Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment
Accueil
News
Politique
Article
Politique

Loi d’amnistie : Un grossier leurre
Publié le lundi 25 septembre 2017  |  Gabon Review
Comment


La dernière trouvaille du gouvernement suscite de nombreuses questions, notamment sur les preuves, l’indépendance des entités en charge de la défense des droits de l’Homme et l’impartialité de notre système judiciaire.

C’est la dernière trouvaille du gouvernement : une loi d’amnistie au bénéfice des auteurs des crimes commis durant les événements post-électoraux de septembre 2016. Défendue par le Premier ministre, cette idée suscite la colère et l’indignation de l’opposition (lire «Ils n’en veulent pas»). Même si son auteur l’a très peu développée, elle pourrait se résumer à une absolution pure et simple de certaines personnes. Autrement dit, sans concertation aucune, le gouvernement se donnerait le droit d’exonérer les fautifs de toute responsabilité, leur accordant le pardon au nom des victimes et de leurs familles. Surréaliste…

Au demeurant, cette proposition s’oppose à toute idée de justice. Elle heurte la morale et prend le corps social à rebrousse-poil. Sans recueillir l’avis des victimes ou de leurs familles, elle accorderait une immunité légale à des personnes triées sur le volet. À ce jour, la rumeur populaire accuse plusieurs agents des forces de sécurité, notamment de la police judiciaire et de la Garde républicaine (GR), d’avoir perpétré des tueries de masse (lire «Moukagni Iwangou accuse la garde républicaine»). Certains sont soupçonnés d’avoir pris part à l’assaut contre le quartier général de Jean Ping, dans la nuit du 31 août 2016. D’autres d’avoir semé la mort dans les quartiers durant des patrouilles. Régulièrement, les réseaux sociaux, voire certains confrères de la presse imprimée, livrent des noms de coupables présumés. Une loi d’amnistie les mettrait à l’abri de toute explication et de toute poursuite.

Le fait d’un souverain ?

Aux dires du chef du gouvernement, cette loi d’amnistie traiterait les situations «au cas par cas». Elle serait accompagnée d’une commission nationale chargée d’enquêter sur les violences post-électorales. Bien entendu, Emmanuel Issoze Ngondet n’en dit pas davantage. Il ne précise pas si cette loi sera prise au terme d’enquêtes ou avant. Il ne spécifie pas si elle consacrera l’existence de la commission ad hoc ou si les deux initiatives seront menées concomitamment. Le sait-il seulement lui-même ? On peut en douter. Est-il vraiment au clair sur cette question ? Rien ne permet de le croire. Pour l’heure, il affirme avoir évoqué la question avec les partenaires internationaux, notamment la Cour pénale internationale (CPI), se disant même disposé à laisser «la justice faire son travail».

N’empêche, de nombreuses questions demeurent. Fondamentalement, l’amnistie est le fait d’un souverain. Or, en république, le souverain c’est le peuple. Le Premier ministre entend-il soumettre son idée au peuple ? Par quel moyen ? Voie référendaire ou voie parlementaire ? Veut-il faire adopter sa loi d’amnistie par une Assemblée nationale controversée ? Ou espère-t-il plutôt recourir à la prochaine Chambre des députés ? Est-il seulement certain de pouvoir organiser les législatives d’avril prochain ? Comme on l’a vu en Tunisie, une loi d’amnistie réveille toujours les démons du passé. Elle est généralement perçue comme le signe d’une volonté de blanchir les errements et crimes passés. De ce point de vue, l’annonce d’un traitement «au cas par cas» est du plus mauvais effet. Si le gouvernement a de plus en plus de mal à cacher son désir de «tourner la page» de la présidentielle d’août 2016, sa stratégie est irréaliste : nulle part au monde, la paix et la stabilité n’ont éclos sur la justice à la carte ou le déni de justice.

1 100 personnes interpellées

Durant les émeutes post-électorales, de nombreuses personnes furent interpellées (lire «Vague d’arrestation à Port-Gentil»). Le gouvernement avança même le chiffre de 1 100 (lire «L’état des lieux selon Pacôme Moubelet-Boubeya»). Faute de preuves, elles ont toutes été remises en liberté depuis. Mieux, sauf secret de l’instruction, aucune d’elles n’est poursuivie à ce jour. Seule personne concernée par ces événements à être encore détenue à ce jour, Bertrand Zibi Abeghé fut arrêté durant l’assaut contre le quartier général de Jean Ping et non dans la rue (lire «Le cri maternel de Marie-Claire Mvoum à Ali Bongo»). Ses avocats parlent, du reste, d’«enlèvement» et de «séquestration» (lire «Sollicitation de la chambre des représentants américains»). Sauf à regarder du côté des forces de défense et de sécurité, on n’arrive toujours pas à se faire une idée des potentiels bénéficiaires d’une éventuelle loi d’amnistie. Du coup, certains n’hésitent plus à parler d’absolution des exécutants par les commanditaires. Plus prosaïquement, d’autres dénoncent une volonté d’autoamnistie.

En l’état actuel du dossier juridique et dans le contexte politique du moment, une amnistie est difficilement concevable. Sauf, bien entendu à ouvrir préalablement une enquête indépendante et impartiale. La commission proposée par Emmanuel Issoze Ngondet pourra-t-elle s’acquitter de cette double exigence ? Au vu du silence observé par la commission nationale des droits de l’Homme, on peut légitimement en douter. Au regard du mutisme du médiateur de la République, toutes les réserves sont permises. Eu égard à la judiciarisation galopante de la vie politique (lire «L’effet pervers» et «Pour une déjudiciarisation de la vie politique»), une instrumentalisation à des fins politiciennes est à redouter. À l’analyse, cette loi d’amnistie pourrait bien servir de prétexte à des règlements de comptes politiciens voire à un nettoyage idéologique au sein de notre classe politique. En somme, elle pourrait ouvrir la voie à un autre désastre politique. Même si les crimes et abus commis durant les émeutes post-électorales ne doivent pas rester impunis, la proposition du gouvernement revêt les atours d’un grossier leurre
Commentaires


Comment