Vive la présidence à vie ! Alors que la plupart des États, même des dictatures démocratiquement évoluées, se tournent vers l’adoption du quinquennat et la limitation du mandat présidentiel, le «génie gabonais» a choisi de maintenir, au 21ème siècle, le septennat et la non-limitation de celui-ci. Une façon de créer, en quelque sorte, la présidence à vie. Les participants au dialogue d’Angondjé n’ont pas fait émerger la principale réforme politique – l’évolution vers plus de démocratie – que l’on était en droit d’attendre. Démocratie, repose en paix !
L’opinion ne retient ni la transformation de la Cenap en Centre gabonais des élections (CGE), ni le dessaisissement du ministre de l’Intérieur en ce qui concerne la proclamation des résultats des élections politiques (mais le ministère de l’Intérieur conserve tout de même un élément fondamental : la confection de la liste électorale), ni non plus l’entrée du Conseil d’État dans le processus de contentieux électoral en ce qui concerne les élections locales, encore moins la réduction d’une année du mandat des Sénateurs. L’opinion ne retient que la non-limitation du mandat du chef de l’État et le maintien du septennat. Comme l’a écrit Roxanne Bouenguidi sur ces pages web, «même si tout était prévisible, on s’attendait à autre chose», à un sursaut patriotique, à un dépassement de soi des acteurs politiques réunis au Stade de l’Amitié sino-gabonaise d’Angondjé.
Le «Cabinet noir» a bien travaillé
Depuis le début du Dialogue politique, on indiquait l’existence d’une cellule politique, une sorte de «Cabinet noir» (cabinet fantôme ou shadow cabinet an anglais) qui travaillait au siège du Parti démocratique gabonais (PDG) sous la présidence de François Owono Nguema, Représentant personnel du président du PDG. Quelques députés, sénateurs et membres du cabinet présidentiel y travaillaient aussi. Selon une source proche de cette cellule, les instructions venaient directement du Palais du Bord de mer et étaient claires : pas de limitation du mandat présidentiel et pas de retour au quinquennat. Ensuite, le «Cabinet noir» donnait les éléments de langage aux représentants du PDG et de la majorité présents aux négociations.
«Ce dialogue a été une mascarade : Parce que qui paie commande, le Palais du Bord de mer a été à la manœuvre durant tous les travaux», révèle un député membre de la cellule. «Puis l’un des ténors les plus en vue était «connecté» pour «passer le message» à ces plus proches», ajoute l’intéressé. L’idée du non-retour au quinquennat et à la non-limitation venait des plus hautes instances du pays.
Plutôt l’instauration de la présidence à vie
Or, bien qu’ayant minimisé la portée des décisions qui devaient décpouler de ce dialogue, les chancelleries occidentales accréditées à Libreville avaient accordé le bénéfice du doute aux autorités gabonaises, espérant que des mesures plus «démocratiques» sortiraient de ce conclave : un mandat de cinq ans renouvelable une fois. «En lieu et place, c’est plutôt la présidence à vie qui est implicitement instaurée», regrette le chef de section politique d’une ambassade occidentale. «La démocratie qui était espérée n’est pas venue ; dans votre pays, le retour aux deux tours n’est pas une grande évolution, puisque même quand cela a existé comme en 1993, le président sortant avait interrompu le processus et avait annoncé sa victoire à l’issue du premier tour. Chez vous, la démocratie est dans la tombe. Démocratie, repose en paix», analyse le diplomate.
En outre, les participants au Dialogue d’Angondjé ont durci les critères de création, de financement et de fonctionnement des partis politiques et des syndicats. Ce qui ne donne pas un caractère forcément démocratique à une telle décision. Ceux qui craignaient un durcissement du régime ont là des preuves de ce durcissement, et en plus il est fait avec l’onction d’une certaine opposition !