Après son élection le 7 mai dernier à la Présidence de la République française, Emmanuel Macron, cristallise déjà des fantasmes divers en Afrique, quant à la nouvelle forme que devrait prendre désormais la politique africaine de L’Elysée. Si certains voient dans cette arrivée au pouvoir en France d’un jeune de 39 ans un signe de salut démocratique à l’endroit du continent, d’autres, au contraire estiment pour leur part que la résolution des problèmes de l’Afrique ne passe avant tout que par les Africains eux-mêmes. Au Gabon, à travers deux lettres à savoir celle de l’opposant, Jean Ping et de son rival, Ali Bongo, la bataille pour la légitimité semble déjà s’engager entre les deux adversaires auprès du nouveau Chef de l’Etat français.
« C’est en ma qualité de président élu de la république gabonaise et au nom du peuple gabonais qu’il me plait de vous présenter mes vives et sincères félicitations à l’occasion de votre brillante élection à la magistrature suprême de la présidence de la république française et de formuler les vœux d’un affermissement des liens entre nos deux pays dans l’intérêt bien compris de nos peuples respectifs », des propos de Jean Ping, qui continue de revendiquer sa victoire, adressés à Emmanuel Macron. Non sans ajouter : « (…) connaissant votre profond attachement à la Démocratie (…), il me plait de saisir cette heureuse opportunité pour exprimer ma foi en l’avenir heureux des rapports entre la nouvelle république gabonaise et le pays frère de France ».
Tradition républicaine oblige, Ali Bongo Ondimba s’est bien évidemment prêté à l’exercice des félicitations adressées à son nouvel homologue français. « Monsieur le Président de la république (…), il me plait de formuler à votre endroit, mes vœux ardents de succès dans l’accomplissement de vos nouvelles charges. Je voudrais aussi saisir cette heureuse occasion pour vous dire toute l’importance que mon pays accorde à la vieille amitié qui unit si heureusement nos deux peuples. A cet égard, je vous exprime mon entière disponibilité à œuvrer de concert avec vous à la consolidation de nos divers partenariats ». C’est l’essentiel de ce qu’on peut lire dans la lettre de félicitations d’Ali Bongo à Emmanuel Macron.
Les non-dits de la bataille des félicitations
Un pays, ’’deux présidents’’engagés dans une course aux félicitations à Emmanuel Macron. Ce devrait être pour Jean Ping et son adversaire, Ali Bongo Ondimba, une autre bataille de légitimité auprès du nouveau Chef de l’Etat français. Bataille de légitimité, c’est le moins qu’on puisse dire puisque la réélection d’Ali Bongo en août dernier est toujours rejetée systématiquement par son adversaire. Lequel se revendique toujours être le président élu du Gabon et promet qu’il prêtera bientôt serment pour prendre le pouvoir. C’est donc en tant que « président élu » du Gabon qu’il dit avoir écrit au nouveau locataire de l’Elysée, quelques dix minutes seulement après la proclamation de la victoire de l’intéressé pour le féliciter, tout en espérant de lui une reconnaissance. Au fond, l’opposant gabonais, à travers cette lettre si prompte, voulait marquer le terrain, sinon attirer l’attention du nouveau président français pour désavouer le pouvoir de son rival, Ali Bongo, qu’il considère toujours comme illégitime.
Cela est d’autant plus nécessaire pour lui (même symboliquement), surtout que de la part de son prédécesseur, François Hollande, il n’y a pas eu de signal fort à propos. Puisque son ministre des affaires étrangères, Jean Marc Ayrault ne s’était contenté que d’appeler tous les différents acteurs au dialogue. C’est pour Jean Ping, une façon de sonner le tocsin chez le jeune Macron, devant le silence de la communauté internationale qui ne semble pas prendre des actions fortes en sa faveur. C’est pourquoi, son rival, Ali Bongo, devant le péril de voir le jeune se muer en donneur de leçons démocratiques, a préféré mettre en avant la nécessité de préserver, mieux de sauvegarder les liens historiques d’amitié entre la France et le Gabon. Laquelle amitié passe inéluctablement par la préservation des différents contrats de partenariats tous azimuts. Reste donc au nouveau Chef de l’Etat français de trouver le juste milieu entre les deux adversaires.