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Libre propos / Du Patriotisme nébuleux des émergents du Gabon
Publié le jeudi 20 juillet 2017  |  Gabon Review
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© AFP par Thomas SAMSON
Des ressortissants gabonais résidant en France réclament le départ d`Ali Bongo
Samedi 03 septembre 2016. Des ressortissants gabonais résidant en France ont manifesté leur opposition aux résultats du vote de mercredi dernier et réclamé la « reconnaissance de l`élection démocratique » de l`opposant Jean Ping.
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Si la classe politique dirigeante et ses alliés fustigent les actions de révoltes exprimées par des résistants gabonais de la diaspora, de New-York et Paris, et considèrent ces comportements comme un manque de patriotisme ternissant l’image du Gabon, l’écrivain gabonais, Amoan Pambo s’invite dans le débat, à travers le libre-propos ci-après, en défenseur de la diaspora et en pourfendeur des «pseudo-outrés». Précurseur avec d’autres du Slam au Gabon, membre du label Zorbam produxions, Amoan Pambo est l’auteur de deux ouvrages : “Bourgeons” (Editions La Doxa) et “L’indigné”, biographie de l’activiste gabonais Gregory Ngbwa Mintsa, aux Editions Saint-Honore (Paris).

A une époque où sous d’autres cieux, d’autres se soucient du bien-être de leur mère Patrie, nous sommes confrontés, au Gabon, à un désert de conscience morale qui se manifeste au travers d’attitudes que le bon sens nous impose de dénoncer sur cette tribune.

Les récentes opérations des résistants gabonais entre Paris et New York ont donné lieu à une levée de boucliers d’une certaine bien-pensance gabonaise. Ces pseudo-outrés crient au manque de patriotisme et reprochent, in fine, aux résistants de la diaspora de ternir l’image immaculée du Gabon en occident. Mais de quelle école du patriotisme se réclament-ils? Le terme Patriotisme dérive du mot « Patrie » qui à l’origine désigne le « pays des pères ». Si le terme revêt à travers les époques plusieurs acceptations ; on peut retenir qu’il décrit le sens moral en vertu duquel l’individu se reconnait fils d’un pays pour lequel il serait par ailleurs prêt à se battre ou à mourir. Mais au-delà du sentiment d’appartenance à un pays, le terme s’entend de l’amour et la fierté qui en découlent.

Contrairement à ce que semblent penser les fayots de l’improbable émergence gabonaise, la Patrie ne se rattache pas à la personne des dirigeants, elle n’est pas assujettie au charme du khalife.

Le patriote n’a pas vocation à faire le dithyrambe insensé de despotes en mal d’une légitimité que le peuple ne leur reconnait pas. Le patriote n’est pas inféodé au diktat de leaders illégitimes et dont l’amour pour la Patrie reste à démontrer.

Dans son acceptation la plus globale la Patrie intègre l’idée de la Nation qui elle-même désigne l’ensemble des hommes et des femmes ayant en partage un territoire et une culture communes. Vue sous cet angle, la Patrie est indissociable des hommes et femmes qui la constituent. Si cela est avéré, alors on est en droit de se demander qui des bastions de la résistance « diasporique » et des gouvernants iniques sont les plus patriotes. Car, peut-on aimer la terre et tuer froidement ses enfants?

Si la Patrie est le lieu où l’on possède ses attaches émotionnelles, elle est aussi pour le patriote le point d’ancrage de son affectivité identitaire; celle-là même qui crée, sculpte et façonne l’âme des hommes et des femmes, au-delà de leurs différentes colorations, dans une harmonie chromatique dont seuls les ancêtres ont le secret.

La Patrie ainsi que l’affirmait Renan est “la terre de nos pères, conquise par leur vaillance, fertilisée par leur travail, maintenue dans son intégrité par leurs sacrifices”. L’idée selon laquelle l’on devrait prêter allégeance aux gouvernants nonobstant leur aptitude à servir fidèlement le peuple souverain ; cette idée est sotte et c’est là un euphémisme.

L’idée qui voudrait que l’on déroule le tapis rouge aux tyrans qui mettent en péril l’intégrité même de la nation au nom d’un amour de la Patrie est non seulement techniquement incohérente, mais elle cache mal la volonté de ces perfides trompeurs de masquer, sous les lumineux apparats du patriotisme, leurs appétits personnels et leur désamour des Gabonais dont le sort ne les intéresse pas en réalité.

Ces bien-pensants en odeur de sainteté avec le bord de mer, fustigent l’impact négatif des actes de résistance sur l’image du pays à l’étranger. La vacuité de cet argument, au-delà de lever le voile sur une indignation à géométrie variable, vient rappeler le caractère vénal de ceux-là même qui s’érigent en donneurs de leçons.

Comment comprendre sinon qu’on soit plus soucieux de l’image du pays plutôt que de sa désolante réalité ? Comment comprendre que ces mêmes bien-pensants ne trouvent rien à redire quand des Gabonais sont mis à mort, exécutés par une milice en cagoule mais montent sur leurs grands chevaux lorsque des tenants du système mortifère sont pris à partie verbalement? Ce n’est pas cela être patriote, ce serait même quasiment le contraire.

Et à ceux qui, contestant la réalité des morts du mois d’août dernier, se risquent à une rhétorique hasardeuse, à ceux-là nous disons qu’un seul mort serait déjà un mort de trop. Et si cette comptabilité macabre aux relents révisionnistes est votre credo alors vous faites partie du problème. Et à défaut d’arguments pertinents à faire valoir, ayez au moins la sagesse de vous taire. Enfin, assumez vos petites ambitions mais de grâce, cessez d’étaler votre misérabilisme intellectuel en prenant vos vices pour du patriotisme.

Amoan Pambo, homme de culture, écrivain.
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