Le président de la confédération patronale du Gabon rame à contre-courant des idées alarmistes sur l’efficacité de la stratégie du gouvernement de redonner un nouveau souffle à l’économie nationale.
Seulement, s’il se montre optimiste quant à son exécution, il faut que celle-ci se fasse au profit des entreprises, perfusées au lance-pierre par des décaissements au compte-gouttes. Les caisses de l’Etat étant en souffrance et fonctionnant en flux tendus, nombre d’entreprises n’ont pas pu résister à la crise de liquidités et ont fermé leurs portes, non sans licencier massivement. Pour remédier à cette situation, Alain Bâ Oumar préconise de baisser la pression fiscale, améliorer le climat des affaires et surtout de régler la dette intérieure bien que la crise se fasse plus sévère.
Le gouvernement s’est engagé dans la mise en œuvre d’un plan de relance de l’économie sur une période de trois ans. Que vous inspire ce plan ?
Ce plan est réaliste d’autant plus qu’il a été validé par des institutions sérieuses comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la BAD et l’AFD qui toutes, appuient cette initiative du gouvernement qui vise à relancer notre économie. Nous n’avons donc pas des préoccupations quant à la qualité de ce plan. La clé sera la mise en œuvre de tout ce qui est prévu dans ce plan. Nous n’avons aucune raison de douter de la volonté exprimée par le gouvernement d’appliquer ce qui est prévu dans ce plan. Il va falloir, comme les bailleurs de fonds qui l’appuient, que le patronat soit vigilant pour s’assurer que les promesses faites soient tenues. Mais nous n’avons pas de raisons de croire qu’elles ne le seront pas parce que c’est dans l’intérêt du gouvernement et le nôtre à tous, de relancer cette économie.
L’on observe depuis un certain temps des fermetures d’entreprises dans tous les secteurs, qu’est-ce que cela vous inspire ?
La fermeture des entreprises peut avoir deux causes : soit elles n’arrivent plus avoir des clients, soit elles ont des clients mais elles n’arrivent plus à répondre à la demande de leurs clients parce qu’elles sont asphyxiées financièrement. L’Etat est le plus gros consommateur des biens et services au Gabon, c’est le plus gros client des entreprises en général. Donc, quand il a les difficultés financières que l’on connaît, à cause de la crise pétrolière qui sévit depuis un certain nombre d’années, l’Etat commande moins, et les entreprises ont également moins de commandes ; elles sont obligées soit de licencier, soit, si elles n’arrivent plus à couvrir leurs charges parce qu’elles n’ont plus des clients, elles ferment. Ce phénomène n’est qu’une illustration des difficultés que connaît l’Etat aujourd’hui. Qui, soit ne paie pas aux entreprises ce qui leur est dû, et donc ne leur permet pas de fonctionner normalement, soit ne commande plus aux entreprises qui dépendent le plus de lui. Dans tous les cas, cela nous inspires la nécessité pour l’Etat de rétablir un équilibre au niveau de ses finances, et recommencer à jouer le rôle moteur de l’économie qui est le sien. En attendant, plusieurs entreprises continuent de réclamer à l’Etat beaucoup d’argent.
Les assurances du gouvernement sont-elles de nature à entretenir la confiance ?
Les réponses du gouvernement nous rassurent, non pas à cause de ce qui est promis, parce que ce qui est promis l’est depuis un certain nombre d’années. Nous pensons que depuis toutes ces années, il y a eu la volonté de faire, mais peut-être pas les moyens. A cause de la situation économique qui s’est aggravée, ces moyens sont devenus de plus en plus limités pour répondre à l’exigence des entreprises d’être payées pour le travail qu’elles ont réalisé, c’est-à-dire l’apurement de cette dette intérieure. Mais aujourd’hui, nous sommes plus confiants que par le passé parce que le gouvernement va avoir les moyens de sa politique puisque les bailleurs de fonds, dont le FMI qui a déjà commencé, la Banque mondiale, BAD et l’AFD se proposent d’apporter au gouvernement les moyens d’apurer cette dette intérieure, entre autres, et de faire un certain nombre d’autres choses qui vont permettre de remettre notre économie sur les rails. Donc aujourd’hui, le gouvernement a une fenêtre de tir qui lui permet de résoudre ce problème. Mais entretemps beaucoup de PME sont aujourd’hui asphyxiées par des dettes et se retrouvent pour certaines au bord de la faillite… C’est une question qui s’adresse au gouvernement.
Le problème est le même pour tout le monde. La dette, les problèmes financiers des PME créent des déséquilibres dans les entreprises, occasionnent des licenciements, des arrêts d’activités… Mais c’est valable aussi pour les grandes entreprises. Les PME, comme les entreprises un peu plus grandes, ont toutes besoin de rentrer dans leurs fonds et de recommencer à créer de la richesse. Les PME vivent ces problèmes avec plus d’acuité parce qu’elles sont plus fragiles, disposent de moins de réserves, dépendent elles-mêmes des grandes entreprises pour ce qui est de la sous-traitance. Donc non seulement l’Etat peut leur devoir de l’argent, mais elles peuvent également avoir des clients potentiels qui sont les grandes entreprises qui n’ont pas les moyens de leur passer des commandes. Le problème est double : de manière générale, l’Etat a la clé de la solution et a un grand intérêt à régler ce problème.
Nous croyons ainsi à la volonté politique de le faire car si ce n’est pas fait, l’on ne voit pas comment l’économie peut être relancée si les entreprises qui créent de la richesse n’ont pas les moyens d’en créer et de contribuer à la relance de cette économie. Ce serait comme se tirer dans les pattes. Nous ne pensons pas que l’Etat veuille se tirer dans les pattes, au contraire, nous croyons à la volonté de régler ce problème.
Vous vous insurgez contre la pression fiscale que semble exercer le gouvernement sur les entreprises?
La pression fiscale est de plusieurs ordres : il y a des impôts qui sont prévus, dus, justifiés, légaux ; et il y a également la parafiscalité. Lorsque des administrations, des agences ou des institutions publiques, du fait des difficultés de l’Etat, ont du mal à être financées, il y a une solution de facilité pour elles : c’est de créer la parafiscalité. Ce qui est aussi de la pression fiscale. Le patronat est composé des entreprises qui se veulent citoyennes, qui ne peuvent pas être contre la fiscalité ; ça fait partie des règles du jeu. Nous sommes contents de pouvoir transporter nos biens et services à travers des routes qui sont construites grâce à cette fiscalité ; nous sommes contents de pouvoir nous soigner dans des hôpitaux qui construits par l’argent public, d’avoir de l’électricité et toutes ces conditions qui permettent à nos entreprises d’évoluer.
C’est donc quoi le problème ?
Il faut bien que l’impôt soit payé pour financer ces choses-là. Mais, nous sommes moins contents quand on doit payer de plus en plus de choses dont on ne perçoit pas l’efficacité au niveau de leur emploi ; car il y a des choses qu’on paie sans avoir en contrepartie des services qui correspondent à ce qu’on paie. C’est cette mauvaise fiscalité que nous souhaitons combattre.