C’est-à-dire que le passage par la DGR ne relève pas de la volonté de satisfaire l’objet de la plainte téléphonique, mais plutôt de faire traiter un problème personnel par ses propres collaborateurs. Là où un politique aurait eu la finesse de mettre en contribution la PJ, Massard a préféré mettre brutalement et grossièrement à l’emploi ses subalternes.
Mettre ainsi la puisance publique placée par l’Etat sous son autorité, au service de sa personne est, dans cette affaire, non seulement un choix illégal qui participe de l’abus, mais démontre la persistance des pratiques aux antipodes de l’Emergence. J’entends déjà les ricanements de l’autre côté à l’endroit de ma naïveté, mais je garde ma lucidité face ce qui devient de plus en plus, un phénomène dangereux: la privatisation des pans entiers de l’Etat. Et ce cas en est une illustration.
L’utilisation, ici par Etienne Massard, de la puissance publique pour régler ses problèmes personnels, ce par des procédures extrajudiciaires, n’est pas seulement dangereux pour l’Etat. Elle pose surtout trois problèmes d’une extrême gravité:
1- Pour les justiciables. Surtout pour ceux qui n’ont pas la chance de travailler là où je suis et dont l’autorité de la voix n’égale pas la mienne;
2- Pour l’image des agents même de la DGR. En me convoquant au téléphone, sans doute sur injonction de leur Ministre, les pauvres font, à leur corps défendant, la démonstration de ne pas vouloir laisser une trace de mon passage à la DGR. Pour quelles raisons? Peuvent-ils se dérober des funestes instructions de leur Ministre qui gère, comme on dit, leurs galons? Si cela n’est pas un chantage, il apparaît en être un bon clone.
3- Pour l’image du pays. Depuis deux semaines que Massard a décidé de paralyser ainsi toute une unité du système de sécurité du pays pour soulager son égo, tout le monde est au courant, y compris son chef qu’est le Premier ministre. Mamba est arrêté tant que Ntoutoume Nkoghe ne sera pas arrêté. C’est alors que je me pose la question suivante: lorsque pour si peu, pour une vulgaire affaire d’article de presse, un gouvernement laisse ainsi agir le premier responsable de nos forces de défense, pour quelle raison sérieuse la CPI croirait-elle à la bonne foi de ce même gouvernement par rapport à l’enjeu qu’a constitué la présidentielle 2006?
Etienne Massard le sait en cette période pourtant sensible. Et en choisissant de le faire, il a pleinement mesuré les conséquences de son choix. Penser le contraire serait faire injure à son intelligence et surtout à son exceptionnel sens de la stratégie. Le Gabon a vu pire.
Le Gabon a pour seul Président de la République, Ali Bongo Ondimba et non Etienne Massard Kabinda.
Il est 6h18. Je m’en vais à la DGR…
Raphaël Ntoutoume Nkoghe
Je reviens de la DGR
Il y a sérieusement de quoi se poser la question de savoir si certains membres du gouvernement ont conscience du tort qu’ils sont en train de causer au Président de la République et à l’image du Gabon. Parce qu’abimer ainsi le reflet de tout un pays, et de façon proprement intentionnelle, est à se demander si Ali Bongo Ondimba n’est finalement qu’un homme seul et entouré par des personnes qui constituent l’antithèse de son modèle social.
Voilà un ministre qui se sent blessé dans un article de presse et décide de laver son honneur. Comme la République interdit de se faire soi-même justice, il prend sur lui la décision d’engager une procédure. Mais pas judiciaire. Qu’est-ce que je vais découvrir à la DGR? Tout simplement ce qui constitue, non pas la loi, mais plutôt le fait.
Le Fait? C’est ce ministre de la Défense qui, pour se défendre, refuse de saisir le Parquet pour préférer saisir directement la DGR. Etablissant ainsi une subordination de service entre le supérieur qu’il est et ses collaborateurs que sont les gendarmes affectés à ce service. Ainsi la gendarmerie, qui est un instrument de la puissance publique de l’Etat, se retrouve à la dévotion des désirs d’un citoyen qui a eu la chance d’être nommé là. Une comète que le Président de la République a sorti de sa poche pour en faire un homme d’Etat. Malheureusement, le treillis est comme trop ample et ne rempli pas aux attentes de l’Autre. Une méchante décrirait un comportement digne d’une cour de récréation où les instruments de la puissance publique de l’Etat sont employés comme jouets de Noël.
Le fait? C’est l’utilisation du papier en-tête du Ministère de la Défense dans une procédure qui est tout sauf militaire. Cela, dans le seul but de soumettre les militaires aux petits caprices d’un requérant visiblement fébrile car ce n’est pas le ministère de la Défense nationale, en tant qu’entité gouvernementale, autrement dit l’Etat, qui poursuit mais bien le tout aussi justiciable Etienne Massard. Bref, lorsqu’on utilise ainsi les apparats de l’Etat dans une initiative strictement privée, on tombe, pour rester convenant, dans le trafic d’influence. Mais il reste que dans l’indignité, on ne saurait faire mieux car tout cela est bien petit, bas et mesquin.
Comme ministre de la Défense nationale, j’ai connu bien plus digne. Et le malaise des agents était bien compréhensible lorsqu’on a eu à la tête de ce même ministère un monument de la dignité, du flegme, de la responsabilité et de la hauteur comme Ali Bongo Ondimba qui a essuyé des attaques bien plus mortelles que les petites chicaneries et railleries auxquelles Etienne Massard fait face. Et si demain cet homme complète la cinquième place du coin des portraits des anciens ministres de la Défense d’Ali Bongo Ondimba, ce ne fera que prouver la difficulté du pauvre à trouver un successeur à la hauteur de la tâche…
Procédure extrajudiciaire et personnalisation de la puissance publique de l’Etat, voilà ce que j’ai vu à la DGR. Je ne perdrai pas mon temps à parler de cette présence furtive d’un membre de la famille ministérielle dans les couloirs de la DGR et rendant compte au téléphone dans leur wolof maternel, car cette indignité achevée ne mérite pas plus que mon inattention.
De fait, on ne me racontera plus. J’ai vu et je comprends maintenant la plainte, pardon la complainte du Gabonais qui n’a pas eu la chance d’être comme moi. Cette histoire ne restera pas sans traces car je sais maintenant ce qui se passe. Nous savons tous maintenant ce qui se passe. Abus de pouvoir, procédures extrajudicaires, humiliations des Gabonais, beaucoup de choses se passent dans le silence et la résignation des populations.
Etienne Massard n’est sans doute pas le seul puissant de ce pays à recourir à ces pratiques qui, durant le précédent mandat, ont participé à élargir le champ d’inimitiés du Président de la République. Car ce sont nos exactions et nos humiliations à l’endroit des populations qui ont fertilisé et continuent de fertiliser le désamour entre le Président de la République et les populations résignées, abusées et désabusées.
Pour Etienne Massard quoi, il peut faire tout ce qu’il veut tant que ce n’est pas lui qui en paiera les conséquences politiques. Surtout si cette affaire peut lui permettre de jouer les Okoumés et servir les intérêts de ce neveu qu’on n’a jamais voulu présenter à son Patron en tant que tel.
Le Président de la République doit maintenant se rendre à l’évidence qu’il y a du boulot…
Quant à Etienne Massard, le seul malheur que je peux lui souhaiter c’est d’écouter Antoine Claude Gabriel Jobert: « On peut tuer celui qui dit la vérité, mais on ne peut pas tuer la vérité elle-même, ni ceux qui l’ont entendue ».
Il est 21h46. Je suis sorti de la DGR avant le coucher du soleil…