Dans cet entretien, le directeur général adjoint d’Averda aborde des questions que les populations se posent au quotidien sans toujours avoir de réponses satisfaisantes. Il s’étale également sur les méandres du contrat qui lie l’Etat du Gabon à l’entreprise dont les capitaux sont détenus à 70% par les Saoudiens et à 30% par les Marocains. Il ne manque pas d’évoquer les missions manquées de la société qui sont de transformer l’environnement gabonais incluant des retombées bénéfiques sur le plan économique et social du Gabon.
Les populations de Libreville et d’Akanda viennent de passer deux semaines dans une puanteur exécrable due aux immondices qui s’amoncelaient. Quelle en sont les raisons ?
Comme tout le monde a pu le percevoir, les raisons, qui ont amené Averda à ralentir ses opérations sont purement financières. Des arriérés de paiement de l’Etat ont asséché nos ressources propres. C’est la raison pour laquelle, sans un franc dans les caisses, il ne nous était plus possible de continuer les opérations de collecte et de ramassage des ordures ménagères. Mais, je précise ici qu’il ne s’agissait pas d’une grève. S’il en était le cas, vous auriez vu le personnel en mouvement d’humeur. Notre personnel a bien compris que l’entreprise avait des difficultés essentiellement liées au non-paiement des prestations par l’Etat du Gabon.
A quelle hauteur s’élève cette dette de l’Etat envers Averda ?
Nous sommes actuellement en calcul, parce qu’en dehors du simple problème de paiement, il y a aussi des difficultés liée à la mise en application de la chaine de paiement avec le nouveau mode BOP (Budgétisation par objectif de programme, Nldrl). On a pu observer des ratés dans la chaine d’exécution qui se sont rajoutés aux difficultés de paiement. Donc, avec les pouvoirs publics, nous sommes en train de regarder et analyser le montant exact de la dette. Et vous serez informés dès que le chiffre sera précisé. Qu’à cela ne tienne, il faut tout simplement retenir qu’il y a 18 mois d’impayés.
Sur Gabon 24, lundi 19 juin 2017, le directeur de développement d’Averda a déclaré que l’Etat gabonais a payé une partie de la dette…
Celui que vous avez suivi, c’est Nicolas Achkar, le directeur développement des affaires mandaté par la Holding, qui était au Gabon pendant les deux semaines que la crise a duré pour justement mener les discussions avec les pouvoirs publics et tirer au clair les raisons pour lesquelles il y avait toutes ces difficultés de paiement. Et j’étais à côté de lui quand il a dit que nous avons été partiellement payés ; ce qui nous a permis de payer les salaires et redémarrer les opérations.
Les camions d’Averda sillonnent de nouveau les artères de la capitale et sa banlieue pour enlever les ordures ménagères. Mais, l’on constate que l'entreprise ne s’occupe pas du curage des caniveaux qui sont pourtant gorgés d’ordures ménagères ?
Dès lors que nous avons reçu engagement de la part du ministère de tutelle, en l’occurrence le ministère de l’Intérieur chargé de la sécurité publique et de l’hygiène publique, nous avons reçu instruction de redémarrer les opérations sur la base des engagements pris par l’Etat. Nous avons recommencé les opérations de collectes très rapidement au soir du vendredi 16 juin. Nous avons mis en place une logistique importante ; nous avons renforcé notre parc composé d’une centaine de véhicules ; nous avons également renforcé le capital humain. Donc, nous avons un millier d’employés sur le terrain. Et au moment où je vous parle, nous sommes à 70% de retour à la normale. Demain soir (20 juin, Ndlr) au plus tard, nous serons à 100% de propreté. Ça c’est la première chose.
La seconde chose, vous avez parlé des caniveaux. La question que vous posez nous ramène en réalité aux différents départements techniques du domaine de la propreté de la commune de Libreville et d’Akanda. Ce domaine de la propreté est segmenté en départements. Le gros du boulot, c’est la collecte des ordures ménagères. Je vous donne peut-être la primeur de l’information : pour la collecte des ordures ménagères, nous employons autour de 600 Gabonais. C’est-à-dire une centaine de chauffeurs poids lourds d’engins spécialisés, à peu près 400 éboueurs, une soixantaine de responsables d’encadrement comprenant des superviseurs, des chefs d’équipe et des contrôleurs. Côté logistique, nous avons une trentaine de camions compacteurs appelés booms. Sur le plan technique, nous avons une dizaine d’engins spécialisés sans compter les camions 4X4 et autres.
S’agissant des domaines connexes, il faut savoir qu’en matière de propreté des villes et espaces communaux, vous ne pouvez pas dissocier la collecte des ordures de la propreté de la ville. Ça veut dire simplement que vous ne pouvez pas vous contenter de retirer les ordures d’un point de collecte et ne pas nettoyer sur 100 m autour. Ça n’a aucun sens ! Ça ne marche pas comme ça quand on veut rendre une ville propre ! C’est la raison pour laquelle Averda, fort de ses 30 ans d’expérience dans ce domaine, avait proposé à l’Etat gabonais des prestations liées à la collecte. Ce que ne faisaient pas nos prédécesseurs (Sovog, Clean Africa, entre autres, Ndlr).
Comment se fait alors le travail sur le terrain ?
Côté collecte, vous avez le balayage manuel et mécanique que vous voyez tous les jours à Libreville. C’est-à-dire le balayage manuel, le piquetage des voies asphaltées des rues secondaires. Vous avez déjà dû apercevoir nos balayeuses mécaniques dans les rues de Libreville, qui viennent en appui au balayage manuel, mais c’est surtout pour les grands axes tels que Boulevard du bord de mer, Voie express, Boulevard Georges Rawiri et du côté d’Akanda.
A côté de cette prestation de balayage, vous avez les opérations spéciales : le curage des caniveaux, le nettoyage des lits des rivières et des bassins versants. Ce sont des activités que nous faisons régulièrement et nous avons du personnel affecté à cette tâche, qui cure régulièrement les caniveaux, sauf que la ville de Libreville a un problème. Lorsque nous avons commencé nos activités à Libreville, nous avons fait une étude par un cabinet spécialisé sur la nature de canalisation de la ville.
Il en sort trois types d’obstacles principaux pour lesquels je ne vais pas entrer dans les détails. Vous avez des caniveaux dans lesquels se trouvent des tuyaux de conduite d’eau domestique ; vous avez des caniveaux dans lesquels se trouvent des câbles électriques ; vous avez des caniveaux dans lesquels il y a des obstructions par de blocs de fer de béton. C’est-à-dire que quelqu’un habite de l’autre côté du caniveau, il met du béton pour faire passer sa voiture. Averda n’est pas là pour détruire des ouvrages, que ce soient de l’électricité, d’eau ou de béton. Nous avons posé le problème à la mairie de Libreville, elle ne nous a jamais donné de réponse. Nous ne pouvons que curer des caniveaux dits accessibles. Voilà la difficulté. Nous n’avons aucun problème pour curer les caniveaux. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés, c’est que tous les caniveaux de Libreville ne sont pas accessibles.
Ensuite, vous avez le nettoyage des plages des fonds dits de mer. Nous avons des agents en faction 24h/24, 7j/7, pour le nettoyage des plages de fonds dits de mer. En plus des éboueurs affectés à cette tâche, nous avons deux véhicules de marques Beach cleaner hydrostatiques 3X3, qui nettoient le sable de la plage mais qu’on ne peut utiliser qu’en fonction des mouvements de la marée.
Puis, vous avez le nettoyage des lits des rivières et des bassins versants. Lorsque le gouvernement a signé son contrat avec Averda, il était question que l’entreprise nettoie les lits des rivières et des bassins versants. Sauf que nous avions posé une condition qui était que le gouvernement gabonais place sur le parcours de ces cours d’eau des grilles de rétention, qui permettent de capter la saleté pour faciliter le curage, afin d’éviter des inondations dans la ville de Libreville. C’est l’Etat gabonais qui devait faire des études là-dessus, mais c’est finalement Averda qui a financé cette étude-là.
C’est pour toutes ces raisons qu’Averda se limite au service minimum ?
C’est vous qui l’appelez service minimum. Balayer les routes tous les jours n’est pas un service minimum. Je vous ai dit que nous curons les caniveaux accessibles. Selon vous, quand nos équipes arrivent sur le terrain et qu’elles trouvent des câbles et des fils conducteurs dans les caniveaux, elles se mettent à curer ? Non. Nous ne pouvons pas prendre le risque de tuer nos agents. La mairie est parfaitement informée. On a fait un plan de la ville de Libreville avec tous les caniveaux et les endroits, en points rouges, où il y a problèmes. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse d’autre ? La seule chose sur les caniveaux qu’on ne peut pas reprocher à Averda, c’est ne pas savoir les curer. Vous connaissez un spécialiste qui sait curer les caniveaux à Libreville ? Averda a 30 ans d’expérience dans 14 pays dans le monde. Libreville et Akanda, c’est le plus petit marché d’Averda dans le monde.
Au marché de Mont Bouet, le plus grand de la capitale gabonaise, on voit des agents de nettoyage en chasubles estampillés ENSG. Qui fait finalement quoi dans l’assainissement de la ville ?
Très bonne question. S’agissant du marché de Mont Bouet, il faut que ce soit bien clair : AGLI fait ce qu’on appelle la pré-collecte. Ça veut tout simplement dire que lorsque l’heure de fermeture du marché arrive, il regroupe les ordures, les met à la sortir du marché, ensuite Averda vient récupérer et dépose à la décharge.
Une façon de dire que si le marché de Mont Bouet connait la saturation en déchets, comme c’est le cas actuellement, la faute n’est pas entièrement à Averda ?
La faute n’est pas entièrement à Averda qui nettoie tous les jours que Dieu fait. Maintenant à charge pour le pré collecteur des déchets à l’entrée du marché de faire le travail en amont.
Pourquoi le traitement des ordures ménagères n’incombe-t-il pas à Averda ?
Encore une question intéressante. Il faut savoir que sur le plan environnemental, la propreté de la ville ne se limite pas à la collecte des ordures. Il y a des secteurs connexes qui sont intrinsèquement liés à la simple collecte des ordures. Mais, dans le plan de développement de cette mission, l’objectif est d’arriver à traiter les ordures. C’est-à-dire : les ramasser, les collecter, les dépoter, les traiter. Il faut donc partir de la prise en charge de l’actuelle décharge de Mindoube, dont tout le monde sait qu’elle est saturée et qu’il va falloir la fermer, et le plus tôt serait le mieux. Sauf que pour fermer la décharge de Mindoube, il convient d’envisager la construction d’une décharge contrôlée, c’est-à-dire une usine, un pôle écologique de traitement des ordures.
Ensuite traiter les déchets actuels pour les transformer en gaz. Averda a toutes les capacités de le faire puisqu’elle le fait déjà ailleurs, à charge donc pour l’Etat gabonais de lui donner cette mission. Nous avons un projet en la matière qui régénéra plus de 300 emplois directs. Et aujourd’hui, tout le monde sait que la mise en valeur des déchets est un sujet sur le devenir de l’Humanité. C’est quelque chose qui est au cœur du développement des nations.
Pourquoi vos missions ne s’étendent pas sur la commune d’Owendo, qui connait aussi le problème l’insalubrité Libreville et Akanda ?
Le contrat qu’Averda a signé avec l’Etat gabonais concerne les communes d’Akanda et de Libreville. Nos prestations sont circonscrites à ces espaces communaux-là. Mais je dois préciser que nous avons quand même en charge une partie de la commune de Ntoum, puisque nous opérons jusqu’à Bikele, qui est un arrondissement de Ntoum. S’agissant d’Owendo, encore une fois, la réponse est la même que pour ce qui est de l’extension de nos activités à la fameuse décharge. Donc, il revient à l’Etat gabonais de nous instruire ce sujet. Toutefois, nous avons déjà été approchés, il y a un an, par Mme le maire de la commune d’Owendo (Jeanne Mbagou, Ndlr). Et jusqu’à ce jour, nous attendons que les lignes bougent du côté des pouvoirs publics. Une fois encore, je vous rassure qu’Averda dispose de la capacité d’assurer la propreté des communes d’Akanda, de Libreville et d’Owendo.
les populations de Libreville peuvent-elles se sentir rassurées de respirer de nouveau de l'air pur pendant longtemps?
Averda vous rassure que les populations respireront de l’air pur tant qu’elle sera là. Mais, vous connaissez d’ores et déjà les raisons qui ont conduit à cet arrêt des opérations. Averda n’a aucun problème en matière d’exécution de ses prestations. Nous sommes toujours habiletés à faire notre travail, mais résultat égale moyens. Averda est consciente des difficultés de l’Etat gabonais, qui sont d’ailleurs inhérentes à la conjoncture économique mondiale. Et en qualité d’entreprise citoyenne, Averda n’a ménagé aucun effort pour accompagner l’Etat dans les difficultés puisqu’on a tenu 18 mois avant de pouvoir s’essouffler.
Je ne sais pas s’il y a meilleure démonstration que la volonté d’accompagner l’Etat dans les difficultés. Cela dit, tout effort a ses limites, et nous étions arrivés à la limite de nos efforts. Cependant, je pense que chacun peut observer qu’Averda donne une qualité de service supérieure à ce que l’on peut même attendre. Tant que les moyens sont là, le travail peut être bien fait. Nous avons la technicité, nous avons la compétence, nous avons le capital humain, nous avons le matériel. Donc, tant qu’Averda sera là, les populations respireront de l’air pur.