Lancée par la ministre des Transports et de la logistique a annoncé, le 27 septembre, en vue de traquer les mauvais comportements et minimiser les accident de la circulation, la reprise des activités du Service contrôle routier (SCR) comporte trop d’aspects absurdes et ressemble étrangement à une quête effrénée d’argent… à racketter sur les automobilistes.
Ils combattaient le pouvoir, indexaient ses mauvais choix alors qu’ils étaient dans l’opposition. On aurait pu croire qu’ils apporteraient un souffle nouveau ou des idées pour améliorer ou faciliter la vie aux populations. Il n’en est rien, ainsi qu’on le constate aisément avec la dernière trouvaille d’Estelle Ondo, ministre des Transports et de la Logistique. Transfuge de l’Union nationale (UN) dont elle été exclue, celle-ci a lancé, le 27 septembre dernier, la reprise des activités du Service contrôle routier (SCR) avec des contraintes inédites venant «compliquer la culotte» aux populations, particulièrement aux usagers de la route.
Doublon de la Direction de la voie publique des Forces de police nationale dont l’action consiste en la surveillance de la voie publique et la régulation de la circulation routière avec ses contrôles quotidiens des automobilistes, le SCR va, selon le communiqué du ministère des Transports et de la Logistique, intensifier les contrôles sur la voie publique, en sus de ceux quotidiennement effectués par la Police. S’il est louable que soient exigés le port de la ceinture de sécurité, la présentation du permis de conduire, des documents afférents à la mise en circulation du véhicule ou ses documents requis pour l’exercice des activités du Transport Terrestre, de nombreuses exigences d’Estelle Ondo préfigurent bien de tribulations pour les automobilistes quand certaines ne paraissent pas absurdes ou pour le moins incompréhensibles.
Voleur qui crie au voleur : la fuite des responsabilités gouvernementales
A titre d’exemple, les hommes d’Estelle Ondo ne vont pas se gêner de demander aux automobilistes une visite technique de leurs voitures dans un pays où l’Etat n’entretien que mal les voiries, dans un pays où l’état des routes contribue énormément à endommager les voitures. Estelle Ondo fait donc comme si l’entretien du réseau routier ne tenait pas de son département et que le mauvais état des routes est de la faute des automobilistes.
Le SCR va également surveiller le respect de la limitation de vitesse aux abords des établissements scolaires alors que le département ministériel d’Estelle Ondo devrait d’abord s’atteler à l’installation des panneaux de signalisation à cet effet ou même de dos-d’âne sur les voies bordées par des établissements scolaires. A qui incombe la signalisation de la limitation de vitesse ? On ne saurait rejeter la faute sur les autres, un peu comme un voleur qui crie au voleur. De même, le communiqué du ministère des Transports et de la Logistique demande de sanctionner les stationnements abusifs et prolongés sur la voie publique, alors qu’il est du devoir du gouvernement de construire des aires de stationnement. On note que le pays continue de se construire sans parkings, sous le regard impassible du pouvoir promoteur de l’émergence. Dire que le débat actuel dans une vieille ville comme Paris en France porte notamment sur la construction de plus de 40.000 places de parking. Cela est-il impensable au Gabon ?
«La non présentation de la carte grise, de l’attestation d’assurance, du permis de conduire et de la visite technique entraîne automatiquement une immobilisation temporaire du véhicule», indique le ministère des Transports. Où donc va-t-on parquer les véhicules immobilisés ? Transformée en fourrière, la place de l’Indépendance à Libreville étant déjà saturée, il convient d’entreprendre la construction de véritables fourrières dans les grandes villes du pays. Toutes choses qui devraient constituer de beaux chantiers pour la ministre des Transports, prompt à la sanction mais bien myope au sujet de la responsabilité de son département et partant du gouvernement. Estelle Ondo n’a-t-elle pas parlé, dans une récente interview au quotidien L’Union, de transversalité gouvernementale pour certains projets ?
Extincteur contre le drame de Kango et pratique illégale de la médecine
Le SCR va exiger des extincteurs aux automobilistes. On en convient, mais un extincteur aurait-il suffi pour prévenir et éviter les 6 morts et 10 blessés de l’incendie accidentel d’un bus à Kango, le 15 septembre dernier ? De nombreuses voitures brûlent régulièrement à travers le pays sans que l’usage l’extincteur ne puisse arrêter les flammes. De même, par l’exigence d’une trousse de premier secours le gouvernement en vient à cautionner la pratique illégale de la médecine. Même si cette exigence date d’avant son entrée au gouvernement, Estelle Ondo de qui ont aurait pu attendre quelques réajustements, ne sait-elle donc pas qu’il est interdit à toute personne n’ayant pas un brevet de secouriste de secourir un accidenté ? La Croix-Rouge et le corps médical ne l’ont-ils pas assez répété ? Ou alors va-t-elle bientôt exiger que tout chauffeur ait un brevet de secouriste ?
De même, alors qu’il n’est pas doté de la technologie idoine, le SCR va contrôler «l’alcool au volant», alors même qu’aucune loi n’a été adoptée à cet effet au Gabon. En France, notamment, dont on s’est inspiré à coup sûr, une loi autorisant le dépistage, par l’air expiré, de l’imprégnation alcoolique des conducteurs lors d’infractions graves (alcootest) – uniquement lors d’infractions graves – a été adoptée depuis 1965 tandis que l’éthylotest n’a été rendu obligatoire qu’en mars 2012 par un décret ne comportant d’ailleurs aucune sanction en cas de contrôle par la police ou la gendarmerie. Quelle loi encadre au Gabon le contrôle de «l’alcool au volant». Fait-on pour faire, comme on dit au quartier ?
Sanctions ou racket ?
Côté sanctions, le ministère des Transports et de la Logistique demande aux agents du SCR d’infliger «aux contrevenants les amendes prévues par les textes en vigueur. Le paiement de ces amendes devra être effectué, contre remise d’une quittance du Trésor Public, au guichet de la Perception des Recettes». Personne n’y croit et tout le monde sait que, même pourvus de carnet de contraventions, ces agents vont se lancer dans la négociation de gré à gré de l’infraction et que l’argent ainsi récolté ira directement dans les poches des contrôleurs. Mais sans doute aussi aux services du ministère, l’astuce est connue pour avoir été bien rodée par la Police dont les hiérarques empochent une partie du racket opéré dans les rues par les agents de la circulation. Les mises en garde d’Estelle Ondo aux «agents ripoux», lors d’un récent séminaire n’y feront rien. Chiche !
En proie à une disette financière, le gouvernement a entrepris de saigner la population et surtout les conducteurs automobiles déjà mis à mal avec l’augmentation, deux fois cette année, des prix de l’essence et du gasoil. Pour que l’opération lancée par Estelle Ondo après le drame de l’autobus de Kango, ne fasse plus penser à un racket, la ministre des Transports et de la Logistique devrait revoir sa copie. Il n’y a pas de honte à cela. Les populations, surtout les automobilistes, apprécieront.