Le Comité permanent du Bureau politique du Parti démocratique gabonais (PDG) a pris acte, le 15 août dernier, de la démission de Faustin Boukoubi du poste de Secrétariat général du parti. L’acte intervenait après un long conflit psychologique opposant l’intéressé à des personnalités politiques proches d’Ali Bongo sortant régulièrement des règles de fonctionnement du parti. Concurrences et luttes d’influence ont infecté le fonctionnement du parti au pouvoir. Retour sur cinq années de luttes intestines et de rivalités insoupçonnées.
Faustin Boukoubi, 63 ans, dont neuf à la tête du Secrétariat exécutif du Parti démocratique gabonais, a donc finalement, et de manière formelle, démissionné de son poste le 10 août dernier. Il devient ainsi le deuxième Secrétaire général du parti à rendre son tablier. En octobre 1994 en effet, Jacques Adiahénot (Secrétaire politique exécutif en 1990, puis Secrétaire Général du PDG en 1991 lors des grandes mutations au sein du parti créé par Omar Bongo) avait lui aussi démissionné pour protester contre l’indiscipline et les déchirements d’alors. Déjà, à l’époque, le Parti démocratique gabonais indiquait que «Jacques Adiahénot a décidé de prendre congé de ses fonctions au sein de l’appareil du parti». Le PDG n’aime visiblement pas le mot «démission»…
Dans le même esprit, lors de la lecture du communiqué final de la réunion du Comité permanent du Bureau politique le 15 août dernier, le directeur adjoint 1 du Cabinet du président du PDG, Cyriaque Mvourandjiami, a usé de la formule ci-après : «devant la demande exprimée par le Secrétaire général du PDG, Faustin Boukoubi, d’être déchargé de ses fonctions, le Comité permanent a pris acte de la vacance du pouvoir». Pour le PDG, il ne s’agit pas d’une démission, mais… d’une demande d’être déchargé des fonctions.
Crise de confiance depuis 2012
Au-delà des mots, il reste que depuis fin-2012, une crise de confiance était perceptible entre la présidence du parti et le secrétariat exécutif. Faustin Boukoubi aurait toujours mal vécu les prescriptions intempestives et permanentes des proches du président du parti, alors qu’en tant que n°2 du parti, il s’attendait plutôt à des instructions directes du «Distingué Camarade». Les interventions, multiples et variées, venant de l’entourage présidentiel lui ont toujours déplu. L’envoi des multiples porte-paroles et de nombreux messagers auprès de lui l’a toujours agacé. De même, la vacuité des caisses lui était incompréhensible au moment où il lui fallait engager de grandes actions sur le terrain pour éviter le désenchantement des militants de base et la défiance populaire. Ces différents ingrédients eurent pour première conséquence : sa démission informelle en janvier 2013. Des sources proches de Louis avaient alors immédiatement révélé que Faustin Boukoubi avait quitté le siège du parti, laissant l’un des SGA, en l’occurrence Emmanuel Nzé Békalé, assurer l’intérim. Sa reconduction, lors du Congrès d’avril 2013, avait étonné plus d’un. On apprit plus tard, de sources concordantes, que c’est Patience Dabany et Guy Nzouba Ndama qui demandèrent au Distingué Camarade de reconduire le «démissionnaire informel»…
Vint ensuite, dès 2015, moins de deux ans après ce congrès, la naissance du Mogabo (Mouvement Gabonais pour Ali Bongo Ondimba). Dans un parti qui avait décidé de ne plus accepter la création, en son sein, de courants politiques, «cela faisait désordre» pour Faustin Boukoubi qui tenta alors de ramener la discipline dans les rangs. Devant la persistance de ce mouvement, un autre courant se créa en juin 2015 : «Héritage et Modernité» emmené par Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et bien d’autres membres du Bureau Politique et parlementaires du parti. La réunion d’urgence du Bureau politique convoquée par Ali Bongo début-juillet 2015 ramena une accalmie de courte durée, car la commission ad hoc de réflexion créée pour la tenue du congrès de clarification demandé par Barro Chambrier et ses amis rejeta cette idée. Dirigée par Michel Essonghé et Paul Biyoghé Mba, cette commission refusa en effet de… convoquer le congrès de clarification. Faustin Boukoubi n’apprécia que très peu ce refus.
Lors du 47e anniversaire du parti, le délégué national de l’Union des jeunes, Vivien Amos Makaga Péa, mit en garde contre les querelles de clochers et luttes d’influence internes. Il dénonça le jeu sournois des «malus mentors» du PDG, «ces obscurantistes personnages, qui nourrissent secrètement des velléités hégémoniques, et qui veulent se fabriquer des baronnies politiques en instrumentalisant et divisant la jeunesse du parti, sans oublier les multiples hiérarchies politique, financière, régionale, ou du combat de leadership». Pourtant, en octobre 2015, alors qu’il était en tournée dans l’Ogooué-Lolo, province d’origine de Boukoubi, le leader des jeunes du PDG, du fait du mauvais état des routes et d’un certain nombre de projets jamais réalisés, s’était lui-même aussi permis, quelques libertés avec le secrétaire général, le qualifiant à demi-mots d’élu passif qu’il fallait désavouer lors des prochaines élections
Mal vécu, la création du Mogabo
Aujourd’hui, au moment où le PDG réfléchissait sur son fonctionnement à court, moyen et long terme après les blessures causées par l’élection présidentielle du mois d’août 2016, avec notamment une campagne de réinscription de chaque militant, de nouvelles adhésions et de redynamisation des structures de base du parti, les «hommes du Président» décident de remettre une couche… Le 28 juillet 2017, ils sortent du bois et relancent ce que des proches de Faustin Boukoubi appellent «une stratégie destructrice pour le parti». Quatre jours plus tard, le 1er août, sur la chaîne publique de télévision du Boulevard Triomphal, Faustin Boukoubi lui-même montre une certaine exaspération et leur lance une sorte de rappel à l’ordre. Le porte-parole des «hommes du président» lui répond avec morgue et impertinence : «Nous avons décidé d’utiliser notre temps à défendre le Président ; d’autres utilisent leur temps à critiquer ce que nous faisons ; c’est bien pour eux. Allez d’ailleurs leur dire que nous avons organisé une deuxième conférence de presse aujourd’hui». Deux jours plus tard, sur sa page Facebook, le Premier ministre apportait un soutien sans équivoque à l’initiative de ce groupe. Ça en était trop pour Faustin Boukoubi. Après une période de réflexion de quatre jours, il demande à être déchargé de ses fonctions de secrétaire général du parti… refusant ainsi de continuer à avaler des couleuvres !
Reste à savoir si, avec le départ de Faustin Boukoubi, le PDG va enfin connaître un peu de sérénité et surtout un avenir en confiance.