Même si l’équipe n’est pas encore constituée, dans les différents états-majors, du moins ceux ayant pris part aux assises d’Angondjé, des tractations sont déjà en cours, quant aux personnalités à envoyées à la « soupe gouvernementale » post-dialogue. C’est à ces hommes et femmes que sera dévolue la mission de mettre en pratique, les actes du dialogue tels qu’ils figurent dans le rapport définitif des négociations. Les enjeux démocratiques seront tellement importants que dans les coulisses, circulent déjà certains noms, même si au sein de la population, des doutes persistent quant à la réussite d’une telle mission de modernité politique.
Gouvernement d’union nationale, gouvernement de large ouverture, quelque soit la terminologie qu’on pourrait lui attribuer, l’équipe gouvernementale post-dialogue qu’on prépare déjà dans l’arrière-cour des chapelles politiques, devra s’attendre à deux missions de taille : la gouvernance électorale et la réconciliation nationale. Les deux missions sont d’autant plus pharaoniques que le pays reste marqué, depuis le terme de la présidentielle d’août dernier par des clivages politiques de plus en plus accentués.
Avec d’un côté le camp de Jean Ping, qui lui prêche toujours l’illégitimité du pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, en promettant de le destituer par la force, avec les conséquences encore inconnues que pourrait engendrer une telle épreuve de force ; et de l’autre celui du gouvernement qui continue à jurer mordicus qu’Ali Bongo est bel et bien le président du Gabon, et que tout affranchissement de la ligne rouge par l’opposant sera intolérable, on ne sait exactement comment cette rivalité extrêmement épidermique va se terminer.
Surtout si on y ajoute la "Résistance" de la diaspora, mais une résistance qui semble virer, là aussi aux extrêmes puisque certains Gabonais de l’étranger n’hésitent plus à s’attaquer physiquement aux tenants du pouvoir de Libreville ou leurs alliés en mission de travail aux Etats-Unis ou en France. Dans ce contexte plein de défiance et d’incertitudes, il appartiendra à la future équipe gouvernementale de ratisser large, non seulement pour veiller à l’application et au respect des résolutions du dialogue d’Angondjé dans la gouvernance politique, afin de conjurer définitivement le drame électoral gabonais depuis 1993, mais de mettre un point d’honneur sur la réconciliation des Gabonais. Pour y arriver, le choix des hommes et des femmes appelés à figurer dans ce gouvernement devra être un choix de "l’homme qu’il faut à la place qu’il faut".
Il faudra alors sortir de la logique des accords d’appareils, en allant chercher, non pas des copains qui vont simplement s’embourgeoiser au gouvernement, en oubliant le pari de la mission pour laquelle ils auront été choisis, comme c’est souvent le cas dans notre pays, malheureusement. Mais des personnalités soucieuses du destin collectif du Gabon. Car la crise qui agite le pays est profonde et exceptionnelle. Et à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Dans ce cas, l’échec, le moindre échec, qu’il vienne des Ministres représentant l’opposition conciliante, ou de ceux de la majorité, ne sera pas l’échec d’un camp tout désigné, mais celui de toute la classe politique.
Une classe politique, qui faute d’avoir tiré les leçons des tragédies électorales du passé, aura ouvert un boulevard vers une inconnue majeure à la prochaine présidentielle de 2023. Car après les rendez-vous manqués de 1993, 1998, 2005, 2009, et 2016, qui se sont tous soldés par des violences post-électorales, le danger qui plane sur l’échéance de 2023 est énorme. Et il appartient au futur gouvernement post-dialogue de nous l’épargner parce que c’est à lui et à lui seul que sera échue cette responsabilité : la réussite ou l’embrasement.