«Le Gabon est à l’arrêt, le climat politique est des plus délétères, l’économie si peu diversifiée, est durement touchée par la crise du brut et par les incertitudes politiques», affirme le mensuel de la société AM International dans son numéro double (371-372). Le tableau brossé de la situation politique, économique et sociale du Gabon y est peu reluisant, surtout en relevant le «ras-le-bol plus ou moins global de la mainmise de la famille Bongo sur le pays».
Ancien sociétaire du groupe Jeune Afrique dont il a pris son indépendance en 2006, le mensuel Afrique magazine ou AM présente le Gabon comme «un pays gorgé d’or noir, où la forêt règne encore sur plus de 80% du territoire, un pays qui n’a jamais réussi à développer des routes ou une production agricole, et dont la même famille préside aux destinées depuis un demi-siècle». Le titre poursuit : «Un sous-sol renfermant de riches matières premières, exploitées, mais dont la rentabilité n’a jamais vraiment permis au panier de la ménagère de se garnir ; un climat tropical propice aux cultures et une économie vivrière dépendante de l’importation de poulets ou de salades venues du Cameroun ou d’Afrique du Sud ; une passion viscérale pour les signes extérieurs de richesse, pour les modèles dernier cri dans tous les domaines et un farouche attachement au village, aux rites traditionnels et à la sorcellerie».
Afrique magazine traite aussi de nombreux projets lancés par Ali Bongo durant son premier septennat, 2009-2016, et n’ayant pas abouti pour la plupart. Sur cette lancée, le journal estime que «le président multiplie les programmes, les projets ; il instaure de nouvelles règles, demande à ses collaborateurs plus de travail. Pourtant, les progrès concrets, les chantiers achevés, les résultats se font attendre».
Le journal de Zyad Limam et Emmanuelle Pontié évoque ainsi la Zone Économique Spéciale (ZES) de Nkok, le projet Graine et la politique du logement. Il affirme, au sujet de Nkok, que le président gabonais «avait promis de réussir à consolider la zone économique spéciale. A ce jour, et sept ans après son lancement en 2010, grâce au partenariat entre l’Etat gabonais et l’entreprise singapourienne Olam, le projet a un peu avancé certes, mais a bien du mal à être vraiment opérationnel, à séduire les investisseurs et créer le nombre ambitieux d’emplois escomptés».
Afrique magazine estime, au sujet du projet Graine, que son ambition était «de mettre enfin les Gabonais au travail des champs. Il (le projet) piétine. Fin-juin, au moment même des Assises sur la redynamisation de l’Agriculture et l’accélération du programme Graine, les agriculteurs épinglaient la Société de transformation agricole et de développement rural (Sotrader), accusée de ne pas tenir ses engagements dans le cadre de l’évacuation des produits des récoltes».
Abordant la politique du logement, le journal note : «Idem du côté des logements sociaux. Le projet lancé en février 2016 des 650 premières villas d’Okolassi qui doivent être livrées en avril 2018 est à l’arrêt depuis des mois». Pessimiste, d’une manière générale, le mensuel panafricain pense que «malgré l’accord de prêt du FMI en appui au PRE lancé par le gouvernement, les perspectives économiques à court terme du pays demeurent moroses».
Dans le même esprit, le magazine cite un habitant de Libreville, «c’est comme si les bonnes idées étaient abandonnées en chemin ici. Du coup, chaque nouveau projet étant lancé à grand renfort médiatique présidentiel, les gens sont devenus incrédules. Il y a trop d’effets d’annonce !» Le journal en arrive à la conclusion que «le pays se cherche» et se trouve «plombé par une dette publique abyssale» ! Et d’ajouter que le septennat démarré il y a un an, n’a pas vraiment laissé entrevoir de changements de braquet par rapport au premier. «La méthode est la même. Ali avance avec ses idées à lui, multipliant les initiatives, et tant pis si elles ne sont pas suivies d’effets. Le pays, lui, ne suit pas toujours. Et tant pis encore si la rue a donné un signe fort de mécontentement il y a un an». Le journal estime, citant des commentateurs, que «c’est comme si l’essentiel était de se maintenir au pouvoir coûte que coûte ; et après, advienne que pourra»… D’ailleurs, revenant sur la dernière élection présidentielle, le journal estime que «le leadership du Gabon est clairement handicapé par une présidentielle aux résultats entachés de fraude… On se souvient entre autres d’un vote massif, excédant le nombre d’habitants, dans le Haut-Ogooué par exemple, au profit d’Ali Bongo, de violentes exactions et d’une lourde répression dénoncées par la communauté internationale».
L’article se conclut par l’état moral de la société gabonaise. «L’ambiance est à la morosité», «l’ambiance à Libreville se dégrade peu à peu, symptôme d’un malaise généralisé». Toutefois, pour Afrique Magazine, «si l’exigence de changement est forte, il reste qu’Ali Bongo est le mieux placé pour impulser» les réformes, à condition qu’il admette que l’époque a évolué.