Cette année, nous assistons à une rentrée académique dans l’enseignement supérieur particulièrement atypique à celles des années antérieures. La mesure gouvernementale sur l’augmentation des frais d’inscription dans les universités et grandes écoles publiques gabonaises qui vient d’être suspendue par la Cour constitutionnelle pose déjà les jalons d’une discorde entre plusieurs étudiants et l’administration rectorale, sinon, le gouvernement.
Dans son arrêté N°0010/MESRSFC datant du 09 Juin 2017, les nouvelles dispositions de coûts de scolarité dans les universités et grandes écoles publiques sont passées de 9.000 fcfa à 50.000 fcfa pour le cycle licence ; de 20.000 fcfa à 75.000 fcfa pour le cycle Master ; et 100.000fcfa le doctorat. La montée plus ou moins fulgurante des frais d’inscription pour les étudiants gabonais, sans surprise, ne pouvait manquer de créer une certaine crispation et hostilité de la part de ces derniers. Mais bien plus encore, les sommes que doivent désormais débourser les étudiants salariés et les étudiants ressortissants hors CEMAC sont extrêmement plus estampes.
Dans ce contexte, pris de stupéfaction, les étudiants n’ont pas cessé de multiplier des actions, à l’instar de la demande d’annulation au greffier de la Cour constitutionnelle et de la marche du 08 septembre dernier, pour protester contre cette décision qui, selon eux, se tient aux antipodes de la situation de précarité sociale dans laquelle est soumise la plupart des étudiants issus de milieux défavorisés et que l’on retrouve en majorité dans les établissements publics d’enseignement supérieur. Des manifestations qui semblent connaitre un début de résultat favorable vu la décision prise par la Cour constitutionnelle de suspendre la mesure. Toutefois, suspension ne signifie pas suppression ou annulation. Ce qui revient à dire que la bataille n’est pas près d’être bouclée.
Cependant, les autorités rectorales affirment avec conviction que cette mesure n’est autre que salvatrice dans une Institution qui, depuis 1991 devait fonctionner avec une certaine autonomie pour éviter la totale dépendance au budget alloué par l’Etat. Or, avec la crise économique actuelle, il serait fort probable que des difficultés en matière de financement apparaissent tôt ou tard, si l’on n’anticipe pas à trouver des moyens alternatifs à cet échéance. Par conséquent, même s’ils ne le perçoivent pas encore, l’applicabilité de l’augmentation des frais d’inscription pour la rentrée prochaine est pensée pour le bien de ces étudiants et pour le bon fonctionnement de leurs cadres d’apprentissage.
Au regard de cet état de fait, des interrogations se posent nécessairement quant à la recevabilité de cette mesure. Il est vrai que les universités publiques gabonaises, comme partout ailleurs, regorgent en leurs seins la plupart des apprenants en études supérieures. Ce qui complexifie la gestion des hommes qui y exercent et surtout lorsque les moyens logistiques ne suivent pas. On assiste donc au sempiternel problème des effectifs pléthoriques qui cette année risque fort bien de s’accentuer. Mais, à qui la faute ? Les étudiants qui incarnent « la jeunesse sacrée » doivent-ils payer au prix de leur avenir les méandres du manque de lucidité dont ont fait montre les pouvoirs publics dans la gestion des investissements universitaires ? Doit-on comprendre qu’après près d’un demi-siècle d’exploitation pétrolière avec des budgets par année suffisamment colossaux, aucune politique de planification n’ait été mise en place pour protéger la formation de l’élite gabonaise à long termes, condition sine qua non pour atteindre une éventuelle émergence ?
Certes, d’aucuns répondront majestueusement que la crise économique mondiale impacte logiquement dans tous les secteurs d’activité et le secteur public via le budget de l’Etat a forcément pris un coup. Mais il n’en demeure pas moins que si les investissements liés à la matérialisation des projets du secteur éducatif, notamment de l’enseignement supérieur, avaient été effectués comme tels, il est évident que les difficultés qui se profilent à l’horizon et dont s’apprêtent à gérer les responsables d’universités publiques et le gouvernement auraient été moins importantes. On pense ainsi aux 25.2 milliards pour la construction des universités d’Oyem et de Mouila qui sont malheureusement restées au stade de première pierre.
Au-delà de ces éléphants blancs, la construction d’amphithéâtres et de salles, chaque année, dans les universités existantes auraient permis d’alléger le poids de ces effectifs de plus en plus volumineux. Hélas ! Rien non plus. Si ce n’est que la réfection de certains bâtiments dont on a ajouté une couche de peinture et installé des appareils de climatisation dont la plupart sont désormais hors d’usage. Toutefois, on encensera au-moins l’effort de la construction de salles préfabriquées qui, bien que ne répondant pas au design et aux normes d’Universités conventionnelles, il n’en demeure pas moins que l’urgence de l’heure et le confort qu’on y trouve soient mieux que rien. Aussi, nous noterons la réhabilitation des différents campus, mais dont les travaux peinent à terminer depuis plus de deux ans, à l’instar du campus de l’U.O.B de Libreville.
Partant de ce tableau pas très reluisant, en termes de structure, des universités publiques d’enseignement supérieur, les pratiques sont toutes aussi une autre paire de manches dont la renommée suffit à faire perdre tout optimisme aux jeunes bacheliers, à l’idée d’y poursuivre ses études supérieures, souvent par nécessité que par conviction. Dès lors, on pourra se demander, en quoi l’augmentation des frais d’inscription et d’écolage dans ces universités va changer les conditions d’apprentissage de ces apprenants ? Pis encore, l’augmentation de ces frais de scolarité a-t-elle véritablement pour objectif de palier à ces manquements ou de stabiliser simplement le fonctionnement journalier de ces institutions ?
Dans tous les cas, la logique voudrait que l’augmentation de l’inscription qui s’impose désormais aux étudiants dans les universités et grandes écoles publiques s’accompagne d’amélioration des conditions d’étude. Et ceci pourra se traduire par l’enrichissement de la bibliothèque universitaire ; de la couverture du réseau internet dans les espaces universitaires ; de l’achèvement des travaux des différents campus ; de la réinstauration des restaurants universitaires ; trouver des stratégies adéquates d’enseignement permettant de canaliser le nombre impressionnant d’étudiants dans chaque département ; clarifier et harmoniser l’application du LMD (Licence-Master-Doctorat) ; et enfin, revoir l’offre de formation en termes de discipline qui doit être adaptée aux besoins du marché de l’emploi. L’observation étant faite depuis plusieurs années que l’UOB, surtout, forme en grand nombre de futurs sans-emploi.