Depuis plusieurs mois, l’entreprise que vous dirigez est confrontée semble t il à des difficultés financières sans précédent. Aussi, le manque de communication entre la direction général et les agents, ont conduit ces derniers à observer un arrêt de travail depuis le 20 juillet dernier. Quelle est la situation réelle d’Azur Gabon aujourd’hui? Et quelles sont les mesures qui ont été prises pour y remédier?
Jonas Marie Kringer Vane : Il faudrait d’abord que je précise une chose, Azur-Gabon, c’est USAN Gabon, qui a un actionnaire majoritaire qui est Bintel et il a deux actionnaires minoritaires qui sont des personnes physiques. A un moment donné, Bintel qui est l’actionnaire majoritaire, avait ouvert dans la téléphonie Azur Gabon, Azur Congo, Azur RCA et Azur Paris. A un certain moment, pour des raisons stratégiques, ils ont cédé la gestion commerciale de ce groupe et ont constitué le groupe Azur dans lequel est Azur Gabon, mais la gestion de l’ensemble des filiales du groupe Azur et Azur Gabon ont en commun quelques équipements.
La crise en elle même dure depuis septembre 2016, essentiellement pour des raisons de stratégie commerciale. Azur Gabon a décidé d’utiliser un carrier qui s’appelle Global Note. Pour précision, le carrier est celui qui contrôle la voix. Certaines conditions ont poussé à choisir Global Note à la place de Berga Com, qui est quand même de meilleur qualité que celui précédemment cité, plus que Azur Gabon a pour produit la voix. Ce n’est pas la 3G, encore moins la 4G et donc comme cette voix était maintenant mal transportée cela a occasionné une chute des revenus. Donc vous avez votre puce Azur, vous essayez d’appeler plusieurs fois à un moment donné vous utilisez une autre puce.
Aujourd’hui avec la nouvelle administration, nous avons repris l’ancien carrier, ce qui fait que les revenus il y a un mois qui étaient au alentour de 2 millions à peu près sont revenus à 13 millions par jour, parce que nous avons repris un carrier beaucoup plus outillé et celà a permis au gens de reprendre confiance et de récupérer leur puce qu’ils avaient déjà abandonné. Des puces d’ailleurs il faut le préciser qui avaient du crédit. Quand je vous parle de revenu, c’est en fait ces crédits là qui sont en train de s’épuiser, donc une fois que ces crédits sont épuisés, évidemment il faudra en acheter d’autres.
Et la situation avec les agents?
JMKV : les agents ont quand même été accoutumés à recevoir leurs salaires régulièrement, et même le 13ème mois depuis plusieurs années. Cependant, depuis la baisse des revenus, le pique a commencé en janvier, mois durant lequel ils n’ont pas eu ce 13ème mois et ils ont eu des paiements de salaires en dents de scie.
Aujourd’hui, les employés ont deux mois d’arriérés contrairement à ce que j’ai vu et entendu dans les médias, et ces deux mois d’arriérés. Comme je vous expliquait par rapport au signal, nous sommes revenu à Monaco Telecom, et eux, ils ne font pas de crédit, il faut payer ou ils coupent. Nous avons d’abord mis un effort sur le signal, et nous y sommes arrivés de manière un peu bancale parce que nous n’avons pas encore retrouver la vitesse de croisière optimale. Vous savez, les 13 millions que j’évoquais par jour, ce n’est pas une recette, puisque cette argent a déjà été dépensé. C’est à dire que le distributeur au dessus a acheté une fois par exemple pour 400 millions, et il a distribué aux personnes qui vendent des flash, et ce sont ces unités là, qui sont en train d’être utilisé. Donc, pour qu’ils recommandent, il faut qu’il épuise son stock. Il a commencer à refaire les commandes mais de manière minime, et pour qu’il commande à nouveau, il faut que les gens consomment c’est ce que l’on appelle dans notre jargon le revenu.
Pour vous donner une idée, Azur faisait à peu près 45 millions par jour, mais Airtel et Gabon Telecom en font plus. Là, nous sommes redescendu a près de 2 millions exceptionnellement à cause de ce problème et les revenus sont en train de remonter. Aujourd’hui, nous avoisinons les 13 millions par jour.
Donc pour revenir aux employés, je disais précédemment qu’il est question de deux mois d’arriérés de salaire. Maintenant, dans la décision que j’ai prise bien avant qu’ils fassent leur mouvement de grève, il avait déjà été décidé que sur tout ce que l’on recevrait comme commande, il fallait payer les masters dealers, donc ceux qui commandent en haut, de payer la moitié pour le signal et la moitié pour les salaires. Chacun d’entre eux a eu dernièrement un montant de 350.000 Fcfa tous confondus, de la technicienne de surface jusqu’au directeur. Voilà un peu la situation, mais évidemment peut être qu’eux ne comprennent pas les stratégies ou n’y croient pas parce que c’est quand même difficile à croire.
En effet, de ce qui nous revient des agents, ils reprochent effectivement à la direction le défaut de communication. Qu’en est t-il?
Oui, en effet, sur ce point ils ont surement raison. Dans notre fonctionnement interne, nous avons un portail où tous les employés sont informés, dans la stratégie que j’avais mis en place, j’avais informé les employés, donc c’est peut être une interprétation erroné de leur part. Selon eux, il n’y a pas eu communication avec tous les 200 employés chacun à son tour. Mais de manière générale, tous sont au courant de la stratégie qui a été mise en place
Alors plusieurs médias nationaux et internationaux ont évoqué également les difficultés que connaîtrait le groupe, la situation d’Azur étant quasi similaire à celles connus par les filiales congolaise et centrafricaine, avez vous des précisions à apporter sur cet aspect?
Il faut dire que c’est pas exactement la réalité, vous savez quand je prends par exemple le cas d’Azur Centrafrique, ils sont passés à une licence unique, ça va bien et ils ont la 4G. Il faut dire que pour Azur Congo, Azur RCA, Azur Paris il n’y a pas de grève, mais les difficultés, particulièrement au Congo et au Gabon sont liées. Pour le Congo, elles sont due à la baisse de la consommation, mais au Gabon elles sont dues au signal. La baisse de la consommation est essentiellement due à la conjoncture actuelle, je pense pas que le congolais utilise le téléphone comme le gabonais. Donc par rapport au groupe, la difficulté qu’avait Azur Gabon c’est que dans l’optique du groupe, elle avait quand même tendance à financer les opérations techniques de l’ensemble du groupe et la compensation comptable n’a pas encore eu lieu. Je donne un exemple assez simple, on veut acheter un équipement, on va voir un fournisseur par exemple Huawei, celui ci va nous faire un prix pour quatre et un prix pour un, donc généralement on prenait les quatre pour avoir une économie d’échelle, et malheureusement Azur Gabon jusqu’en 2016 et même encore récemment payait les quatre et nous ne recevions pas nécessairement les contreparties comptables des autres filiales. Mais aujourd’hui, c’est des pratiques auxquelles nous avons mis un terme, sinon on aurait pas pu reprendre les activités.
En parlant de la licence, aujourd’hui vous n’en bénéficiez pas encore, contrairement à Airtel et Gabon Telecom, cet état de fait ne constitue t -il pas un frein au développement de votre activité? Et si oui, qu’est ce que vous envisager pour l’obtenir?
La licence a été demandé, nous avons d’ailleurs demandé la licence 3G/4G bien avant Airtel, bien avant Gabon Telecom, mais pour des raisons de trésorerie, il semblerait qu’il fallait payer comptant. Donc comme je disais, pour des raisons de trésorerie notre autorité de tutelle qui est l’ARCEP n’a pas encore trouver les mécanismes nécessaires pour nous faire payer la licence, c’est pourquoi, le projet n’a pas encore vu le jour, mais le projet est en cours, nous avons déjà trouver les partenaires qui vont nous accompagner au niveau du financement, au niveau de l’équipement, d’ailleurs nous avons même une convention avec des sociétés comme Huawei c’est elle qui fournissait et qui sont prêt à nous accompagner. Donc, c‘est juste une question de procédure administrative. Mais évidemment, avant de revenir à la licence 3G/4G nous envisageons revenir d’abord au niveau que nous étions en 2015, dès que la situation se redresse on va attaquer ce projet.
En tant qu’administrateur général d’Azur à court terme, quelles sont les perspectives pour la suite? Et doit-on se rassurer de la poursuite effective des activités de l’entreprise dans le pays?
Oui évidemment nous allons poursuivre, sinon je ne serais pas administrateur général. Certes, pour le moment nous n’avons pas de produit à valeur ajoutée comme Airtel money par exemple, nous sommes limités et notre force on peut dire c’est la voix. Parce que il faut préciser une chose, le nombre d’abonné que nous avons perdu n’a pas été récupéré par la concurrence, parce que c’est pas leur créneau en fait, tous les gabonais ont Airtel et Libertis en majorité, mais nous notre offre pour le moment c’est la voix et nous sommes les moins chères. Donc si on a le signal, naturellement les personnes vont se tourner vers Azur.
Effectivement pour renchérir sur la question précédente, avez-vous prévu signer des partenariats pour le rétablissement de ce signal?
Oui je vous ais parlé de Huawei, je vous ais parlé de Speed Call, il y a même certaines sociétés locales qui sont même déjà en partenariat avec nous, comme IPI9, il y a certaines administrations avec lesquelles nous avons convenu de travailler. Parce que ce qui est important pour nous, c’est que le consommateur soit confiant, qu’il comprenne que ce n’est pas bon pour lui d’avoir une situation de duopole dans les telecom, il faut reconnaître quand même que c’est Azur qui a fait baisser les prix, quand nous sommes parti avec le principe de 1 Fcfa la seconde les prix n’étaient pas ceux là, mais bien sur il y a le travail du régulateur aussi qui fait du bon travail pour essayer un peu de compenser la différence en terme d’abonné parce qu’au niveau de l’interconnexion vous êtes Libertis moi je suis Azur, le calcul est simple, vous m’avez appeler 10 000 fois, et moi je vous ai appelé 5 000 fois, vous êtes facturé 5 000, c’est le régulateur qui fixe le prix. Et si Azur est présent, il est sûr et certain que la situation de duopole entre Gabon Telecom et Airtel aura moins d’impact sur les coûts.
Il faut aussi ajouter une chose, c’est que les autorités gabonaise vont vraiment mettre l’emphase sur le numérique. Donc, nous notre futur passage à la 3G/4G va dynamiser encore plus ce secteur, parce que je crois savoir que l’objectif du gouvernement c’est d’avoir une valeur ajoutée de 10%, c’est un nombre d’emploi considérable que cela peut créer, le nombre de start-up que ça peut créer, le nombre de jeunes qui peuvent créer des entreprises liées à ce secteur là, parce que les projets comme Airtel money vont être délocalisé en terme de gestion donc ce sera géré par des personnes indépendantes et ça va générer absolument des emplois. Et puis il y a des agents d’Azur qui sont très compétents, et vous savez bien aujourd’hui que vous travaillez dans une entreprise au bout de 5 ou 10 ans vous voulez partir à votre propre compte, donc il faut que ces agents soient toujours là pour pouvoir être au courant de ce qui se passe dans le secteur, pour pouvoir bâtir leur entreprise et ainsi leur activité à valeur ajoutée mais toujours basée sur la téléphonie.
Alors pour conclure, quelle est votre vision de l’avenir de cette entreprise que vous dirigez en tant que chef d’entreprise d’origine gabonaise?
Vous savez, Azur c’est une personne morale gabonaise, elle a aujourd’hui à peu près 200 employés dont plusieurs cadre très compétents, alors il faudrait qu’on s’assure que Azur Gabon soit pérenne, et puis Azur au niveau de la téléphonie à une niche qui ne doit pas être négligée, et vous savez également, ça c’est un clin d’oeil que je lance à mes collaborateurs, avec la conjoncture actuelle qui va encore durer deux ou trois ans les employés en ce moment ont beaucoup plus intérêt à conserver leur emploi, parce que même s’il y a certains qui sont instrumentalisés comme dans toute organisation, ils ont intérêt à conserver leur emploi parce que fort heureusement on sait tous que dans nos pays quand vous avez un emploi vous soutenez généralement un nombre de personne qui généralement dépasse le cadre de votre cellule familiale immédiate.
Donc pour moi, les perspectives d’Azur Gabon, il suffit juste qu’on nous laisse travailler, parce que il faut dire que les difficultés que nous avons ne viennent pas de la gestion en tant que tel, la plupart viennent peut être des tentatives de déstabilisations orchestrées par certains qui voudraient la récupérer et le fait de vouloir la récupérer c’est avec la perte de 200 emplois et ils veulent le récupérer pour un franc symbolique et ça fait pas très citoyen.