L’Etat gabonais pourrait bientôt être assigné en justice par l’entreprise française de services numériques Atos, pour une facture impayée relative aux écoutes téléphoniques opérées pour le compte du pouvoir de Libreville en août 2016.
Ces dernières semaines, d’intenses négociations ont eu lieu entre Libreville et Bezons dans le Val-d’Oise en France. Aux dires de certains, celles-ci auraient échoué, et la société française de services numériques Atos (ex-Bull) aurait mandaté un cabinet d’avocats parisiens pour préparer l’assignation en justice contre l’Etat gabonais. Le leader européen du Cloud et de la cybersécurité réclame aux autorités gabonaises une créance non payée évaluée à «près d’1,5 million d’euros», croit savoir La lettre du continent.
Des mois avant l’élection présidentielle d’août 2016, Atos aurait livré à l’Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (Aninf) «des équipements hautement sensibles» ayant notamment servi à l’écoute, le brouillage et l’interception téléphonique. Le confidentiel en ligne croit également savoir que ces équipements ont servi à l’écoute des opposants au régime en place à Libreville. Si rien ne permet d’affirmer que le même matériel a servi pour l’écoute des observateurs européens, tel que dévoilé par Le canard enchaîné en 2016, il reste que, plus d’une année après la commande de l’Etat et la réception dudit matériel, l’Aninf n’a toujours pas réglé sa dette auprès d’Atos. Or, la société française commence à s’impatienter. La plainte supposée en préparation serait un moyen de faire pression sur Libreville, déjà acculée par des dettes diverses vis-à-vis de nombreuses entreprises nationales et internationales.
Bien que la loi sur l’écoute téléphonique au Gabon reste floue, voire inexistante, le pouvoir, aux dires de certains, n’a pas cessé d’en faire usage ces dernières années, et particulièrement dans la période du dernier scrutin électoral. De 2015 à 2016, le pays a vu son système d’espionnage renforcé, notamment avec l’achat du logiciel espion Finfisher auprès de la société britannique Gamma International. Les autorités gabonaises, selon des membres de la société civile nationale, à l’instar de Marc Ona Essangui, se seraient également attachées les services des sociétés spécialisées dans le piratage informatique, telles que l’italienne Hacking Team et l’indienne VizExec. Gageons que celles-ci ont été payées.