Le «disque dur» venu d’Angondjé fin mai dernier, comptait d’autres résolutions que celles annoncées jeudi dernier par le Conseil des ministres. Quelques données semblent avoir disparu. Enchevêtrements de la connexion ? Sans le dire, détricote-t-on déjà des actes adoptés de manière consensuelle au Stade l’Amitié sino-gabonaise en avril-mai 2017 ?
S’achemine-t-on vers une mise en œuvre molle ou partielle des actes d’Angondjé, alors que le 26 mai dernier, le chef de l’État s’était engagé à les appliquer dans leur totalité ? Le Conseil des ministres du 28 septembre dernier n’est pas resté fidèle à ce que le Dialogue d’Angondjé prévoyait. En effet, en plus des élections uninominales à deux tours, de la réduction de la durée du mandat des sénateurs de six à cinq ans pour une harmonisation avec le mandat des élus locaux, du rajout du mot «environnemental» à la dénomination du Conseil économique et social, du changement du statut du Conseil national de la communication devant devenir une autorité administrative indépendante, du changement de la dénomination de la Cenap en Centre gabonais des Elections (CGE) ou du mandat unique (9 ans) des membres de la Cour Constitutionnelle, Angondjé prévoyait de nombreux autres actes pour lesquels le gouvernement hésite visiblement à sauter le pas en vue de leur traduction dans le réel.
À la trappe le redécoupage des circonscriptions et la réduction du nombre de sénateurs
Où est, par exemple, passée la résolution portant augmentation du nombre de députés devant passer de 120 à 140-145 ? Que devient la réduction du nombre de sénateurs ? L’exécutif semble avoir reculé sur ces résolutions. Est-ce justement pour rassurer le Sénat sur ce recul qu’Ali Bongo a reçu, le mardi 3 octobre à la mi-journée, le président de cette institution, Lucie Milébou Aubusson Mboussou ? Certaines sources avancent qu’à cette occasion, le chef de l’État a félicité le président du Sénat pour sa réaction vis-à-vis du Parlement européen après la résolution de celle-ci quant à des sanctions ciblées suite aux violences post-électorales.
Ne se serait-il vraiment agi que de cela ? Le redécoupage électoral, présentée comme une belle idée pour rétablir une forme de justice sociale et démographique et sortir du «précariat» électoral ambiant est-il abandonné ? On pourrait «égrener à l’infini» ce type d’interrogations, mais à quoi bon, dès lors que nul ne peut y apporter des réponses ? À titre de rappel : le 4 septembre dernier, lors de la rentrée parlementaire, le président du Sénat n’avait pas manqué d’appeler le gouvernement à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul – une façon d’exprimer son mécontentement après la décision des «dialogueurs» de réduire le nombre de sénateurs et d’augmenter celui des députés. «Nous commençons à sentir le froid» avait lancé Lucie Milébou Aubusson Mboussou.
En toute logique, si l’augmentation du nombre de députés n’est plus d’actualité, le nouveau découpage électoral l’est par voie de conséquence. Ces points essentiels semblent avoir été laissés «sur le côté». Ces projets de réformes adoptés puis annoncés, à la présidence de la République, lors de la cérémonie de clôture du Dialogue politique ont donc visiblement été biffés ! En le faisant sans crier gare, l’exécutif renonce à des mesures emblématiques dans le processus de réforme électorale que lui proposaient les «dialogueurs d’Angondjé». Pour paraphraser Pierre-Claver Maganga Moussavou, le gouvernement n’est-il pas déjà en train de «détricoter» les actes d’Angondjé avant même leur mise en œuvre ?
En tout cas, le décalage entre les actes adoptés de manière consensuelle à Angondjé et les «choix chirurgicaux» opérés par le gouvernement se constate aisément. D’autant plus qu’à 80 jours de la fin de la session des lois au Parlement pendant lesquels les députés d’une part, et les sénateurs d’autre part, doivent examiner les projets de textes législatifs envoyés par le gouvernement, on voit mal l’exécutif envoyer d’autres projets de texte dans ce laps de temps. Le gouvernement a donc choisi la voie étroite du renoncement. Et le terrain semble lui être favorable…
Silence de PCMM et de RNO : une dynamique favorable au chamboule-tout
L’éviction d’une «grande gueule» comme Bruno Ben Moubamba du gouvernement, le manque de réaction des ministres tagués opposants comme Eyogo Edzang, Estelle Ondo ou Ndoutoume Ngome qui ont eux-mêmes réduit leur marge de manœuvre pour durer alors qu’ils auraient pu tenter d’enrayer cette logique délétère, tout comme le silence de Pierre-Claver Maganga Moussavou et de René Ndemezo’Obiang – qui figurent pourtant parmi les principaux artisans de ces actes – créent, pour le gouvernement, une dynamique favorable au chamboule-tout. Il peut dorénavant changer certaines donnes, en extraire d’autres, rejeter ce qu’il veut dans la panoplie des actes adoptés, il n’existe, face à lui, aucun «contrepoids». Peut-être qu’au fond ces résolutions n’étaient pour l’exécutif que de grands projets inutiles…
Toutefois, ce choix étriqué, cette voie étroite, ces «opérations chirurgicales» dans les actes d’Angondjé, ainsi que le maintien initial de la non-limitation du mandat présidentiel, ne peuvent nullement susciter crédibilité et confiance dans l’opinion. Et si demain, il y avait résurgence des foyers de la colère, que le gouvernement qui veut demeurer une machine qui marche à l’aveugle, ne s’en étonne pas.