Elu il y a une semaine, c’est finalement hier dimanche 14 mai 2017 qu’Emmanuel Macron a été investi officiellement président de la république française, après avoir dit au revoir à son prédécesseur, François Hollande. Au-delà du rituel traditionnel dans cette passation des charges tous les cinq ans, entre un ancien président qui s’en va et un nouveau qui le remplace à l’Elysée, ce sont les Gabonais qui rêvent désormais d’un tel scénario. Surtout pour un pays, qui depuis l’indépendance en 1960 n’a jamais connu un tel passage de flambeau.
L’image est saisissante et pleine de symboles, entre un François Hollande qui sort de l’Elysée et redevient simple citoyen avec le sentiment du devoir accompli, même si beaucoup n’a pas été fait ; et un Emmanuel Macron, qui le remplace à la tête de l’Etat français. Lequel, dans cinq ou dix ans cédera lui aussi sa place à un autre Français et deviendra à son tour simple citoyen après sa mission au palais de l’Elysée. C’est une tradition qui séduit et donne à rêver aux jeunes africains, notamment en Afrique centrale. Eux qui ont regardé le scénario hier comme quelque chose de lointain que leurs pays n’atteindront jamais, sinon dans plusieurs décennies encore, aussi longtemps que les chefs de guerre, les clans et autres monarques seront aux manettes d’une démocratie qui a toutes les apparences, mais qui au fond n’en est pas une.
L’exemple notoire est celui du Gabon, pays dont l’appareil constitutionnel est calqué du fond en comble sur le modèle de l’ancienne puissance colonisatrice, mais qui après 57 ans d’indépendance n’a jamais connu la moindre passation de service entre un Chef de l’Etat battu et un autre élu, si ce n’est avec la mort du président en exercice. C’est le scénario qui a conduit au sacre d’Omar Bongo en 1967 à la mort de Léon Mba, et c’est le même scénario qui a conduit à l’avènement au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, suite à la disparition de son père en 2009. C’est donc une alternance politique verrouillée et qui ne répond qu’à la seule volonté du Ciel, dans un pays où les élections présidentielles depuis 1993 riment forcément qu’avec fraudes massives, violences postélectorales et morts d’hommes. Un tropisme de la guerre électorale qui achève désormais de convaincre la population gabonaise, dont 87% est née sous le régime Bongo, que jamais leur pays ne connaîtra la moindre investiture à la française tant que les vestiges du régime seront toujours aux commandes.
Au fond, ce que le pays du Général De Gaul nous a montré hier, avec l’investiture de Macron, n’a rien de miraculeux. C’est le souci d’une obéissance scrupuleuse des lois démocratiques que la France s’est prescrites elle-même. Des lois qui s’imposent à tous les citoyens, y compris aux différents présidents de la république, qui les uns après les autres s’éclipsent après avoir accompli le mandat du peuple au sommet de l’Etat. Et aussi longtemps que les tenants du pouvoir au Gabon ne l’auront pas compris, il n’y aura rien à espérer d’un exemple à la française tel que nous l’avons vu hier avec ce passage de témoin entre Hollande et Macron. Et ce ne sera pas même le dialogue politique convoqué par Ali Bongo, qui le fera. Car même avec les meilleures lois démocratiques du monde, ce dialogue sera vain aussi longtemps que certains acteurs politiques feront des règles du jeu leur marchepied.