherche par l’exécutif ? On peut nourrir des craintes. Pourtant, fille naturelle de la Constitution française de 1958, notre Loi fondamentale a favorisé la mise en place d’institutions parées pour faire face à une éventuelle cohabitation. Sauf à opter pour un changement de régime voire une atteinte à la forme républicaine de l’Etat, ni la vassalisation du gouvernement, ni le musèlement de la chambre des députés ne peuvent, par conséquent, se justifier.
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