Autant dire que la décision du bureau des assises d’Angondjé, même s’il faut admettre que l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations des moins de 17 ans dans l’enceinte du stade où se tiennent les travaux du dialogue national peut être présentée comme raison pour renvoyer à plus tard la clôture desdits travaux, de laisser les discussions entre la majorité et l’opposition se poursuivre jusqu’au 25 mai prochain, alors qu’elles étaient initialement prévues pour s’achever le 11 de ce mois, n’ont pas de quoi surprendre tant les problèmes évoqués à cette occasion ont de quoi diviser les participants, s’ils sont pour l’essentiel mus par l’idée de doter le pays d’institutions fiables et d’esprits nouveaux à même de répondre avec brio aux tâches qui leur sont confiées au nom de la justice sociale et de la stabilité du pays.
Il y a dans la décision de reporter à plus tard la clôture du dialogue national comme une teinte d’insatisfaction ou de doutes chez une bonne frange de participants à ce rendez-vous prometteur pour certains, pendant que d’autres estiment que rien de nouveau n’en sortira, eu égard au fait que les comportements affichés sont de nature à les conduire déduire qu’il n’y aura rien de bien nouveau sous le soleil du Gabon. L’argent, encore l’argent, guiderait depuis le début les habitudes, ce qui laisse penser qu’il y aurait beaucoup plus de femmes et d’hommes intéressés qu’autre chose. Qui se débattent pour qui obtenir un sacré pactole, qui pour se refaire une place au soleil, place perdue depuis 2009, année de l’arrivée à la tête de l’Etat d’Ali Bongo Ondimba, qui pour placer de proches collaborateurs, qui pour donner quitus à cette grand’messe en contrepartie de prébendes.
En clair, à quoi ressembleront les textes qui seront soumis au vote des députés dans les tous prochains jours si l’on tient à rester légaliste jusqu’au bout, car les problèmes évoqués dans le cadre de cette confrontation d’idées vont puiser leurs sources dans le droit ? Qui seront les agents publics à qui l’on confiera la délicate mission de les lire et les dire ou encore de les interpréter ? La moralité des uns et des autres aura-t-elle enfin connu des mutations dans le sens de l’observation des valeurs cardinales susceptibles d’amener chacun des acteurs politiques, ne plus bouder les résultats des scrutins à venir, car ici est posé le problème fondamental des crises vécues sans discontinuer au Gabon depuis les années 90 ?
Dépassement et altruisme, deux mots à revisiter !
Après la phase citoyenne des assises pendant laquelle l’on a assisté à un déballage au cours duquel la société civile s’est à nouveau mise en première ligne, égrenant des griefs portés contre les autorités gabonaises au pouvoir, l’entrée dans la phase politique des débats, en dépit de la représentativité de l’opposition participant aux travaux, n’augurait pas de grands résultats. Et pour cause, dans un pays où les uns et les autres doivent au nom de la démocratie tenter de gérer la cité, il ne peut être qu’anormal qu’un seul camp s’arroge des prérogatives que lui confère la seule Constitution, à ses dires, alors que le peuple semble se braquer chaque fois qu’il lui est posée la question de ses rapports avec le politique. Discuter, quel que soit la couleur de votre « idéologie », des conditions de l’alternance, de la durée du mandat présidentiel, des conditions d’organisation des élections, des personnalités chargées de veiller à leur bon déroulement, beaucoup plus que des textes régissant le fonctionnement des institutions, entre autres, tout cela demande que l’on fasse l’effort de se dépasser et de faire preuve d’altruisme, car, dit-on, il s’agit de discuter de l’avenir du Gabon et non de celui d’un clan, d’une ethnie, d’une famille, d’un parti politique…
Ces femmes et hommes réunis à Angondjé depuis plusieurs semaines maintenant, en sont-ils, dans leur majorité, capables ? Les craintes des populations qui semblent chaque jour se justifier, c’est d’avoir affaire à des adeptes du surplace, à des empêcheurs de tourner en rond, mouillés jusqu’aux os par des billets de banque clinquants, on en a l’habitude sous nos cieux, quand il s’agit de solliciter le mutisme ou l’adhésion de quelqu’un ou d’un groupe à son projet.
2016, une crise similaire aux précédentes
Et le projet ici, disent de nombreux Gabonais, c’est le comment légitimer le pouvoir en place et faire que la communauté internationale l’adoube. Faut-il devant une telle affirmation tenter de la démentir en optant pour la franchise avec soi-même et le peuple pour lequel l’on dit travailler ? Opération difficile, mais que les Gabonais ont envie une fois de plus de soumettre aux participants au dialogue. En fait, avait-on réellement besoin d’aller à des négociations quand on sait que le mal est connu, identifié, diagnostiqué ? Etait-il important d’adopter la même posture que le camp Ping qui, le premier, s’est lancé dans un dialogue ? Ou fallait-il simplement, fort de ce que les institutions sont encore entre nos mains, réfléchir aux moyens d’éradiquer le mal à la racine ? Parlant justement du mal, quel est-il ? En d’autres termes, qu’elle est la cause profonde du malaise que vit le Gabon, avec lui les Gabonais aujourd’hui ? Comment procéder pour faire en sorte qu’il ne se répète plus ou pas ? Ne peut-on pas envisager des pistes de sortie de crise qui excluraient la violence ?
Dans un pays miné de toute part par des crises, l’argent dont dispose le Trésor public ne doit-il pas être utilisé avec parcimonie ? N’y a-t-il pas plus urgent que la tenue d’un dialogue par ces temps de revendications tous azimuts ? On a envie de dire qu’il est plus ou moins question aujourd’hui de changer de paradigmes, car la crise sociopolitique vécue actuellement n’est en rien différente des précédentes. Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on a comme l’impression d’être retourné avec d’autres acteurs majeurs quelquefois à la case départ.
Courage, honnêteté et lucidité, au rendez-vous ?
Où est donc le mal qui nous divise tant ? Nous ne parlerons plus d’Omar Bongo Ondimba, même s’il faut reconnaître qu’il est en partie à l’origine du système politique gabonais, nous avons de nouvelles forces qui sont nées sous le soleil du Gabon, mais qui semblent perpétuer les mêmes tares que celles entretenues par les anciens, tares que certains d’entre elles décrient en ces jours de prise de conscience si on put ainsi les qualifier. Mieux qu’autre chose, les acteurs politiques gabonais doivent s’armer de courage, d’honnêteté et de lucidité pour reconnaître, comme l’a fait Omar Bongo Ondimba avant la fin de son règne, leurs erreurs et tenter de repartir du bon pied, scellant ainsi un nouveau pacte avec le pays et ses populations. Y’a-t-il encore suffisamment de temps pour le divertissement et l’enrichissement illicite ? A ce rythme, quelle place compte occuper le Gabon, naguère Etat « vénéré », dans le concert des nations ? C’est à chacun d’entre nous et à nous tous d’y répondre tant nous sommes à des degrés divers à l’origine des maux qui minent notre pays.