Dans une déclaration faite le 1 juin à Libreville, le commissaire national en charge du Budget au sein de l’Union nationale (UN), Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, a déclaré que le pays serait en faillite.
Le Conseil des ministres du 19 mai 2017 a adopté un projet de loi de finances rectificative, pour l’exercice budgétaire en cours. Si le gouvernement attribue cette révision à la nécessité de la mise en œuvre du plan de relance économique, pour l’Union nationale, ce réajustement relève du volet budgétaire de l’ajustement structurel que souhaiteraient présenter les négociateurs gabonais au conseil d’administration du FMI.
Selon Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, cette révision pour l’exercice en cours, confirmerait l’état de dégradation de la situation budgétaire et financière de l’État, qui n’est plus possible de dissimuler. C’est une irresponsabilité du pouvoir qui, dans une situation aussi critique, présente un projet de budget qui n’est ni sincère, estime-t-il.
Le projet de budget rectificatif adopté par le gouvernement fait apparaitre une charge totale arrêtée à 2.860 milliards de francs CFA. Pour le financement de cette charge, l’État ne disposerait que de 1.714,6 milliards de francs CFA en ressources propres. «En d’autres termes, les ressources propres ne permettent de financer que 60% des charges de l’État. Il en résulte un besoin de financement total de 1.145,4 milliards de Fcfa, pour lequel le pouvoir n’aura d’autre solution que d’endetter encore plus les Gabonais. Et seulement 281,2 milliards de francs CFA, soit moins de 25% du total à emprunter, sont destinés à financer les divers programmes d’investissement», a déploré le commissaire national en charge du Budget de l’UN. Ce dernier regrette que «malgré l’extrême gravité de la situation, le gouvernement s’autorise, une fois de plus, à présenter un budget qui n’est ni sincère dans sa présentation, ni réaliste dans ses prévisions, ni rationnel dans ses choix et encore moins juste dans son orientation sociale».
Les 1.145,4 milliards de francs CFA que le gouvernement se propose de mobiliser en 2017, pour financer le déficit budgétaire se répartiraient ainsi qu’il suit : Prêts projets (financement de l’investissement) 281,2 milliards de francs ; émissions sur titres publics (emprunt sur les marchés financiers) 218,2 milliards de francs ; financement non bancaire (arriérés fiscaux) 29,1 milliards ; appuis budgétaires généraux 616,9 milliards de francs CFA dont 117,9 milliards proviendraient du FMI, 121,8 milliards de la Banque mondiale, 328 de la Banque africaine de développement et 49,2 de l’Agence française de développement.
«Les décaissements de ces appuis budgétaires sont soumis à un ensemble de conditions que le Gabon est, en l’État actuel, loin de pouvoir remplir», a souligné Jean Gaspard Ntoutoume Ayi.
Des dépenses en hausses de 4,0%
Les dépenses au sein de la loi de finances rectificative, passent de 1 795, 929 milliards à 1 868, 164 milliards de francs CFA. À ces dépenses du budget général s’ajoutent les dépenses relatives aux comptes d’affectation spéciale intitulés «pension» et «prestations familiales», d’un montant de 43, 102 francs CFA pour un montant global de dépenses de 1 868,163 milliards de francs CFA. La situation des engagements de l’État fait ressortir, pour l’ensemble des postes de dépenses, un niveau d’arriérés de paiements de plus de 800 milliards de FCFA. Une grande partie d’entre eux, faute d’être effectivement payée, viendra alimenter le stock de la dette pour l’année 2017. Une position caractéristique de la faiblesse de l’État à honorer à ses obligations vis-à-vis de ses créanciers.
Dans cette rubrique, le budget rectifié ramène les dépenses de personnel à 710 milliards de francs CFA, alors que les effectifs sont portés à 106.095 agents contre un montant total de 732,2 milliards de francs CFA, pour un effectif de 104.272 agents en 2016. «Les dépenses de personnel sont largement sous-estimées. Elles ne prennent pas en compte les avancements indiciaires des fonctionnaires et les cotisations de l’État-employeur à la CNAMGS. De même, les prestations familiales aux fonctionnaires ont été diminuées de 6,1 milliards de Fcfa, passant de 24,6 à 18,5 milliards de Fcfa. Cela est inadmissible», estime Jean Gaspard Ntoutoume Ayi.
Les dépenses de biens et services pour leur part augmentent de 2,1%, pour passer de 246,2 à 251,3 milliards de francs CFA, alors qu’il est demandé à l’État de réduire son train de vie pour faire face à la grave situation budgétaire dans laquelle le pays se trouve plongé.
Les exigences de l’Union nationale
Comme en février 2015, l’Union nationale exige des mesures d’urgence, notamment : la vente de tous les biens immobiliers acquis avec l’argent du contribuable à l’étranger depuis 2009, notamment en France, en Angleterre et aux États-Unis ; la vente du Boeing 777 présidentiel, dont l’entretien grève lourdement les finances de l’État ; la suppression des Agences créées depuis 2009 et qui grèvent lourdement le budget de l’État sans effet ; la suppression du système parallèle de rémunération forfaitaire dont bénéficient les agents des cabinets ministériels et politiques ; la suppression de tous les contrats de contractuel hors statut et leur mutation, si besoin, en contrat statutaires.
L’UN recommande également la suppression des contrats de consultants nationaux ou internationaux qui participent à servir des rémunérations extravagantes, lorsque ce ne sont des services spécieux très éloignés de l’intérêt public, à la présidence de la République et à l’Agence nationale des infrastructures et des fréquences (ANINF) ; la réduction effective des budgets des institutions, particulièrement les budgets de la présidence de la République, de la Cour constitutionnelle, du Sénat, de l’Assemblée nationale, du Conseil économique et social, du Conseil national de la communication, de la Commission électorale nationale autonome et permanente et de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite.
Pour l’UN, les partenaires techniques et financiers, dont la mission est d’accompagner le développement de notre pays, seraient bien inspirés de ne pas se faire les complices d’une manœuvre qui n’a d’autre finalité que de laisser inutilement aux générations futures une dette dont personne aujourd’hui n’est sûr du remboursement.
«Si ce projet de budget venait à être adopté puis exécuté en l’état, la dette du Gabon augmenterait de 1.145,4 milliards de francs CFA brut en 2017. La dette publique du Gabon, qui représentait moins de 18% du PIB en 2009, et avait déjà été portée à 49% du PIB en 2016, représenterait 55,7% de la richesse nationale à la fin de l’année 2017. Bel héritage offert aux générations futures», a prévenu le commissaire national en charge du Budget au sein de l’UN. Voilà l’ampleur du risque auquel est exposé le peuple gabonais…